Le Quotidien du Pharmacien.- Quels sont les principaux effets sur l'homme de longs séjours en impesanteur ?
Marie-Pierre Bareille.- L'adaptation de l'organisme à l'impesanteur touche de nombreux systèmes physiologiques. Au retour sur Terre, cette adaptation se traduit par tous les effets négatifs de l'impesanteur sur l'organisme. Les astronautes se déconditionnent, notamment sur le plan cardiovasculaire, ce qui entraîne par exemple une hypotension orthostatique aux mécanismes multifactoriels : à la fois cardiovasculaires et musculaires (fonte musculaire). Au niveau musculaire, on observe une modification des fibres. Les fibres sont, après un long séjour dans l'espace, plutôt de type rapide ce qui rend le muscle plus fatigable. Sur le plan métabolique, on constate également une plus grande résistance à l'insuline. Le muscle est alors moins capable d'utiliser le glucose.
La principale raison des modifications cardiovasculaires en impesanteur est l'hypovolémie liée à la re-répartition des fluides sanguins qui remontent vers la partie haute du corps, ce qui a pour conséquence de diminuer la volémie du fait d'un feed-back hormonal.
On observe également une baisse de l'immunité et une déminéralisation osseuse.
Au total, comme toutes les agences spatiales, nous cherchons à développer des contre-mesures aptes à contrecarrer tous les effets négatifs de l'impesanteur.
En quoi consiste une étude de simulation d'impesanteur et quels en sont les objectifs ?
On utilise un modèle d'étude d'alitement standard, ou « bed rest », qui consiste en un alitement anti-orthostatique avec la tête plus bas que les pieds. Le lit est incliné selon un angle de - 6° par rapport à l'horizontal qui permet de reproduire les conditions du transfert liquidien observé dans l'espace. C'est un modèle d'inactivité qui amène les mêmes modifications musculaires qu'en impesanteur. Les volontaires sont déconditionnés sur le plan cardiovasculaire. On retrouve également les modifications du système immunitaire. Ce modèle est assez fiable.
L'objectif de ces études au sol est de développer de nouvelles contre-mesures pour maintenir les astronautes en forme. Concernant l'étude d'alitement en cours, 16 équipes scientifiques ont été sélectionnées. L'enjeu, c'est de mettre au point un protocole qui n'amène pas d'interférences entre les différentes études et qui soit acceptable sur le plan éthique et humain.
L'étude dont vous êtes responsable évaluera l'intérêt d'une association de compléments alimentaires. Quelle est la formule utilisée, et quels en sont les objectifs ?
Il s'agit d'un cocktail composé d'anti-oxydants, d'anti-inflammatoires, d'oméga-3, de vitamine E et de sélénium. Cette formule de produits alimentaires est supposée avoir une action synergique sur certains des effets métaboliques observés dans l'espace. Ces ingrédients ont déjà donné de bons résultats dans des études antérieures sur certains paramètres tels que la déminéralisation osseuse ou la fonte musculaire. Pour l'essentiel, il s'agit de polyphénols extraits de plantes alimentaires (oignon, vigne, verveine, bugle, caféier…). En associant des polyphénols à des oméga 3, l'idée est de rendre moins important le rôle de l'exercice physique dans l'arsenal des contre-mesures. Car outre le fait qu'on observe un amaigrissement des astronautes lié à l'activité physique, cela coûte du « temps astronaute »…
Ce type d'étude est mené depuis plusieurs années. Que reste-t-il à explorer dans ce domaine ?
L'objectif est de parvenir à un mix entre activité physique et supplémentation. On a déjà testé la gravité artificielle, les plateformes vibrantes. Quel régime appliquer, durant quelle durée ? Tout cela constitue des questions encore ouvertes. Ensuite, l'autre application de nos études au sol concerne aussi potentiellement la médecine classique, notamment pour tout ce qui concerne les patients alités. Nos modèles alimentent également les études de vieillissement accéléré. L'avantage de nos études intégrées, c'est aussi de pouvoir croiser des résultats qu'on n'aurait pas sur des études classiques.
Quelles sont actuellement les prescriptions d'activité physique et les traitements délivrés aux astronautes ?
Actuellement ils sont contraints à 2 heures d'activité physique par jour sur l'exerciseur à contre-résistance ARED. Il n'y a pas de traitement de fond, mais des consultations confidentielles avec le médecin qui suit la mission permettent de prendre en charge la plupart des incidents médicaux. Une large trousse d'urgence équipe bien sûr chaque vaisseau et est à la disposition des astronautes.
* Institut de Médecine et de Physiologie Spatiale
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