LE QUOTIDIEN DU PHARMACIEN.- Au vu de votre expérience comment qualifierez-vous l’évolution des besoins de la population en soins et actes à visée esthétique ?
Dr NINA ROOS.- Ces besoins sont clairement en croissance. Ils s’étendent à des couches de populations qui étaient jusqu’alors moins friandes de ce type de soins, tels les messieurs, les adolescents, voire les très jeunes. Cette demande croissante fait, en Europe, de plus en plus appel aux produits d’origine naturelle et bio. En consultation, même si cela reste une demande marginale, les hommes expriment de plus en plus souvent un souci d’hygiène et d’entretien de leur peau, même s’ils ne cherchent pas des produits aussi techniques que les femmes, la demande est là. C’est à la fois le résultat d’un ressenti mais aussi d’une pression sociale qui amène les hommes à afficher une peau saine.
Quels sont les actes le plus souvent demandés par vos patients ?
Chaque médecin a forcément un petit biais de recrutement lié à ses compétences propres. Mais globalement, la demande s’oriente clairement vers des actes légers et sans danger, si possible aux effets durables. Les femmes - 90 % de ma patientèle - se focalisent non pas sur l’âge qu’on leur donnera en les regardant, mais plutôt sur l’harmonie de leur visage et son aspect sain. Elles sollicitent principalement des injections à la française, c’est-à-dire, légères, possiblement non décelables par l’entourage, et certains actes laser tels l’épilation, les traitements de la couperose, des rides, des cicatrices d’acné, ou encore celui des vergetures. Les plaintes expriment moins le besoin d’une prise en charge des rides que celui de remédier à une peau jugée terne et fatiguée.
Lorsque vous parlez d’injection, s’agit-il du Botox ou de produits de comblement ?
Les deux. Mais ces deux types de traitements ne concernent pas les mêmes zones du visage. La toxine botulique s’adresse principalement au tiers supérieur du visage, le front, les rides du tour de l’œil et la ride du lion, alors que l’acide hyaluronique et les autres produits volumateurs s’adressent au tiers moyen et au tiers inférieur du visage.
Est-il exact que les femmes qui revendiquent l’accès à ces techniques sont de plus en plus jeunes ?
Oui. Je n’ai pas de statistiques précises à ce sujet, mais il semble qu’il existe une préoccupation croissante de la part des jeunes en terme de prévention du vieillissement. Ces jeunes patientes ne sont pas forcément, là encore, focalisées sur la correction d’un gros défaut, mais elles sont de plus en plus tôt préoccupées par la question : « que puis-je faire pour prévenir, limiter les effets de l’âge ? ». Il n’est pas rare qu’entre 25 et 30 ans une jeune femme avec une peau claire commence à s’intéresser à ses rides naissantes autour de l’œil.
Quelles sont les limites de l’intervention en ce domaine ? Quels critères vous conduisent à refuser un acte ou un soin ?
C’est toujours à discuter au cas par cas en fonction de la patiente qui vous fait face. Je démarre de toute façon chaque consultation par un examen clinique et un relevé des antécédents. Car certains patients présentent des contre-indications, qu’il faut savoir respecter. Les femmes enceintes, par exemple, ne doivent jamais être traitées. Quant à l’indication, elle doit être visible du point de vue du médecin. C’est-à-dire qu’une patiente qui focalise sur un défaut que le médecin ne voit pas, ne sera jamais satisfaite du résultat. Il faut alors rechercher un autre problème, tel un problème de couple, ou simplement un problème d’image de soi. Personnellement, je me pose également des limites de fréquence dans mes interventions. Une patiente qui revient tous les 3 à 4 mois avec une demande particulière, est une personne qui n’aura jamais fini. Il faut alors savoir la freiner et ne pas entrer dans la surenchère. Savoir laisser couler les choses pour refuser en douceur le soin.
L’arsenal cosmétique du pharmacien est-il selon vous bien utilisé ?
On a la chance en France d’avoir de nombreux laboratoires de cosmétiques auxquels on peut se fier. Malheureusement, de mon point de vue, le pharmacien a parfois trop tendance à proposer des produits en fonction de leur aspect rémunérateur et à céder un peu au chant des sirènes de certains laboratoires… Cette pression commerciale nuit parfois à la qualité du conseil. Nos prescriptions sont même parfois négligées par certains officinaux qui substituent trop librement en fonction de leur stock. Une crème n’en vaut pas toujours une autre…
En terme de conseil, je n’en suis pas sûre, mais je pense que les pharmaciens sont plus attentifs à la pharmacologie des médicaments qu’aux performances et caractéristiques de leurs gammes cosmétiques. D’un certain côté, c’est logique. Je serais curieuse d’avoir leur point de vue sur la question. Par ailleurs, je regrette que les cosmétiques bio et naturels ne soient pas plus représentés en pharmacie. C’est dommage car les consommateurs risquent de retourner vers la GMS et surtout vers la vente en ligne.
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