Le Quotidien du pharmacien.- Quelles sont les principales missions de Santé Publique France ?
François Bourdillon.- Elles sont inscrites dans la loi. La première mission de Santé publique France consiste à assurer une activité de veille, de surveillance et d'alerte. Sa seconde mission tient dans la prévention et la promotion de la santé. La troisième est la réponse aux situations sanitaires exceptionnelles. Une réponse qui peut être déclenchée à la suite d'événements tels l'ouragan Irma, certaines épidémies de méningites ou de coqueluche, comme celle de Mayotte, sur lesquels il faut intervenir très rapidement.
Quels sont les moyens mis en œuvre par Santé publique France pour assurer ces missions ?
Il convient d'abord de rappeler que Santé publique France est une agence qui regroupe désormais l'ensemble des fonctions de santé publique. Notre logique de travail suit un continuum. C'est-à-dire que c'est la connaissance de l'état de santé, de la fréquence des maladies et de leurs déterminants qui nous amènent à développer des activités de prévention et de promotion de la santé. Globalement, la connaissance induit la prévention. Et c'est bien là la grande nouveauté de l'agence, disposer de l'ensemble de la chaîne et de pouvoir agir de la connaissance à l'action.
Quelles sont aujourd'hui les priorités d'action de Santé publique France en matière de prévention santé ?
Ce qu'il faut d'abord bien comprendre, c'est que deux logiques président à l'établissement de ces priorités. Il y a d'abord les priorités du gouvernement qui sont d'ailleurs très axées sur la prévention. La Stratégie nationale de santé a même été renommée « Priorité prévention ». Dans cet esprit la vaccination, par exemple, est l'une des grandes priorités d'action du gouvernement. Quant à Santé publique France, elle hiérarchise ses priorités d'action en fonction du poids des déterminants sur la santé et sur certaines pathologies. Ainsi peut-on prioriser nos actions sur les principaux déterminants que sont, en premier, le tabac, puis l'alcool et la nutrition.
Quels sont aujourd'hui les moyens de Santé publique France en termes de personnel affecté à la prévention ?
Santé publique France dispose aujourd'hui d'un budget de 175 millions d'euros et emploie 580 agents. Quant à la direction « prévention et promotion de la santé », elle réunit environ 60 personnes, soit 10 % de l'effectif total.
Y a-t-il des obstacles à la prévention qu'il conviendrait de dépasser ?
La France a longtemps été « soins centrée », pour ne pas dire « hospitalo centrée ». Beaucoup de moyens ont été mis sur le système de soins et insuffisamment sur la prévention. C'est d'ailleurs l'une des ruptures souhaitée et portée par la ministre de la santé qui propose d'investir pour demain en matière de prévention. Un investissement qui viserait à prévenir les maladies, promouvoir la qualité de vie, agir sur l'environnement, et pas seulement à intervenir lorsque les gens sont malades… Tout le monde comprend qu'il y a intérêt à promouvoir ainsi la prévention, pourtant, paradoxalement, le système de santé français reste très centré sur le soin.
Avez-vous toutefois le sentiment que les Français sont plus conscients aujourd'hui de l'intérêt de la prévention ?
Sans doute un peu plus qu'auparavant. Nous avons en effet quelques indices très positifs qui m'amènent à le penser. Nous avons été très longtemps désespérés de ne pas voir la diminution du tabagisme quotidien puis, brutalement, la consommation s'est mise à décroître, avec 1 million de fumeurs en moins entre 2016 et 2017, ce qui était l'un des objectifs de la politique de réduction du tabagisme. Une politique qui est passée par l'instauration du paquet neutre, l'augmentation du prix des cigarettes, le remboursement des substituts nicotiniques et, bien sûr, la grande opération « Moi(s) sans tabac » menée par Santé publique France. Une opération à laquelle les pharmaciens ont été très vite associés. Cette façon de travailler, ce que nous appelons du marketing social, est aussi une manière de rentrer dans une logique de dé normalisation. Lorsque vous travaillez à la dé normalisation d'un produit, vous sensibilisez les Français aux questions de prévention. Plus vous faites appel à du marketing social, plus vous agissez sur le comportement des Français. C'est cela que nous avons construit avec Santé publique France. Car l'originalité de nos campagnes c'est d'être fondées sur la connaissance. Ce qui permet de cibler la population à sensibiliser. Par exemple, concernant la lutte contre le tabac, cela nous permet de savoir si nous devons nous adresser plutôt aux femmes enceintes, ou à celles de 45 ans qui n'arrêtent pas de fumer ou encore aux jeunes, pour qu'ils n'entrent pas dans le tabagisme. Et une fois que la cible est définie, il convient d'articuler notre action avec des campagnes de terrain. Ainsi, au-delà des 22 000 pharmacies qui participent au « Moi(s) sans tabac », quelque 9 000 partenaires et actions locales étaient déjà engagés dans la campagne au 8e jour de novembre. C'est ce type d'opération qui parvient à modifier le regard de la population sur la prévention.
Selon vous, dans quelles mesures, et sur quels sujets, les pharmaciens peuvent contribuer à la politique de prévention sanitaire ?
La vaccination anti-grippale, bien sûr. Car c'est un acte préventif très symbolique auquel nous sommes favorables depuis très longtemps. L'implication des pharmaciens dans ce geste de prévention devrait contribuer à lever les barrières à la vaccination, notamment en épargnant aux personnes un aller-retour entre le médecin et le pharmacien. D'ailleurs, si le recours au pharmacien est également envisagé pour d'autres vaccinations, ce sera une bonne chose.
Au-delà de l'optimisation du parcours de soins, considérez-vous que le pharmacien peut contribuer à une meilleure acceptation des messages de prévention ?
Absolument ! Car c'est le professionnel du médicament dans lequel les Français ont une grande confiance. C'est aussi un acteur de proximité, présent sur tout le territoire et doté d'une grande disponibilité. Autant d'atouts importants dont on voit l'impact positif, sur la couverture vaccinale bien sûr, mais aussi sur le tabac lorsqu'il délivre conseils et substituts nicotiniques ou qu'il oriente vers Tabac info services. À Santé publique France nous considérons que pour avoir des actions de prévention qui fonctionnent on doit y associer les professionnels de santé, au premier rang desquels, les médecins et les pharmaciens. Les pharmaciens sont d'excellents relais d'information. Je ne peux que me féliciter de l'implication des officinaux en matière de prévention. Il y a 3 ans, les pharmaciens ont été les premiers à s'associer à Santé publique France pour le « Moi(s) sans tabac ». D'autres actions peuvent être menées avec eux, telle la dispensation d'autotests ou le suivi de la tension artérielle.
Quelles sont les clés d'une campagne de prévention réussie ?
Au moment même de la conception d'une campagne, il faut avant tout en avoir défini les objectifs. C'est-à-dire agir d'abord en attirant l'attention d'une population sur un comportement pour que celle-ci modifie ses habitudes, puis agir sur l'environnement. Il faut également avoir à l'esprit qu'il y a des éléments non sanitaires dans l'environnement. Prenons l'exemple de l'école, le professeur est celui qui va éduquer, c'est celui qui détient la pédagogie. Tandis que le chef d'établissement a lui pour mission de créer l'environnement favorable au bien-être des élèves et à l'enseignement. C'est la combinaison des deux missions qui permet de passer les messages éducatifs dans de bonnes conditions et de façon efficace. À Santé publique France, cette alchimie est la base même de notre démarche.
Nous travaillons la connaissance pour axer nos stratégies de communication. Puis nous concevons nos communications en les articulant avec des relais d'action sur le terrain. Enfin, nous mesurons l'impact de nos campagnes en menant des évaluations, soit sur l'environnement, soit sur les comportements individuels.
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