Des indicateurs harmonisés. Des chiffres convergents. Un constat unanime. Le tableau de l’économie officinale 2 016 dressé par les trois principaux cabinets d’experts-comptables de la pharmacie d'officine est alarmant. Et le diagnostic irréfutable.
Aucun trompe l’œil cette année. Ni la progression du chiffre d’affaires, ni celle de la marge, ni même l’évolution de l’EBE, ne laissent entrapercevoir ne serait-ce qu’une éclaircie. Non pas que les voyants soient au rouge. Mais l’orange persistant, affiché d’année en année par les principaux indicateurs, démontre la nécessité d’une réforme en profondeur de la rémunération officinale.
Premier symptôme : une évolution atone du chiffre d’affaires sur les trois dernières années. Certes, cet indicateur n’est plus considéré, aujourd’hui, comme l’instrument de référence pour mesurer la santé d’une officine. Néanmoins, il reste une jauge importante en matière d’activité. C’est, du reste, la raison pour laquelle les trois cabinets d’experts-comptables se sont accordés à associer dans leurs statistiques les honoraires aux produits des ventes.
Or, constat identique aux trois panels, le chiffre d’affaires ne progresse que de 0,5 % en moyenne sur les trois derniers exercices, et se situe en valeur dans une fourchette comprise entre 1,517 et 1,816 million d’euros pour l'exercice 2 016.
À l’instar de ses confrères, Joël Vellozzi, responsable national du réseau professions de santé chez KPMG, voit dans cette stagnation du chiffre d’affaires l’effet de la baisse des prix du médicament remboursable conjugué à l’impact du développement de la substitution. Quant aux sursauts modérés observés sur l’année 2016 (entre 0,38 % et 0,69 % selon les cabinets), résultant essentiellement d’un marché de l’automédication et de la parapharmacie favorable, ils ne sauraient compenser, rappelle l’expert-comptable, les reculs subis au cours des années antérieures. À noter que le score de 0,69 % relevé par le cabinet Fiducial est lié à la périodicité retenue pour les statistiques, englobant la période de la fin d’année 2016, et par conséquent ses pathologies hivernales.
Les oiseaux se cachent pour mourir
Cet affaissement du chiffre d’affaires et l’inéluctable signe de ralentissement de l’activité qu’il signifie doivent cependant être analysés au regard des disparités du marché officinal. Car les trois cabinets sont unanimes, si environ 50 % des officines profitent d’une évolution positive de leur chiffre d’affaires, elles sont tout autant à en déplorer l’inflexion. Cette polarisation du marché officinal aurait même tendance à s’accentuer, selon les constats des experts-comptables. Joël Vellozzi met en garde contre les chiffres cachés : « Attention aux moyennes, il conviendrait de surveiller certaines tranches d’officine. » Attentif lui aussi à ce phénomène de dispersion, Philippe Becker, directeur du département pharmacie chez Fiducial, indique même que sur la base de critères discriminants, « certaines officines se situant aux extrémités, n’apparaissent pas dans les statistiques. Certaines enregistrent ainsi une hausse de 4 % de leur chiffre d’affaires, tandis que d’autres subissent une baisse dans les mêmes proportions ». Au risque, à moyen terme, de voir certaines officines disparaître des statistiques. « Les oiseaux se cachent pour mourir », conclut, Philippe Becker, lapidaire. Et de prédire « nous arriverons, alors, à ce que ne subsistent que de très grandes pharmacies. Ce que souhaite, finalement, la Cour des comptes ».
Cet éclatement du marché est encore plus visible sous le spectre des zones de chalandise. Un constat commun aux trois experts-comptables fait apparaître que seules progressent en 2016 les pharmacies des centres commerciaux avec une hausse de leur chiffre d’affaires de 1,25 point, voire de 5,3 points, tandis que celles des zones urbaines stagnent en affichant une évolution maximum de 0,5 point, chez Fiducial et CGP. C’est sans parler du chiffre d’affaires des pharmacies rurales, à l’arrêt, sinon en recul selon les statistiques du cabinet Fiducial qui annonce -0,3 % en 2016.
Tenir compte de l'« effet taille »
Pour autant, de l’avis des experts, ce phénomène ne résulte pas seulement de la localisation des officines mais également de leur taille. « Plus une pharmacie est importante et plus l’évolution de son chiffre d’affaires est marquée », constate Philippe Becker. Ainsi, comme l’analyse son cabinet, les officines d’un chiffre d’affaires supérieur à 2 millions d’euros progressent en moyenne de 2,1 %, tandis que celles d’un chiffre d’affaires inférieur à ce seuil subissent un recul de 0,2 %. Le constat est similaire dans les autres cabinets, quoique légèrement pondéré. CGP note ainsi une hausse de 0,46 % de l’activité pour les pharmacies d’un chiffre d’affaires se situant entre 1,5 et 2 millions d’euros, voire de 0, 76 % pour celles entre 2 millions et 2,5 millions d’euros. En deçà, en revanche, les officines encaissant moins de 1,1 million d’euros, subissent, selon KPMG, un recul de 1,6 %, celles se situant entre 1,1 et 2,2 millions d’euros ne parvenant à se hisser qu'à plus 0,9 %. La plus forte involution est relevée par CGP pour les pharmacies d’un chiffre d’affaires inférieur à 1 million d’euros dont l’activité s’est infléchie de 2,8 % en 2016. La tranche supérieure, entre 1 et 1,5 million d’euros ne s’en tire guère mieux avec un chiffre d’affaires en baisse de 0,65 %.
Toutefois, s’accordent à dire les experts-comptables, « l’effet taille » n’est pas le seul facteur influant sur le chiffre d’affaires, la typologie de l’officine, et notamment la part détenue par le médicament non remboursable dans son activité, sont déterminantes. Ainsi, comme le constate Joël Vellozzi, « les officines qui progressent le plus en termes de chiffre d’affaires, sont celles où la part du médicament remboursable est la moins élevée. De fait, elles surperforment mieux que les pharmacies dites de médicaments ». C'est donc sur le médicament non remboursable et sur la parapharmacie que les gains d’activité s’opèrent aujourd'hui à l'officine.
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