LE QUOTIDIEN DU PHARMACIEN - Selon vous, quelle place devrait tenir la prévention dans la démarche de soin ?
CHRISTIAN SAOUT - Il faut prendre garde à ne pas trop médicaliser la prévention. Les principaux gains que l’on peut en attendre sont autour des comportements alimentaires, des addictions et des risques liés à la vie sexuelle et reproductive. Trois choses dont, au passage, on ne parle guère chez le médecin. De quoi y parle-t-on d’ailleurs quand on sait que la moyenne des consultations se situe entre 7 et 15 min. Et que cela va encore se réduire avec la démographie médicale déficitaire. Pour autant, il faut parler de prévention lors de la consultation médicale. Encore plus quand il s’agit de prévention secondaire. Cependant, la démarche de soin ne se résume pas à la consultation médicale et le contact avec d’autres professionnels de la chaîne de santé (infirmier, pharmacie, kiné,) doit aussi être l’occasion d’un discours de prévention adapté aux besoins de la personne.
Quelles actions les professionnels de santé doivent-ils développer pour améliorer leur efficacité en matière de prévention ?
Premièrement se coordonner dans le cadre de la prise en charge d’une maladie au long cours. Deuxièmement, mutualiser leurs compétences dans le cadre d’initiatives de promotion de la santé dans les territoires où ils interviennent. On bute ici sur l’exercice médical très isolé dans notre pays qui fait que l’intervention autour d’un patient, si elle est pluri-disciplinaire, est rarement multidisciplinaire faute d’une coordination des soins autour du patient. Et nous butons aussi sur la construction de notre système de santé « en tuyaux d’orgues » où les compétences professionnelles s’opposent plutôt qu’elles ne s’allient. Pourtant ce sont les interventions croisées de professionnels, et de non professionnelles d’ailleurs, qui assurent la crédibilité d’un discours de prévention.
L’accompagnement ou le suivi thérapeutiques contribuent-ils à la démarche de prévention ?
C’est clairement l’objectif de prévention secondaire qui est visé par ces stratégies. Il s’agit de donner au patient la plus grande autonomie dans les décisions qui le concernent à propos de sa santé dans le cadre d’une affection au long cours. Ce n’est pas simple car cela va à rebours de la culture « tutélaire » tellement présente dans les pratiques des professionnels de santé depuis plus d’un siècle. C’est un défi pour eux. Mais il n’y a pas de raison qu’ils ne puissent pas le relever.
Qu’attendent, selon vous, les patients-consommateurs des pharmaciens dans le domaine de la prévention et du dépistage ?
D’abord le conseil. Car rappelons quand même que 40 % de ceux qui entrent dans une pharmacie en ressortent sans médicaments. C’est donc bien que la pharmacie est un lieu de conseil. Certains pays ont d’ailleurs consacré la consultation pharmaceutique à part entière comme outil de prise en charge de certains problèmes de santé. Nous attendons certainement des pharmaciens qu’ils continuent à être des acteurs de l’information dans le cadre de la relation individuelle, et des partenaires des actions de promotion de la santé dans un cadre collectif.
Êtes-vous favorable à la mise en place accrue en pharmacie de tests d’autodiagnostic et de dépistage ?
Il faut être prudent car la fiabilité de ces tests n’est pas toujours certaine. Dès lors que ces tests sont accompagnés par des messages de la part des pharmaciens, on peut être rassuré. Car c’est bien ce qui manque à ces tests disponibles par ailleurs sur internet. Cette question pose par ailleurs des interrogations éthiques en cas d’annonce d’un diagnostic péjoratif sans encadrement par un professionnel de santé. Dans ce domaine, il ne peut y avoir de réponse a priori favorable sans analyse précise du contexte et sans conditions particulières de délivrance du test d’autodiagnostic au comptoir du pharmacien. La prudence ne veut cependant pas dire le rejet.
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