L’assistance à domicile compte déjà sur l’existence des médaillons d’appel grâce auxquels les personnes dépendantes peuvent appeler en cas d’urgence. Adossés à des plateaux de télé-assistance, ces médaillons permettent d’alerter en cas de chute quand la personne en perte d’autonomie pense à appuyer dessus, actionnant ainsi une alerte. Efficace, oui, mais jusqu’à un certain point seulement. Selon Régis Ciré, cofondateur de la société Noviatek, l’efficacité de ces médaillons est de 26 % seulement. « Entre les personnes âgées qui ne veulent pas les porter, ou oublient de les porter, ou encore oublient de penser à appuyer dessus en cas d’urgence, nombreuses sont les situations qui ne sont pas couvertes par ce type de solution », explique-t-il. Issues de statistiques recueillies par des téléassisteurs, ces données montrent tout au moins que dans un quart des cas, ces systèmes permettent d’aider des personnes en situation d’urgence, ce qui est déjà bien. Mais elles incitent à chercher dans d’autres directions afin d’avoir une meilleure couverture des situations auxquelles sont confrontées les personnes âgées et dépendantes qui souhaitent rester à leur domicile. De nouvelles solutions apparaissent, basées sur l’intelligence artificielle, afin de mieux coller aux diverses situations susceptibles d’être rencontrées par ces personnes en perte d’autonomie.
Une genèse longue
Mais la genèse de ces solutions est difficile et demande beaucoup de temps. « La problématique principale de ces solutions d’assistance n’est pas tant d’ordre technologique qu’humain et financier », pose d’emblée Geoffroy Vergez, cofondateur et directeur général d’Observia. Humain, parce qu’il faut trouver le degré d’acceptabilité de la part des personnes concernées : « elles ne se voient pas en tant que personnes dépendantes et l’acceptent difficilement. » Financier aussi, car le modèle économique à trouver est loin d’être évident. C’est pour cette raison que les expérimentations prennent souvent des années avant de songer à la commercialisation en bonne et due forme de ces nouvelles solutions.
C’est ainsi que Noviatek, née en 2013 (mais l’activité des co-fondateurs l’a précédée de deux ans) ne va véritablement commercialiser sa solution NoviaCare qu’au début de l’année prochaine. Plusieurs années d’expérimentation, ainsi que le rapprochement de la start-up avec Pharmagest pour envisager une industrialisation de la solution, auront été nécessaires. Noviacare est basée sur des capteurs et une box qui, bien placés dans le domicile de la personne concernée, permet d’identifier ses comportements, de les analyser puis de détecter toute situation qui ne serait pas normale au regard de cette étude de comportement. C’est une intelligence artificielle qui va passer le premier mois à étudier la personne. « Ce n’est en aucun cas un système intrusif, précise Régis Ciré, les données ne sortent pas de la box, elles ne nous sont pas accessibles, pas plus qu’aux aidants. » Par ailleurs, les capteurs sont suffisamment discrets, de la taille d’une clé USB. Pas de « flicage » donc, mais une façon d’interpréter toute situation qui deviendrait anormale. « Par exemple, une absence de mouvement dans la salle de bains sur une durée anormalement longue par rapport aux habitudes de la personne », illustre Régis Ciré.
En cas de souci détecté, si la personne ne répond pas, et si dans sa famille personne ne répond non plus, le plateau de téléassistance fait intervenir les secours. Ce système d’intelligence artificielle peut également faire de la prévention, en notant une modification de certains comportements, par exemple, le fait de ne plus aller aux toilettes, ou de ne plus manger. Il épargne les familles de recourir aux systèmes de vidéosurveillance, pour le moins intrusifs. Mais devant les difficultés liées à la surveillance de ces personnes en autonomie réduite, certains aidants finissent par y recourir.
Une box intelligente
Une autre start-up a fait les mêmes choix en matière d’intelligence artificielle, c’est Lili Smart. Sa solution fonctionne également avec des capteurs qui transmettent des informations à une box laquelle va « apprendre » les habitudes de vie de la personne en perte d’autonomie. Mais Lili Smart a décidé de positionner son offre en direction des aidants, en particulier dans le cadre des pathologies liées à la maladie d’Alzheimer. « En France, il y a onze millions d’aidants dont le tiers risque ni plus ni moins de décéder avant la personne âgée en perte d’autonomie, tant le stress engendré par ces situations est important », explique Aymeric Garnier, cofondateur de la société. Si bien qu’en plus du système installé chez la personne âgée, l’aidant ou les aidants bénéficient d’une application mobile qui les assiste dans leurs relations quotidiennes avec les patients âgés à domicile. C’est notamment par le biais de cette application mobile que l’aidant peut être averti par le système d’intelligence artificielle installé chez la personne âgée d’un éventuel problème ou situation d’urgence. « Cette application mobile peut remplacer la téléassistance si la personne âgée et sa famille le souhaitent, mais si ces derniers préfèrent avoir aussi le soutien d’une telle plateforme, c’est possible, l’application mobile leur est aussi complémentaire », ajoute Aymeric Garnier.
Montres connectées
Le troisième dispositif que propose Lili Smart est une montre connectée, qui sert tout autant de détecteurs de chute et de géolocalisation que d’un soutien aux patients avec des éléments de stimulation, relatifs par exemple aux prises des médicaments ou aux rappels des repas. Cette montre connectée cible les personnes un peu plus jeunes, en tout cas susceptibles d’être attirées par le côté high-tech de l’objet. C’est dans l’air du temps puisqu’Apple a sorti cet automne la dernière version de sa fameuse Apple Watch, désormais équipée d’un détecteur de chute comme d’autres fonctionnalités liées à la santé telle la lecture du rythme cardiaque. Ce détecteur de chute entraîne l’appel des secours si la personne ne bouge plus au-delà d’une minute. Faut-il encore qu’Apple ou des partenaires de la société aient négocié des accords avec lesdits secours, sociétés de téléassistance ou autres. Et qu’il prouve son utilité publique au-delà de l’outil geek. L’Apple Watch montre cependant le pouvoir des géants du numérique de prendre place sur le marché de la santé.
Les pharmaciens rémunérés
Noviatek et Lili Smart ont eux pensé à la façon d’enraciner les pratiques autour de leurs dispositifs respectifs en comptant sur le réseau des pharmaciens pour qu’ils jouent pleinement leur rôle de préconisateur. « Ce rôle ne consiste pas à être juste revendeur de la solution, il est aussi d’accompagner les aidants, aussi outre la rémunération que nous leur proposons sur les abonnements auprès des aidants, ils seront également rémunérés pour faire des entretiens avec les aidants », explique Aymeric Garnier. Lili Smart travaille avec une trentaine de pharmacies à ce jour, elle est en plein déploiement de sa solution et espère à terme constituer un réseau de 800 pharmaciens. De même, Noviatek, dans ses différentes expérimentations menées ces dernières années, a cherché quels seraient les meilleurs canaux de distribution et en a conclu que les professionnels de santé, en particulier les pharmaciens restent les meilleurs partenaires possible grâce à leurs liens avec les patients et leurs familles. D’où également une rémunération des pharmaciens sur le modèle des rapporteurs d’affaires.
Les prestataires qui ciblent les patients en perte d’autonomie pensent également à d’autres services, pas forcément liés à la détection de chute et à la prévention, mais complémentaires, à l’image de Noviatek qui propose par exemple une petite voix synthétisée pour rappeler un certain nombre de choses, la prise des repas par exemple, ou encore un éclairage de secours pour les déplacements nocturnes de la personne. C’est aussi le positionnement de la société Bluelinea qui a modernisé le service classique de téléassistance à partir d’un bouton d’appel, et propose également un système de géolocalisation et de détection de chute mais qui croit aussi beaucoup à l’aide que peut apporter la domotique à ces personnes en facilitant les gestes du quotidien, le chemin lumineux ci-dessus évoqué mais aussi l’automatisation d’un maximum de fonctions. Bluelinea ne travaille pas cependant avec les pharmaciens, beaucoup plus avec les mutuelles, les associations de patients ou les sociétés de services à la personne. Rappelons que tous ces dispositifs bénéficient d’un crédit d’impôt pour services rendus à la personne, soit une réduction de moitié des tarifs proposés. Les abonnements sont en général de quelques dizaines d’euros par mois, cela ne doit pas être plus cher qu’un abonnement Canal Plus affirme Aymeric Gauthier.
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