Le 12 février dernier, une équipe d’inspecteurs de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) finalisait une enquête chez un fabricant indien de principes actifs, à Tanapur, une ville située à une centaine de kilomètres au nord de Bombay. Dans son rapport, Jacques Morénas, directeur- adjoint de l’inspection de l’ANSM, pointe à 24 reprises le non-respect des bonnes pratiques de fabrication, dont un dysfonctionnement jugé comme « critique ».
Les inspecteurs reprochent à Anuh Pharma de cacher à ses clients son recours à des sous-traitants, notamment pour le procédé de micronisation de l’azithromycine, du chloramphénicol, de la clarithromycine, de la roxithromycine, ou encore de la sulfadoxine. En l’occurrence, l’azithromycine est fabriquée par une entreprise chinoise, Hebei Dongfeng Pharmaceutical, qui ne détient pas le certificat de bonnes pratiques de fabrication de l’Union européenne et qui envoie directement ses produits en Europe sous le nom d’Anuh Pharma.
L’ANSM met en cause l’ensemble du système qualité d’Anuh Pharma, et son manque de transparence alimente des doutes sur l’origine de toutes les substances actives qu’il fournit. Dans son rapport, Jacques Morénas recommande le retrait du certificat de conformité aux bonnes pratiques de fabrication européennes, le changement de fabricant, le rappel des produits et l’interdiction pour le laboratoire de poursuivre une activité pharmaceutique.
À la mi-mars, la Direction européenne de la qualité du médicament et des soins de santé (DEQM) décide de suspendre le certificat de conformité à la pharmacopée européenne (CEP) de l’éthylsuccinate d’érythromycine, l’érythromycine et le pyrazinamide. Le 20 avril dernier, l’Organisation mondiale de la santé retire, elle, le pyrazinamide et la sulfadoxine d’Anuh Pharma de la liste des médicaments essentiels. Les dix groupes pharmaceutiques qui utilisaient ces substances doivent depuis cette date se tourner vers un autre fournisseur et mener des analyses sur les lots encore en stock issus d’Anuh Pharma. Cette suspension d’utilisation des produits du fabricant indien ne pourra être levée qu’après une inspection positive.
Gérer le risque
« La DEQM a suspendu les certificats de conformité à la pharmacopée européenne, précise Jacques Morénas. Chaque autorité nationale compétente peut ensuite aller plus loin en fonction de la situation de son marché intérieur. En France, par exemple, l’éthylsuccinate d’érythromycine d’Anuh Pharma était utilisé dans un médicament, le Pédiazole du laboratoire Bioproject Pharma. Mais le dernier lot concerné était périmé depuis novembre 2015, l’ANSM n’a donc pas eu à demander un rappel de lots. »
En revanche, pour le pyrazinamide, indiquée dans la tuberculose, l’ANSM a dû évaluer le bénéfice-risque d’un rappel de lots. « Sur le site d’Anuh Pharma, nous n’avons pas mis en évidence une mauvaise qualité des substances actives mais un problème de traçabilité dans le processus de fabrication. En France, comme il n’existe aucune alternative aux deux spécialités qui contiennent du pyrazinamide d’Anuh Pharma, l’ANSM a estimé, en termes de bénéfice/risque, qu’il était plus raisonnable de laisser ces spécialités sur le marché », explique le directeur adjoint. Il ajoute : « Il faut mesurer avec beaucoup de soin l’impact d’un rappel de lots : un médicament essentiel sans équivalent qui devient indisponible, c’est un risque majeur pour les patients concernés ! »
Un processus bien rodé
Les inspections en pays tiers (hors Europe) remontent à plus de vingt ans. Elles peuvent être réclamées, par exemple, à l’occasion d’une demande d’autorisation de mise sur le marché (AMM) alors qu’aucune donnée sur les pratiques de fabrication ne figure dans le registre européen EudraGMPD*. Ces inspections pour le compte propre de l’ANSM peuvent concerner aussi bien les principes actifs que les produits finis.
Parallèlement, la DEQM programme chaque année des inspections dans les pays tiers, dont elle fournit la liste aux inspections nationales, chacune pouvant proposer ses services. « D’après des statistiques récentes, l’ANSM est l’un des plus gros contributeurs des inspections de la DEQM, souligne Jacques Morénas. Nous décidons de coopérer dès lors que les substances actives visées sont utilisées dans des médicaments présents en France. » Enfin, des inspections peuvent aussi être menées en collaboration avec l’OMS. « Nous répondons tous à la thématique internationale de gestion du risque, indique-t-il. Certains établissements, connus comme étant particulièrement à risques, reçoivent plus régulièrement nos inspections. »
En analysant le compte rendu des inspections effectuées depuis le début de l’année par les autorités sanitaires des différents États membres de l’Union européenne, on note une nette concentration des opérations sur les sites de fabrication asiatiques. « Il est logique que les régulateurs du monde entier portent une attention particulière à l’Inde et à la Chine, car, rappelle Jacques Morénas, il est communément admis qu’elles produisent 80 % des substances actives. »
*Registre alimenté par l’ensemble des États membres de l’Union européenne et administré par l’Agence européenne des médicaments (EMA).
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