Dans le dernier rapport de l'Observatoire sociétal des cancers publié en juin 2017, la Ligue contre le cancer s'est intéressée aux sujets de plus de 75 ans. Cette population est fortement confrontée à la maladie cancéreuse et le phénomène devrait s'accentuer dans les années à venir ; en 2050, les prévisions indiquent que la moitié des cancers sera diagnostiquée chez des personnes de 75 ans et plus.
Or, l'association pointe du doigt le manque de spécificité des traitements actuellement proposés pour traiter cette population. « Aujourd’hui les personnes âgées atteintes de cancer sont le plus souvent traitées en adaptant les traitements « standard » utilisés pour les personnes plus jeunes », notent ainsi les auteurs du rapport. Pour y remédier, l'association recommande de renforcer la recherche en oncogériatrie, afin de recueillir des données plus appropriées et mieux exploitables tant en termes d'efficacité que d'innocuité. Autrement dit, proposer un éventail de médicaments à rapport bénéfice/risque favorable chez les sujets âgés, selon la même démarche réalisée en pédiatrie. Cela demande de développer des essais cliniques dans lesquels les sujets âgés seraient beaucoup plus représentés. « A ce jour, seules 1 à 2 % des personnes âgées de 75 ans à 85 ans sont incluses dans des essais cliniques en cancérologie », rapportent les auteurs.
Essais cliniques et âge : une obligation difficile
« L'intérêt de développer des essais cliniques au sein de populations d'âge plus avancé réside évidemment dans la meilleure connaissance attendue des effets des médicaments en développement dans cette population particulière », commente l'ANSM, précisant néanmoins que dans les essais chez l'adulte, la seule limite d'âge imposée est l'âge minimum, à savoir 18 ans. Pas de limite d'âge donc mais une difficulté à former une cohorte suffisante de patients âgés répondant aux critères d'inclusion de l'essai. « Il faut reconnaître qu'il est parfois difficile d'avoir des cohortes importantes de sujets très âgés (de plus de 85 ans) car les pathologies ou les traitements associés obligent à les exclure de l'essai », analyse Éric Didier, directeur pharmacocinétique/pharmacodynamie R et D du laboratoire Pierre Fabre.
Le rapport bénéfice/risque d'un médicament évolue avec l'âge
L'étude des médicaments chez le sujet âgé est pourtant indispensable pour établir les consignes de bon usage dans cette population. Le vieillissement s'accompagne en effet de modifications physiologiques pouvant influencer les propriétés pharmacocinétiques du médicament et par conséquent son profil de sécurité. « Chez les patients âgés, on observe une modification du tractus digestif, se traduisant par une élévation du pH gastrique et une réduction de la motilité du tractus. La conséquence est une modification de l'absorption du médicament par voie orale. Les sujets âgés présentent également une réduction de la fonction rénale et des capacités métaboliques, notamment au niveau hépatique. Cela réduit la clairance des médicaments avec pour effet d'augmenter l'exposition et donc l'activité des médicaments par rapport à ce qui est mesuré chez le sujet plus jeune », détaille Éric Didier. En outre, la comédication est un comportement fréquemment observé, en raison du caractère polypathologique. « La comédication est un facteur extrinsèque à prendre en considération, puisque ce comportement est source d'interactions », souligne le directeur R et D du groupe Pierre Fabre. Lors du développement d'un médicament, « il reste cependant difficile d'anticiper quel impact pourront avoir toutes les associations de médicaments qui seront réalisées dans la vraie vie », explique Éric Didier. C'est donc sur le système de pharmacovigilance que repose majoritairement la mise à jour des informations d'utilisation en vie réelle, sur lesquelles peuvent s'appuyer les professionnels de santé.
Pas d'ordonnance type, mais une logique de prescription et de délivrance
Car dans la « vraie vie » justement, les prescripteurs et les pharmaciens sont en première ligne. Comment prescrire et délivrer en assurant un meilleur rapport bénéfice/risque pour le patient, c'est-à-dire en tenant compte de l'objectif thérapeutique d'une part, et des fragilités individuelles d'autre part ? Pour accompagner les médecins à mieux prescrire, la HAS (Haute Autorité de santé) a élaboré dès 2006 le programme PMSA (prescription médicamenteuse chez le sujet âgé). Il n'y a pas d'ordonnance type pour le sujet âgé mais une logique à respecter, c'est-à-dire des questions systématiques que l'on doit se poser avant de proposer un médicament. Ce médicament est-il opportun au regard de son efficacité attendue, de sa toxicité et des caractéristiques physiologiques du patient ? Il est nécessaire de croiser les données générales sur le médicament, en s'aidant des informations de l'AMM, et les données individuelles du patient afin d'établir un équilibre efficacité/sécurité positif, sans perte de chance pour le patient. Autre point essentiel, une révision systématique et régulière des prescriptions permet d'éliminer des médicaments devenus inutiles voire délétères, ou d'adapter les doses. Et pour cela, la complémentarité entre prescripteur et pharmacien est fondamentale. « Le pharmacien est un partenaire clé dans la prise en charge du patient, en particulier le patient âgé. Il est le professionnel de santé le plus souvent en contact avec lui ou son entourage. Il est aussi le centralisateur des prescriptions émises par divers médecins », rappelle le professeur Christian Thuillez, pharmacologue membre du Collège de la HAS et président de la Commission de la Transparence.
Cette collaboration est d'ailleurs prévue par l'avenant 11 à la Convention pharmaceutique, sous la forme du bilan de médication. L'objectif de ce travail confié au pharmacien est d'analyser la consommation individuelle de médicaments pour un patient âgé et polymédiqué, afin d'en dégager des recommandations à l'attention des prescripteurs. Consultée par la CNAM, c'est donc en toute logique que la HAS a validé le principe du bilan de médication. « Ce bilan concrétise l'implication du pharmacien dans la surveillance du patient âgé, qu'il s'agisse de la détection d'effets indésirables ou d'interactions, mais aussi pour assurer un suivi de l'observance et du bon usage des médicaments », conclut le membre du Collège de la HAS.
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