Entre ruptures de stock, pétitions et procès

La vaccination malmenée

Publié le 04/01/2016
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2015 aura été une année mouvementée pour la vaccination. Entre des ruptures de stock en masse, la pétition anti-vaccination du Pr Joyeux, et les procès concernant les vaccins contre le cancer du col ou contre la méningite… Tous les ingrédients pour décourager les citoyens à se faire vacciner sont présents.

En France, les difficultés d’approvisionnement de vaccins ont été nombreuses. À commencer par la pénurie de vaccin BCG depuis fin 2014, puis celle des vaccins renfermant la valence coqueluche (Infanrix Tetra et Tétravac, Infanrix Quinta et Pentavac) en début d’année et qui devrait perdurer en 2016.

Cette dernière rupture de stock a eu des conséquences inédites. En effet, pour répondre à l’indisponibilité des vaccins tétravalents DTCP, les autorités de santé ont recommandé transitoirement de vacciner les nourrissons avec les vaccins hexavalents et les enfants de 6 ans avec les vaccins tétravalents à dose réduite d’antigènes (Repevax ou Boostrix tetra).

En mai 2015, Le Pr Joyeux, ex-cancérologue, profite de cette situation troublée pour lancer une pétition contre le vaccin hexavalent, qu’il déclare « très dangereux, inadapté et associé à un risque accru de sclérose en plaques ». Il demande le retour d’un vaccin sans aluminium renfermant uniquement les trois valences obligatoires (DTP).

Mais les propos du Pr Joyeux, bien connu pour ses idées ultraconservatrices, sont vivement critiqués par l’ensemble de la communauté scientifique : Académie de médecine, sociétés savantes de pédiatrie, et même l’association E3M qui milite pour des vaccins sans aluminium… tous réfutent ses arguments contre la vaccination. Malgré cela, et même si l’Ordre a porté plainte contre le sulfureux médecin, le mal est fait. La pétition a recueilli plus de 760 000 signatures et a contribué à ancrer encore un peu plus les peurs vaccinales dans l’esprit des Français.

Le vaccin devant les tribunaux

En parallèle, la justice a été confrontée à plusieurs affaires impliquant des vaccins. En novembre, des lots de Meningitec étaient retirés en raison de présence d’impuretés. Par la suite, 240 familles ont porté plainte devant le tribunal de grande instance de Clermont Ferrant pour effets secondaires suite à l’administration de Meningitec défectueux non retirés à temps. L’affaire est en cours.

Par ailleurs, le 5 novembre 2015, le tribunal de Paris a classé sans suite l’enquête sur le Gardasil, considérant qu’il n’y avait pas de lien de causalité direct entre ce vaccin et les maladies auto-immunes dénoncées par une cinquantaine de plaignantes, après une étude rassurante menée sur 2,2 millions de jeunes femmes.

Face à cette agitation anti-vaccins tous azimuts, la politique vaccinale française semble bien fragile. Déjà, elle souffre de certaines inepties : une obligation vaccinale contre trois maladies désormais dépassées (DTP) et une simple recommandation vaccinale contre des pathologies plus préoccupantes aujourd’hui (hépatite B, Hæmophius influenzæ b, coqueluche). De plus, aucun vaccin renfermant uniquement les trois valences obligatoires n’est disponible sur le marché, ce qui ne manque pas d’alimenter l’argumentaire des anti-vaccinaux.

En novembre 2015, l’Académie de médecine a donc décidé de prendre le taureau par les cornes en proposant de modifier purement et simplement la stratégie vaccinale et en faisant évoluer l’obligation vaccinale vers une obligation de principe : lors de l’entrée en collectivité, dans le cadre de l’exercice de certains métiers exposés (profession de santé, militaires) ou de situations à risque (voyages.). Ainsi, le calendrier vaccinal deviendrait plus intelligible. À voir si, dans l’année à venir, le gouvernement suivra.

C. D.

Source : Le Quotidien du Pharmacien: 3228
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