Nutrithérapie et probiotiques

L’infiniment petit au service d'une prévention tout en douceur

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Publié le 26/11/2018
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Sans être la panacée, les compléments alimentaires et les probiotiques permettent, pour un coût relativement modeste, de limiter certaines maladies ou des dysfonctionnements lourds de conséquences. Et les Français les réclament de plus en plus…

Si le système de santé français est encore l’un des meilleurs du monde, il est avant tout curatif, donc cher, et très peu préventif. Résultat, les dépenses de santé ne cessent d’augmenter d’année en année.

La France est à la traîne en matière de prévention alors que celle-ci permettrait d’éviter à terme des dépenses considérables. Les efforts dans ce domaine (vaccination, lutte contre le tabagisme, l’alcoolisme, l’obésité…) restent insuffisants. Les nouvelles technologies permettent certes d’espérer des stratégies de prévention efficaces (objets de santé connectés, e-santé, génomique…) et on entrevoit la médecine dite des 4P (prédictive, préventive, personnalisée et participative). Mais d’autres outils de prévention, plus modestes et peu onéreux, existent déjà. Les compléments alimentaires et les probiotiques s’inscrivent dans cette démarche de prévention et de maintien en bonne santé. Conscients que leur régime alimentaire est insuffisamment diversifié et que leur hygiène de vie n’est pas idéale, les Français en utilisent de plus en plus pour combler des déficits et des manques, mais la marge de progression est importante.

On estime par exemple que 80 % de la population ont un taux de vitamine D insuffisant (InVS, BEH n° 16-17, avril 2012), lequel accroît le risque d’ostéoporose et de fractures vertébrales, de la hanche, du poignet, de l’humérus) chez les seniors coûteux pour la société. Selon des statistiques hospitalières de 2008, on dénombre chaque année 68 000 hospitalisations d’une durée moyenne de 12 jours et plus de 40 000 séjours en centre de rééducation, or une fracture ostéoporotique coûte entre 8 500 et 11 500 euros…

Un cadre réglementaire

La nutrithérapie propose de prendre soin de sa santé, de façon préventive surtout, par l’alimentation et, à défaut, par la supplémentation. Les compléments alimentaires visent ainsi à optimiser les fonctions du corps (digestion, absorption, métabolisation, élimination, calcification, santé des articulations, équilibre hormonal et de reproduction…), à stimuler les mécanismes d’adaptation (défenses anti-infectieuses et immunitaires, vieillissement en bonne santé, gestion du stress…), mais aussi à réduire la consommation de médicaments pour parer aux effets secondaires induits.

Depuis 2006, c’est une bonne chose, l’utilisation des compléments alimentaires est encadrée. L’Europe, puis la France, ont défini précisément ce qu’étaient et ce que pouvaient contenir les compléments alimentaires. Ce ne sont pas des médicaments destinés à guérir mais des sources concentrées de nutriments ou d’autres substances ayant un effet nutritionnel ou physiologique, seules ou combinés, et ils sont commercialisés sous forme de doses qui ne doivent pas dépasser les apports journaliers recommandés : comprimés, gélules, pastilles, ampoules ou sachets.

Leurs composants sont nombreux, souvent associés pour un effet combiné et synergique. Les plus fréquents sont les vitamines, principalement celles du groupe B (B1, B2, B3, B5, B6, B9, B12), les vitamines C et E, mais aussi A et D ; les minéraux et les oligo-éléments (magnésium et sélénium en tête, calcium, fer, zinc, cuivre, chrome, fluor…) ; les protéines, les acides gras (oméga 3) et les acides aminés (créatine, acides linoléiques…) ; les enzymes et co-enzymes ; et les plantes, très variées.

De la fatigue aux cheveux ternes

Les compléments alimentaires permettent de combler des besoins dans toutes sortes de situations, soit rapportées par le patient soit détectées au comptoir. Les plus fréquentes :

- Coup de fouet anti-fatigue. La vitamine C, de synthèse ou extraite de l’acérola, sorte de cerise asiatique beaucoup plus concentrée que les agrumes, est très souvent réclamée. La caféine également, issue généralement du guarana, une plante d’Amérique du Sud qui a la particularité d’être extrêmement riche. La racine de ginseng donne de l’énergie (pas seulement sexuelle comme les patients le croient parfois) grâce aux ginsénosides qu’elle contient, actifs notamment sur le système nerveux central, mais aussi à sa teneur en vitamines et minéraux. Elle s’impose notamment en période de surmenage ou de convalescence. Autre plante énergisante : l’éleuthérocoque. La gelée royale, très riche en vitamines et protéines, est très appréciée. Exemples : Arkovital, Berroca Boost en comprimés et sticks, Bion 3 Énergie, Forte Pharma acérola…

Prévention des infections urinaires à répétition. La cranberry (canneberge) reste la référence… à condition d’être bien dosée (36 mg de principe actif). Les études contrôlées menées chez les femmes sujettes aux cystites montrent une réduction des récidives. Elle agit en abaissant le pH urinaire et en empêchant E. Coli de s’accrocher aux parois vésicales. En revanche, son efficacité en prévention n’est pas démontrée chez l’enfant et la personne âgée. Exemples : Cys-control sachets ou gélules (Arkopharma), Urisanol sticks (Naturactive), Acygil comprimés (Merck-Mediflor)…

- Beau bronzage. Les « préparateurs de peau » et les compléments « activateurs de bronzage », à base de caroténoïdes surtout (+ cuivre et sélénium contre le stress oxydatif), se prennent bien avant l’exposition au soleil et après pour prolonger le bronzage mais ils ne protègent pas et n’hydratent pas. À associer impérativement aux écrans solaires et crèmes de jour. Ex. Phytobronz gélules (Arkopharma).

- Cheveux fortifiés. Efficaces pour combler les carences et les perturbations métaboliques souvent responsables de problèmes capillaires et régénérer en profondeur cheveux (et ongles) ternes et cassants voire pour ralentir la chute : vitamines B5, B6, B8, PP + zinc, minéraux et acides aminés en synergie. Mais aussi germes de blé (riches en cystine), isoflavones de soja, huile d’onagre, pollen et gelée royale. Ex. Forcapil gélules (Arkopharma), Anacaps Progressiv gélules (Ducray), Physiocap capsules (Yves Ponroy), Capill’r capsules (3 Chênes).

- Minceur. Pour dire halte aux kilos, grand choix de produits à base de plantes drainantes : reine-des-prés, frêne, thé vert, fenouil, écorce de bouleau, pissenlit, cassis, bardane. Et de brûleurs de graisse ou de calories à base d’acides aminés et de vitamines.

En prévention, on peut aussi conseiller utilement des compléments alimentaires pour renforcer les défenses immunitaires avant l’hiver et être en forme ; des complexes multivitaminés (B, D) aux personnes âgées qui manquent notamment de soleil ; du fer aux femmes en âge de procréer qui peuvent en manquer à cause de règles abondantes ; du fer, du calcium, des vitamines et des minéraux aux femmes enceintes, en plus de l’acide folique conseillé par les médecins ; impérativement du fer et de la vitamine B12 (normalement apportés par des produits d’origine animale) aux vegan ; et des cocktails de vitamines et d’oligo-éléments aux femmes qui font des régimes à répétition.

Probiotiques pour les intestins

Autre outil de prévention, les probiotiques ont le vent en poupe depuis quelques années. Ces micro-organismes vivants (levures ou bactéries) ont fait l’objet de nombreuses études de par le monde et leurs effets sont de mieux en mieux connus. Mais tous ne se valent pas et chacun a ses spécificités. Beaucoup ont une capacité de survie très brève dans le tube digestif, détruits dans l’estomac, alors que d’autres résistent jusque dans les selles. Ils ne s’installent pas durablement dans la flore bactérienne, notamment intestinale et vaginale, et n’ont qu’un effet transitoire. Pour que leur action perdure, il faut donc en absorber régulièrement. Ils doivent aussi être ingérés en quantités suffisantes pour être bénéfiques.

Certains effets ont été validés mais d’autres restent à confirmer. Leur principal intérêt et leur principale indication : les troubles digestifs.

- Prévention des diarrhées. Les antibiotiques perturbent souvent l’équilibre du microbiote intestinal - constitué de 100 000 milliards de bactéries d’au moins 1 000 espèces différentes -, entraînent une baisse de la résistance aux agents pathogènes et provoquent des diarrhées. La prise de probiotiques adaptés permet, en restaurant la flore, de limiter significativement ces désagréments. La levure Saccharomyces boulardii (Ultra-levure de Biocodex) est l’une des plus étudiées dans cette indication et son efficacité est avérée (lire l’encadré).

- Équilibre et confort intestinal. Des ferments lactiques comme Bifidobacterium lactis, Lactobacillus acidophilus, Lactobacillus parasacasei, Lactobacillus rhamnosus entrent aujourd’hui dans la composition de nombreux compléments alimentaires visant à rééquilibrer le microbiote intestinal et à renforcer les défenses du tube digestif. Exemples : Probiolog Fort en gélules (Mayoly-Spindler), Lacteol en gélules (Adare Pharmaceuticals)… Certains sont associés à des vitamines et des minéraux ou des fibres pour renforcer également le système immunitaire et réguler le transit et apporter un confort. Ex. Actibiota Équilibre et Défense en gélules et sticks (Cooper), gamme Bioprotus en gélules et sachets (Carrare), Lactibiane en comprimés (Pileje)…

- Restaurer la flore vaginale. Elle aussi peut être déséquilibrée par la prise répétée d’antibiotiques. Pratiquement toutes les familles d’antibiotiques ont à la longue une action délétère sur les lactobacilles. Les probiotiques à base de Lactobacillus crispatus (par voie vaginale) permettent de la rééquilibrer et de soulager rapidement les désagréments intimes (irritations, démangeaisons, pertes inhabituelles). Elles s’adressent surtout aux femmes sensibles aux infections urogénitales Ex. Physioflor en comprimés vaginaux (Iprad). 

 

Évelyne Gogien-Oudry

Source : Le Quotidien du Pharmacien: 3476