POUR un couple non stérile, concerné par un problème de maladie génétique ou chromosomique, le DPI permet d’obtenir après fécondation in vitro, l’implantation d’un embryon certifié exempt de la maladie redoutée. Voilà pour le principe. En France, la loi de bioéthique de 1994 autorise le recours au DPI lorsque le couple a une « forte probabilité de donner naissance à un enfant atteint d’une maladie génétique d’une particulière gravité (myopathie, mucoviscidose) reconnue comme incurable au moment du diagnostic » (CSP art. L2131-4). Et voilà pour la loi. Mais le DPI voit depuis peu son champ d'action s'élargir. Dans le récent cas britannique, la future mère savait que sa descendance était exposée à un risque plus élevé que la moyenne d'être atteinte du cancer dont avaient souffert la grand-mère, la mère et la sœur de son mari. Les futurs parents auraient pu demander que le DPI se borne à la seule recherche du sexe, mais un garçon porteur de la mutation aurait pu, à son tour, transmettre cette dernière à sa descendance.
Ici, la réalisation du DPI n’a donc plus pour objet la recherche d'une certitude génétique mais d'une prédisposition à une maladie. Une évolution qui fait débat depuis 2006, lorsqu'elle a été utilisée aux États-Unis pour prévenir une prédisposition au cancer du côlon.
La notion de « bébé médicament »
En France, sur recommandation du Comité consultatif national d’éthique, la loi a étendu en 2004 l’objet du DPI, non plus seulement dans l’intérêt de l’enfant à naître, mais dans l’intérêt d’un tiers. Elle autorise à sélectionner, parmi les embryons d’un couple, celui qui, sain, peut devenir donneur en faveur d’un frère ou d’une sœur. C’est le « bébé médicament ». Et un nouveau pas a été franchi, quand, contre l’avis de l’Agence de biomédecine, deux des trois centres français (Strasbourg et Montpellier) proposant le DPI ont décidé de dépister la prédisposition à certains cancers afin d’éviter la naissance d’enfants porteurs du risque. En Grande-Bretagne, un DPI a déjà été ainsi réalisé pour un strabisme. Et aux États-Unis, 42 % des cliniques pratiquant le DPI l’ont déjà utilisé pour sélectionner le sexe de l’enfant.
Un gène n'est ni bon ni mauvais
Aujourd’hui, le seul frein à l’eugénisme semble être le manque d’embryons disponibles, qui dépend du nombre d’ovules soumis à la fécondation in vitro (FIV). Or l’ovule est un produit rare. La femme n’en libère qu’un par mois. Mais demain, en cumulant tous les marqueurs d’anomalie (ou de risques), on sera en mesure de retenir l’embryon qui présentera le meilleur profil génétique. Pour Jacques Testart, biologiste et « père » du premier bébé-éprouvette français, il s’agit bien d’eugénisme. « Sait-on quelles seront les conséquences psychologiques pour un enfant qui vivra avec la pression et la culpabilité d’avoir été choisi parmi des dizaines d’autres », s’inquiète le biologiste.
D’autant qu’agir ainsi, c’est méconnaître les aspects multifactoriels des cancers. Car nous ne sommes pas que le produit de nos gènes, nous sommes aussi construits par notre environnement. Pour le Professeur Jean-Claude Ameisen, président du comité d'éthique de l'Inserm, « en dehors d'un très grand nombre de maladies rares pour lesquels il existe des tests génétiques réellement prédictifs, dans l'immense majorité des autres maladies, un test génétique positif n'a pas une grande signification ». Un gène n'est ni bon ni mauvais. C'est l'environnement dans son sens le plus global qui va moduler son expression. Et donc l'apparition ou non de la maladie.
Pour éviter le formatage d’un Homo geneticus universel. Jacques Testard avait proposé en 1999 aux praticiens de s’engager à limiter leur pratique, en limitant son intervention à la recherche d’un seul variant pathologique pour l’ensemble des embryons disponibles chez un même couple. Mais peu semblent l’avoir entendu.
CHARLES DUCROUX
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