Simple et efficace, le traitement de la kératose actinique relève de nombreuses options médicamenteuses ou non, parfois associées entre elles. S’agissant des médicaments, il repose sur l’application répétée, pendant des semaines voire parfois des mois, d’immunomodulateurs ou de cytostatiques. Ces topiques (imiquimod, fluoro-uracile et trétinoïne) sont efficaces sur les lésions subcliniques (ce qui constitue un avantage par rapport au traitement non médicamenteux et individualisé de chaque lésion visible) mais ils exposent à un risque d’intolérance locale susceptible de limiter l’observance du traitement.
Leur application nécessite le respect de quelques règles simples. Le patient lave ses mains à l’eau et au savon avant l’usage du médicament, mais il lave aussi la zone à traiter en laissant la peau sécher complètement. Le topique est alors déposé en couche fine, en massant doucement pour favoriser sa pénétration, exclusivement sur les lésions : éviter tout contact avec la peau saine périlésionnelle, les yeux, les lèvres ou les narines. Si un topique vient au contact des yeux, il faut les rincer immédiatement et abondamment. Une fois que le temps d’action est suffisant (environ 8 heures par exemple pour l’imiquimod ou 6 heures pour l’ingénol), retirer le topique en lavant la zone traitée au savon doux et à l’eau. Les zones traitées sont protégées du soleil ou des ultraviolets (ex : cabines de bronzage).
Imiquimod (Aldara crème 5 %).
L’imiquimod, un modificateur de la réponse immunitaire, agit comme agoniste après liaison à un récepteur membranaire spécifique (TLR-7) exprimé à la surface des leucocytes et des macrophages, et couplé à une kinase. Il n’a pas d’activité antivirale directe mais il s’est révélé actif contre certaines infections virales et il se comporte comme un agent antitumoral (principalement par induction de la production d’interféron alpha et d’autres cytokines dont l’interleukine-12 ou le facteur nécrosant des tumeurs = TNF, et par recrutement des macrophages qui s’attaquent directement aux kératinocytes anormaux). Il est indiqué depuis près de vingt ans en dermatologie, tout d’abord dans le traitement des condylomes génitaux, puis dans celui de la kératose actinique et des carcinomes basocellulaires peu évolués.
La crème s’applique trois fois par semaine (par exemple : lundi, mercredi, vendredi) pendant 4 semaines avant l’heure du coucher de façon à rester en contact avec les lésions pendant une huitaine d’heures. La quantité est suffisante pour recouvrir l’ensemble de la zone à traiter. La disparition de la kératose sera évaluée 4 semaines après la période de traitement. La durée de traitement maximale recommandée est de 8 semaines.
L’imiquimod n’a pas été évalué pour le traitement des kératoses actiniques des paupières, de l’intérieur des narines, des oreilles ou des lèvres (chéilite, voir encadré) : de fait, il existe peu de données sur son utilisation sur des lésions situées ailleurs que sur le visage et le cuir chevelu.
Pendant le traitement et jusqu’à la cicatrisation, la peau prend parfois un aspect très différent de celui de la peau saine. Les réactions indésirables les plus fréquentes au site d’application sont un érythème ou une desquamation sévères, des démangeaisons (14 %) et des brûlures (5 %) : leur intensité diminue généralement en cours de traitement.
Fluoro-uracile (Efudix crème 5 %).
Le fluorouracile (5-FU) est un agent antimétabolite utilisé en oncologie mais aussi en dermatologie, depuis un demi-siècle. Les cellules en croissance rapide requièrent l’incorporation de thiamine qui est bloquée par le leurre que constitue le 5-FU : les kératinocytes ne peuvent alors plus proliférer.
La crème s’applique à raison d’une à deux applications par jour, parfois sous pansement occlusif. Ce traitement est poursuivi pendant 3 à 4 semaines en moyenne, sous surveillance médicale. La réponse thérapeutique se manifeste par quatre stades successifs : 1) inflammation simple ; 2) inflammation sévère avec érythème, brûlure, œdème, vésicule ; 3) destruction de la lésion avec érosion, ulcération, nécrose ; 4) réépithélisation puis guérison avec hyperpigmentation résiduelle éventuelle.
L’importance des réactions aux stades 2 et 3 peut justifier la suspension temporaire du traitement ou son adaptation (diminution du rythme des applications, suppression du pansement occlusif s’il y en a un, application de traitements locaux par des émollients voire par des corticoïdes locaux).
Ingénol (Picato gel 150 µg/g ou 500 µg/g).
L’ingénol est un diterpène extrait de l’euphorbe des jardins ou ésule ronde (Euphorbia peplus), une adventice commune. Son mécanisme d’action n’est pas clairement élucidé : L’ingénol pourrait avoir une action toxique directe sur les kératinocytes et il stimulerait également la réponse inflammatoire - ce double phénomène entraînerait ainsi l’apoptose des cellules anormales -. Son application ne provoque pendant la première semaine qu’une irritation cutanée, mais celle-ci est suivie après 8 semaines, d’une réduction des lésions actiniques. Ce médicament constitue depuis quelques mois une alternative nouvelle dans le traitement de la kératose actinique.
La posologie de l’ingénol diffère selon la zone atteinte :
- Pour le traitement des lésions du visage et du cuir chevelu, appliquer 1 tube dosé à 150 µg/g une fois par jour sur la zone atteinte pendant 3 jours consécutifs.
- Pour le traitement de celles du tronc et des extrémités, appliquer 1 tube dosé à 500 µg/g une fois par jour sur la zone atteinte pendant 2 jours consécutifs.
Dans le cas particulier du traitement du cou, deux situations méritent d’être distinguées :
- Si plus de la moitié de la zone à traiter est localisée dans la partie supérieure du cou, utiliser le dosage destiné au visage et au cuir chevelu (Picato 150 µg/g) ;
- Si plus de la moitié de la zone de traitement est localisée dans la partie inférieure du cou, utiliser le dosage destiné au tronc et aux extrémités (Picato 500 µg/g).
Le contenu du tube couvre une zone de 25 cm² sur laquelle le gel est étalé du bout d’un doigt de façon uniforme, en ménageant un temps de séchage de 15 minutes. Les mains sont lavées immédiatement après l’application. Si les mains sont à traiter pour kératose, seul l’extrémité du doigt utilisé pour appliquer le gel est lavée.
Il importe aussi de rappeler les précautions suivantes au patient :
- Tout lavage et contact physique avec la zone traitée doivent être évités pendant une période de 6 heures après l’application du gel. Cette période passée, la zone de traitement pourra être lavée en utilisant un savon doux et de l’eau ;
- Le gel ne doit pas être appliqué immédiatement après une douche ou moins de 2 heures avant de se coucher ;
- La zone traitée ne doit pas être recouverte par un pansement occlusif après application du gel.
Les événements indésirables les plus fréquemment signalés après application du gel d’ingénol ont été observés au point d’application : prurit, douleurs, irritation, œdématisation, érythème, desquamation, érosion, ulcération, apparition de croûtes, formation de vésicules et/ou de pustules. Toujours transitoires, ils sont apparus généralement dans les 24 heures suivant le début du traitement, avec une intensité maximale jusqu’à une semaine après la fin des applications. Ils ont généralement disparu sous deux semaines pour les zones traitées sur le visage et le cuir chevelu et sous quatre semaines pour les zones traitées sur le tronc et les extrémités. Le principe actif n’a pas d’action systémique.
Il faut noter qu’au vu de son faible niveau d’efficacité à long terme et de ses effets iatrogènes locaux, le traitement par ingénol est réservé, du moins dans l’avis de la HAS, à la seconde ligne de traitement d’une kératose actinique cliniquement typique, discrète, non hypertrophique, non hyperkératosique, aux lésions multiples et rapprochées, en cas de contre-indication aux traitements de première intention et en premier lieu à la cryothérapie.
Précisons enfin que ce médicament se conserve au réfrigérateur, entre 2 °C et 8 °C. Le tube, à usage unique, est jeté après utilisation.
Trétinoïne (Effederm crème ou solution 0,05 %, Retacnyl crème 0,05 %).
Avant tout prescrite pour traiter l’acné, la trétinoïne est un dérivé de la vitamine A indiqué également dans le traitement des troubles de la kératinisation résistants aux émollients.
La fréquence des applications (crème ou solution) est en moyenne de 1 à 2 par jour. La solution sera appliquée une peau sèche et propre, à l’aide d’un tampon à démaquiller en coton, en se limitant aux zones à traiter, en évitant les yeux, les paupières, les lèvres, les narines. Ce tampon est jeté immédiatement après usage.
En cas d’exposition (exceptionnelle !) au soleil (lors d’une journée à la mer programmée, par exemple), il ne faut pas appliquer le traitement la veille, le jour même de la sortie ni le lendemain. Si une exposition préalable au soleil a entraîné des brûlures, il faut attendre leur guérison complète avant d’entreprendre le traitement.
Diclofénac.
Le diclofénac est un anti-inflammatoire non-stéroïdien. Utilisé ici en topique, il inhibe l’action des cyclo-oxygénases-2 (COX-2) exprimées dans les lésions kératosiques et réduit ainsi l’angiogenèse et la prolifération cellulaire associée à l’évolution cancéreuse. Il est formulé en association à l’acide hyaluronique (Solaraze gel 3 %, non remboursé).
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