Pour reprendre un vieux slogan de la Samaritaine, on trouve tout sur Amazon. Même des médicaments non prescrits. Jusqu’ici non prescrits, car la présence du géant américain de l’e-commerce au dernier salon PharmagoraPlus met la puce à l’oreille. En invitant les pharmaciens français à rejoindre sa marketplace pour bénéficier de sa notoriété et de son trafic et vendre à grande échelle des produits de parapharmacie dans et hors l’Hexagone, Amazon se positionne sans doute pour pouvoir un jour vendre en ligne des médicaments sur ordonnance… Nous n’en sommes pas là mais méfiance (lire l’encadré).
Commission de 15 % sur du TTC
Aujourd’hui, parmi les quelque 600 pharmaciens français autorisés à vendre en ligne des médicaments hors prescription (tous ne sont pas encore passés à l’acte), certains ont déjà été tentés de tirer davantage parti du potentiel du numérique en utilisant la marketplace d’Amazon. À tort, explique Cyril Tétart, président de l’Association française des pharmacies en ligne (AFPEL) puisque « nous n’en avons pas le droit. La loi actuelle stipule que, pour vendre des médicaments en ligne, il faut être titulaire d’une pharmacie établie en France disposant d’un site autorisé par l’ARS dont on dépend. Et les colis doivent être faits au sein de la pharmacie, ce qui exclut le recours à des entrepôts de stockage ».
L’Autorité de la Concurrence a certes demandé d’assouplir les modalités de vente en ligne des médicaments sans ordonnance par les pharmaciens pour éviter que des sites installés en Belgique, où la réglementation est plus légère, ne viennent prendre le marché. Mais selon sa présidente, Isabelle da Silva, pas question qu’existe en France un « Amazon du médicament ». Cyril Tétart prêche pour cet assouplissement mais déconseille vivement le recours à Amazon dans l’objectif d’accroître son chiffre d’affaires. C’est dans l’air du temps mais la concurrence est féroce et ce n’est pas simple. « À ma connaissance, il n’y a pas de pharmaciens vendant régulièrement sur Amazon. Il est certes possible de le faire ponctuellement pour écouler un stock trop important à l’officine car l’interdiction est théorique, l’Ordre n’ayant pas la capacité humaine de surveiller tout ce qui se vend sur le Net. Mais sinon, il faut être fou… », affirme le président de l’AFPEL. « Amazon prend une commission de 15 à 18 % sur du TTC, c’est beaucoup ! De plus, il analyse très finement les ventes de tous ceux qui vendent sur son site et, à partir du moment où une affaire devient rentable, n’hésite pas à les court-circuiter en traitant directement avec les fabricants. » Bref, c’est beaucoup de travail et de temps pour une rentabilité médiocre…
Prise de risque
Un pharmacien parisien qui tient à garder l’anonymat en a fait l’expérience mais s’est heureusement arrêté à temps. « Je me suis lancé dans la vente en ligne en 2018 et, dans la foulée, parce que je m’intéresse toujours aux avancées technologiques, j’ai été attiré par Amazon. L’objectif était surtout, en vendant davantage, d’améliorer mes prix d’achat et donc mes marges. » De fait, au lieu de vendre une boîte ou deux de tel préservatif, il en vendait au moins 10. Il fallait donc anticiper. « Mais au lieu d’en commander 2 000 à la fois comme mon fils, enthousiaste, m’y incitait, j’en commandais sagement 200 et, une fois le stock quasi épuisé, je repassais commande de 200. Ce qu’il ne comprenait pas. Je lui ai expliqué qu’il fallait être prudent car un problème pouvait survenir. Bien m’en a pris car c’est arrivé », raconte-t-il. « Un jour, Amazon a conclu directement un accord avec Durex Londres et a vendu ces préservatifs 10 % de moins que moi. J’avais eu raison de ne pas en avoir commandé des milliers… Ça m’a fait peur, la prise de risque est trop importante. J’ai compris, dès qu’un produit marche bien, Amazon vous laisse tomber avec beaucoup de cynisme. La gestion est aussi très lourde, chronophage (3 heures par jour dans mon cas) et donc coûteuse. La préparation des colis mobilisait du personnel et il fallait chaque jour trouver un créneau. Ce n’est plus le même métier… J’ai une pharmacie de quartier qui tourne très bien et je tiens à préserver la communication avec ma clientèle. Vendre sur Internet c’est autre chose. » Question : est-ce déontologique ? Réponse : « Ce n’est pas le problème car il ne s’agit pas de vendre des médicaments sur ordonnance. Et Amazon, contrairement à d’autres sites de ce type, est très sérieux et vigilant. En cas de médicaments falsifiés par exemple, ils réagissent et alertent très vite, j’ai pu le constater. Ce n’est pas pour cela que j’ai arrêté. » Le titulaire déçu a d’ailleurs non seulement fermé son compte vendeur Amazon mais aussi son site de vente en ligne. Aujourd’hui il a seulement recours à une application. Une option plus simple qui lui suffit amplement.
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