La PDA pour tous ? Pourquoi pas. Aujourd'hui, l'intérêt de la PDA (préparation des doses à administrer) dépasse la seule prise en charge thérapeutique ; cette solution s'inscrit dans une politique de lutte contre la perte d'autonomie initiée par la France au début des années 2010. Longtemps limitée aux patients dépendants et placés en EHPAD (établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes), elle s'ouvre petit à petit aux patients âgés vivant à leur domicile, et aux patients souffrant de maladie chronique. "La PDA répond à une demande de la société. Partout en France, les pharmaciens sont de plus en plus sollicités par les communautés de communes ou les CPTS pour intervenir dans le maintien à domicile des sujets âgés et sécuriser les traitements hors des murs de l'officine, jusqu'au domicile des patients", constate Grégory Yosbergue, responsable commercial e-santé chez Robotik.
La PDA, c'est plus que la préparation d'un semainier !
Pour aider les pharmaciens à développer la PDA en ville, les fabricants historiques de semainiers ou piluliers ont adapté leur offre technique et leur discours. « La PDA ne se résume pas à un outil de dispensation. C'est un concept global dont l'objectif est multiple : renforcer l'observance du traitement, sécuriser la prise des médicaments, et améliorer le bon usage. Mais la PDA est encore plus pertinente lorsqu'elle s'intègre dans le parcours de soins du patient et devient une solution partagée », poursuit Grégory Yosbergue. Pour cela, les concepteurs de PDA ont créé des applications partagées. Chez Robotik, elle s'appelle My eurêka : « un des piliers de la prise en charge est l'interprofessionnalité. Notre application My eurêka s'adresse aux pharmaciens, mais aussi aux médecins et aux infirmiers. Cela implique une interopérabilité de notre système avec les logiciels métiers utilisés en exercice libéral ou en établissements de santé. »
Main dans la main avec les infirmières.
Fort de son expérience de terrain, Olivier Foubet, directeur communication d'Oreus, confirme l'évolution du modèle PDA au fil des années et l'intérêt de développer cette solution en interprofessionnalité : « Face au risque d'erreur médicamenteuse ou de mauvaise observance, le pharmacien peut donner l'impulsion et proposer la PDA comme solution. » Le directeur communication d'Oreus encourage les pharmaciens qui souhaitent s'équiper à faire de la pédagogie auprès des infirmiers du secteur : « La PDA réalisée par le pharmacien ne remplace pas l'intervention de l'infirmière au domicile du patient. Au contraire, cela permet de fluidifier l'intervention de chaque professionnel, en tenant compte de leurs compétences. Il faut d'ailleurs rappeler que selon le CSP (code de la Santé publique), les infirmiers sont rémunérés sur la distribution des médicaments, et non sur la préparation des piluliers. » Oreus a élaboré une application mobile pour les infirmières libérales, afin de les aider à gérer leur tournée de distribution et les administrations.
La PDA pour toutes les pharmacies.
Au fil des années, la PDA s'est adaptée techniquement. Il a fallu proposer des systèmes accessibles en coût et en taille. Avec près de 900 pharmacies équipées en 2019, Oreus a réussi le pari de la PDA pour toutes les pharmacies. « Nous proposons le concept FLEXI, pour les patients ambulatoires. Les compartiments alvéolés sont étudiés pour faciliter la prise du médicament », détaille Olivier Foubet. Au total, cette solution de PDA au comptoir par Oreus occupe au minimum 4 m2, et coûte moins de 2 000 euros. Elle est compatible avec les LGD SmartRX, Pharmagest et Winpharma. « Chez Oreus, il n'y a pas de matériel EPHAD ou de matériel comptoir : c'est le même matériel, avec le même niveau de qualité et de sécurité », insiste le directeur d'Oreus. Chez Robotik, la solution My Eurêka est évolutive, en fonction du nombre de patients ambulatoires sous PDA : « Aujourd'hui, PDA ne rime plus avec grand nombre de patients. Certains de nos clients pharmaciens préparent la PDA pour moins de 10 patients. Dans ce cas, nous proposons des procédés manuels, avec une sécurité comparable aux solutions automatisées. La solution manuelle peut évoluer vers une solution automatisée si la demande progresse », explique Grégory Yosbergue. Chez Medissimo, le pilulier est baptisé Medipac ; il est associé à l'application Medication, qui fonctionne à partir du QR code.
De son côté, Rubex Pharma a développé le concept Medical Dispenser pour réaliser la PDA ambulatoire. « Cette solution est accessible à toutes les pharmacies d'officine y compris et surtout celles de petite et moyenne taille, avec une rentabilité dès 10 patients, pour un service sécurisé et valorisant », explique François-Xavier Crozet, directeur de Rubex Pharma. Medical Dispenser permet de réaliser la PDA de façon semi-automatique sur blister hebdomadaire. Le concept comprend également une application smartphone (compatible Androïd et Apple) à destination des patients, pour l'aide à l'administration. Enfin, chez Praticima, la solution PDA ambulatoire s'appelle PILI. « C'est une solution simple, rapide et peu coûteuse, conforme à la réglementation puisqu'il n'y a pas besoin de déconditionner. PDA PILI permet de s'engager a minima, d'essayer pour voir », confie Muriel Nabet, chef de marché PDA chez Praticima. Une application complémentaire est en cours de développement.
La PDA au comptoir, à quel prix ?
Le développement de la PDA au comptoir bénéficie par ailleurs d'une évolution encore récente de la profession : la possibilité de proposer des services à l'officine, et d'y associer une rémunération. Pour Marie-Hélène Gauthey, directrice de l'organisme de formation Atoopharm, la PDA s'inscrit entièrement dans cette pharmacie de service : « Le pharmacien est l'expert du médicament et de la dispensation. La PDA pour les personnes vivant à leur domicile est une solution pertinente, même si ce sera encore plus facile à promouvoir lorsque les textes encadrant plus spécifiquement cette activité seront publiés. »
En matière de service, il vaut mieux être pionnier : « je prends souvent l'exemple du carré de chocolat avec le café : c'est devenu un service de base aujourd'hui. Pour la PDA, c'est pareil ; je suis persuadée que ce service entrera au fil des années dans l'offre de base des pharmacies. » Qui dit service dit rémunération. « Ce qui est gratuit n'a pas de valeur », insiste Marie-Hélène Gauthey. Pour elle, le service de PDA doit être payant pour valoriser la prestation : « le prix peut être calculé en fonction du coût salarial. Au Québec par exemple, certains pharmaciens facturent selon un forfait de 1 dollar canadien par médicament et par semaine. » En France, la tarification de la PDA ambulatoire varie entre 2 et 7 euros par semaine, selon une enquête PHSQ (Pharma Système Qualité) de janvier 2018. Les fabricants de solution PDA recommandent également de ne pas pratiquer ce service gratuitement.
« La PDA est un service supplémentaire dans l'accompagnement des patients à l'officine pour sécuriser la prise de leur traitement. Il est logique de le facturer mais il serait illusoire de le développer dans un objectif uniquement commercial et financier », prévient Olivier Foubet. Dans un premier temps, le service peut être proposé aux aidants réguliers : « On repère un ou deux aidants qui préparent des piluliers et on leur présente le service, son intérêt et le coût », suggère Marie-Hélène Gauthey. Petit à petit, la PDA en ville se démocratise, stimulée par les constats et observations issus des bilans partagés de médication et des entretiens pharmaceutiques sur l'observance ou l'adhésion des patients à leurs traitements.
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