Exercer la pharmacie demain

Les étudiants face au risque de l’ubérisation

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Publié le 21/04/2016
Les étudiants dessinent les contours de leur futur exercice professionnel en composant avec une menace supplémentaire, celle de l’ubérisation de la pharmacie. Mais les pharmaciens de demain ont déjà leur contre-attaque en poche.

Récemment consultés par l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS) sur la pharmacie de demain, les étudiants n’ont pas attendu pour réfléchir à leur avenir et à celui de la profession.

En préambule d’un livre blanc qu’ils aimeraient finaliser pour leur congrès de juin, les futurs pharmaciens tracent déjà quelques pistes de réflexion. Parmi elles, ils évoquent les risques de l’ubérisation de la pharmacie qui planent sur leur exercice professionnel.

Cette menace qui n’est pas propre à l’officine, est prise au sérieux par les étudiants. Toutefois, ils la considèrent également comme une opportunité pour retrouver le cœur du métier auquel ils ont été formés. « Une profession est en effet "ubérisable" dès lors qu’elle se détourne de sa valeur ajoutée. Or notre valeur ajoutée n’est pas de distribuer du médicament mais bien d’offrir des services et de nous inscrire dans un espace de santé », explique Hadrien Philippe, porte-parole de l’Association nationale des étudiants en pharmacie de France (ANEPF).

À cette occasion, les étudiants réaffirment leur volonté de pouvoir vacciner, de voir les TROD revenir en officine, ou encore de développer plus largement les entretiens pharmaceutiques.

Un nouveau référentiel métier

Les prises de position des futurs pharmaciens sont claires. Ils veulent être les experts de santé dans le suivi du patient. « Si nous ne parvenons pas à le faire, Uber le fera pour nous », lance Hadrien Philippe redoutant l’arrivée en force d’Amazon et d’autres acteurs du Web dans la distribution du médicament.

Paradoxalement, les étudiants ne se sentent pas préparés à ces nouvelles missions. « Lors de notre grand entretien il y a trois ans, 82 % des étudiants affirmaient ne pas avoir acquis assez de pratiques au cours de leurs études », remarque Hadrien Philippe. C’est un fait, nombre de sixièmes années ne se sentent pas à l’aise pour s’investir dans les services. Lucides, ils demandent à être évalués non plus seulement sur leurs connaissances, mais aussi sur leurs compétences. Raison de plus donc pour que le débat actuel sur la réforme des études prenne en considération un référentiel de compétences.

Selon l’ANEPF, ce référentiel aurait pour autre avantage d’homogénéiser le niveau des étudiants qui reste, dans les nouvelles missions comme dans l’intégration du numérique, très « fac dépendant ». Les étudiants ont cependant conscience que ce virage demeurerait utopique s’il ne s’accompagnait pas d’un nouveau modèle économique, basé sur une rémunération à l’honoraire. Enfin, cette mutation du modèle officinal ne saurait s’accomplir sans une transcription dans l’agencement de la pharmacie. « Il faut casser l’idée de comptoir et, avec elle, l’image du pharmacien vendeur », déclare le porte-parole de l’ANEPF.

Selon les visions des étudiants, la configuration de l’officine s’ouvrira à des espaces aménagés permettant aux patients de s’installer et d’échanger avec leur pharmacien « en toute confidentialité ». Les rayons aujourd’hui dédiés à la para, à l’OTC et au médicament, céderont la place à un large espace de santé publique.

Les étudiants ne s’arrêteront pas à la simple présence d’un tensiomètre. L’officine des futurs diplômés sera une e-pharmacie qui, foisonnant d’applications au service du patient, aura parfaitement intégré l’arrivée du numérique. Comme Uber.

Marie Bonte

Source : Le Quotidien du Pharmacien: 3259
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