RESPECT DE L’ENVIRONNEMENT : un vœu pieux pendant des années. Un maître mot depuis peu. Car désormais la nature a la côte ! Et la santé n’échappe pas à cette tendance. Rien d’étonnant, dès lors, que les médecines naturelles, un temps décriées, aient désormais le vent en poupe. Avec une progression constante de leurs ventes, depuis une dizaine d’années, les produits de phytothérapie, d’homéopathie et d’aromathérapie sont bel et bien en odeur de sainteté. Pour preuve : la croissance est toujours à deux chiffres. Cette estime se traduit d’ailleurs par le qualificatif de médecines douces qui, aujourd’hui, englobe ces diverses approches thérapeutiques et suffit à démontrer « leur caractère rassurant ». Il faudrait plutôt les qualifier de médecines non conventionnelles, précise Loïc Bureau, professeur de nutraceutiques à Rennes I et fondateur de la société de formation IFAS qui déplore « le manque d’attirance des pharmaciens pour l’aromathérapie ».
Car ces traitements entendent bien se démarquer de leurs cousins allopathes par leur aspect raisonnable et modéré. Deux caractéristiques sécurisantes pour des patients désireux de faire évoluer leur façon de se soigner, à l’instar des consommateurs qui ont décidé de changer leur alimentation. « Les patients craignent de plus en plus les effets secondaires des médicaments allopathiques », explique ainsi Séverine Dewally, des laboratoires Weleda. Sans oublier le risque iatrogène qui « apparaît moindre avec les médecines douces », ajoute Céline Bonnier de Seven Pharma. Un risque à ne pas négliger pour autant comme ont pu le démontrer les mises en accusation du millepertuis et de quelques autres plantes.
Dans l’air du temps.
Un risque cependant peu présent dans l’inconscient collectif désormais sensibilisé aux problématiques écologiques. « Les médecines naturelles se présentent comme une alternative adaptée à l’air du temps », explique Laurent Mermet, du laboratoire Naturactiv. D’autant que les campagnes de communication publiées dans les magazines féminins et de santé grand public par les acteurs de ces marchés contribuent à convaincre les quelques patients encore réticents. Une promotion efficace, puisque Weleda et Seven Pharma ont enregistré une nette croissance de leurs ventes (+50 % en moyenne). À l’instar de l’ensemble des produits homéopathiques, dont les ventes ont enregistré une forte progression au cours de l’année 2009 (+20 % en moyenne).
Quant à Arkopharma, dont les produits homéopathiques « ne représentent que 2 % du chiffre d’affaires et 6 % des ventes en unités », il surfe également sur cette vague porteuse. En progression de 28 %, en 2009, les produits homéopathiques d’OTC ont ainsi « dégagé 1,5 million d’euros de chiffre d’affaires pour quelque trente millions d’unités vendues » principalement dans les classes ORL (pathologies hivernales et allergiques) et neurologique (anxiété, insomnies, nervosité, sevrage tabagique…). « La croissance du marché des médecines douces est intimement liée à la notion de capital santé, dont les patients ont désormais conscience et qu’ils entendent préserver », explique Stéphane Lehning, président du laboratoire éponyme.
Une valorisation du conseil officinal.
Le pharmacien n’en reste pas moins l’acteur clé de ces marchés. La raison ? « Phytothérapie, homéopathie et aromathérapie permettent aux officinaux de démontrer toute la valeur du conseil pharmaceutique », explique Laurent Mermet. Un conseil qui nécessite bien évidemment une actualisation des connaissances. « Naturactiv a ainsi mis sur pieds un réseau de formateurs qui visitent trois à six fois par an les pharmaciens ». Une démarche également adoptée par Seven Pharma qui a mis en place un réseau de délégués pharmaceutiques dans le but d’« aider les officinaux à délivrer le bon conseil au bon moment », explique Céline Bonnier. Conséquence : « les patients peu férus de médecines douces montrent de plus en plus d’intérêt pour l’homéopathie ». Et rien ne vaut un patient convaincu pour vaincre les dernières réticences des praticiens…
L’homéopathie n’est pas une médecine douce !
Fort de l’intérêt de la caution médicale qui encourage les patients à se tourner vers les médecines douces, les laboratoires Boiron ont intégré les praticiens dans leur stratégie. Le leader mondial de l’homéopathie entend en effet donner à cette spécialité ses lettres de noblesses en l’intégrant dans l’arsenal thérapeutique. Pas question donc de considérer l’homéopathie comme une médecine douce ! C’est « une stratégie thérapeutique à part entière au même titre que l’allopathie, l’acupuncture ou encore l’ostéopathie », explique Valérie Poinsot, directrice générale adjointe des laboratoires Boiron. Une position qui a conduit le groupe lyonnais à soutenir depuis toujours les organismes de formation des professionnels de santé, tels que le Centre d’enseignement et de développement de l’homéopathie (CEDH) ou la FFSH. Deux organismes qui s’emploient à expliquer la stratégie thérapeutique de l’homéopathie et en particulier à mettre en avant la logique préventive de ces produits. Car l’homéopathie se veut une véritable « alternative thérapeutique qui préserve l’organisme et est efficace tant du point de vue préventif que curatif », précise Stéphane Lehning.
Et force est de constater que la recette fonctionne, puisque « six patients sur dix déclarent avoir envie de recourir aux produits homéopathiques et quatre d’entre eux ont déjà franchi le pas », précise Marc Bechu, directeur marketing de Boiron. Avant d’ajouter : « il est essentiel de renforcer la complémentarité entre médecins et pharmaciens afin que les premiers puissent expliquer aux patients le principe même de la démarche homéopathique et que les seconds leur délivrent le produit correspondant précisément à leurs besoins ». Une dispensation par ailleurs rémunératrice, puisqu’à l’instar du « chiffre d’affaires français du laboratoire qui a progressé de 57 % au cours des cinq dernières années, le chiffre d’affaires des pharmaciens investies dans l’homéopathie progresse très nettement », ajoute encore Valérie Poinsot. Sans oublier, la marge qui est « plus importante sur les produits homéopathiques ».
Formation nécessaire.
Une motivation supplémentaire pour des pharmaciens qui pourraient ainsi obtenir une juste rémunération de leur investissement. Car « les marchés de l’homéopathie, de l’aromathérapie et de la phytothérapie nécessitent incontestablement que les pharmaciens se forment régulièrement », ajoute encore Loïc Bureau. Avant de conclure : « c’est la condition incontournable pour que les officinaux fassent évoluer leur statut de dispensateur vers celui de conseiller ». À défaut, ils laisseraient grand ouvert la voie à Michel Édouard Leclerc, dont les juristes pourraient bien profiter de la réévaluation européenne des médicaments phytothérapique avec une AMM allégée.
Article précédent
La nature n’est pas toujours bonne
Article suivant
Pour s’y retrouver dans la jungle des labels
Ces plantes qui nous sauvent
Ma pharmacie a les doigts verts
La toxicité des médecines naturelles en questions
Des indications à manier avec précaution
Portrait-robot des adeptes de la méthode douce
Comment réussir en aromathérapie
Une question de terrain
La nature n’est pas toujours bonne
Un marché éclaté mais porteur
Pour s’y retrouver dans la jungle des labels
Industrie pharmaceutique
Gilead autorise des génériqueurs à fabriquer du lénacapavir
Dans le Rhône
Des pharmacies collectent pour les Restos du cœur
Substitution par le pharmacien
Biosimilaires : les patients sont prêts, mais…
D’après une enquête d’UFC-Que choisir
Huit médicaments périmés sur dix restent efficaces à 90 %