Nous n’avions de cesse, depuis des décennies, de traquer les bactéries pathogènes à l’origine de maladies épidémiques. Aujourd’hui, nous savons qu’en les détruisant nous éliminons en même temps les « bonnes » bactéries. Nous déséquilibrons ainsi dangereusement nos différents microbiotes, intestinal, vaginal, cutané, pulmonaire, oculaire etc. et nous nuisons à notre santé. Il ne s’agit évidemment pas de remettre en cause les gestes essentiels d’hygiène mais l’hyperhygiénisme sanitaire. Les preuves en effet s’accumulent tous azimuts.
Trop d’hygiène et d’antibiotiques
Au départ, de simples observations ont suggéré l’existence de liens entre l’augmentation des allergies ou des maladies auto-immunes (MICI, diabète…) et le mode de vie des pays développés. Ces maladies sont en effet beaucoup moins répandues dans les pays pauvres et, de plus, ont tendance à apparaître dans les familles de migrants installées dans des pays plus riches. Puis les études se sont multipliées et ont confirmé ce paradoxe. Ainsi, les enfants vivant dans une ferme, à proximité d’animaux et par conséquent en contact constant avec des microbes, développent au cours de leur vie moins d’allergies que les enfants des villes qui grandissent dans un environnement aseptisé. Même constat chez les enfants nés dans une grande fratrie, plus exposés aux virus et bactéries échangés avec leurs frères et sœurs que les enfants uniques et chez les enfants fréquentant les crèches par rapport à ceux qui restent à la maison. Autre exemple plus récent : les enfants dont les urines contiennent un taux élevé de triclosan, un composé antibactérien utilisé dans de nombreux produits d’hygiène, souffrent plus que les autres d’allergies et de rhume des foins. Une utilisation excessive de savons, déodorants et autres produits décapants, antiseptiques et antifongiques n’aurait donc pas seulement des effets néfastes sur le développement du microbiote cutané (dermatite atopique notamment) et vaginal (infections urogénitales). Les mécanismes qui lient propreté excessive et pathologies du système immunitaire ne sont pas encore élucidés mais l’exposition à des composants issus de virus ou de bactéries a un effet régulateur sur le système immunitaire et protège donc contre l’allergie en particulier.
Compétition entre deux types de réponses immunitaires
Autre exemple parlant : des souris élevées en milieu stérile développent spontanément un diabète de type 1 mais quand un parasite ou un microbe y est introduit, en l’espace d’une génération le pourcentage de diabète chute de 90 à 50-60 % et cette baisse se poursuit. En décontaminant ces souris, le pourcentage de diabète remonte à 90 % en une génération seulement. Explication : il y a compétition entre les réponses immunitaires contre les antigènes forts que sont ceux des agents infectieux et les antigènes plus faibles que sont les antigènes et les molécules à l’origine des allergies et des maladies auto-immunes. Quand la réponse contre les infections diminue parce qu’il y a moins d’infections, cela fait remonter la réponse contre les allergènes et les auto-antigènes, c’est-à-dire les maladies allergiques et auto-immunes.
Grand responsable de déséquilibre du microbiote intestinal (dysbiose), et par voie de conséquence de syndrome de l’intestin irritable, d’allergies, obésité, diabète, maladie de Crohn et rectocolite hémorragique, maladies neuropsychiatriques peut-être (autisme, dépression…) : l’antibiothérapie. Chez l’adulte et a fortiori chez le nouveau-né dont le microbiote n’est stabilisé que vers l’âge de 2-3 ans. Les diarrhées sont certes ponctuelles et le déséquilibre de la flore induit se reconstitue vite mais les personnes qui prennent souvent des antibiotiques finissent par modifier durablement leur flore. L’an dernier, des chercheurs français ont même démontré que la prise d’antibiotiques affectait l’efficacité d’un traitement par immunothérapie chez des patients atteints de cancer. Or, 20 % des cancéreux sont sous antibiothérapie. D’autres médicaments courants altèrent le microbiote intestinal : laxatifs et inhibiteurs de la pompe à proton.
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