Les femmes ne prennent pas assez soin d'elles. À l'échelle mondiale, ce constat est préoccupant : 40 % - soit, environ 1 milliard de femmes et de filles – affirment ne pas avoir parlé à un professionnel de santé au cours de la dernière année. Environ 60 % d'entre elles n’ont pas été testées pour les maladies les plus courantes : hypertension artérielle, cancer, diabète et maladies sexuellement transmissibles. C'est ce que révèle l’Indice Mondial de la Santé des Femmes (1) de la société de technologie médicale Hologic (2). Sans surprise, les femmes dont les pays ont des économies à haut revenu (17 % des femmes sondées) obtiennent les scores les plus élevés en matière de santé.
Des lacunes, côté prévention et dépistage
Malgré tout, quel que soit leur niveau socio-économique quelques points méritent d'être améliorés. En 2020 par exemple, seule une femme sur trois a bénéficié d’une mesure de la pression artérielle alors même que les maladies cardiaques sont la principale cause de décès dans le monde. Autre paradoxe : le cancer a causé près de 10 millions de décès dans le monde en 2020 mais seulement 12 % des femmes ont déclaré avoir bénéficié d’un examen de dépistage du cancer au cours des 12 derniers mois.
De même, à peine 20 % des femmes ont bénéficié d’un dépistage du diabète. Cette maladie chronique reste, pourtant la sixième cause de décès chez la femme, au niveau mondial. Plus globalement, les maladies métaboliques sont sous-diagnostiquées chez la femme. Dans les pays où les taux d’obésité sont élevés, tels que les États-Unis, seule une femme sur trois a déclaré avoir bénéficié d’un test. Au cours des 12 mois précédents, moins d’une femme sur neuf avait été testée pour des infections sexuellement transmissibles, qui sont toutes des facteurs de risque de VIH, de cancer et d’infertilité.
Mieux prendre en charge la santé mentale
Le ressenti des femmes quant à la qualité de l’accompagnement médical prénatal est inégal. Par ailleurs, l’âge d’une femme à sa première grossesse est étroitement lié à son score de santé : dans presque toutes les régions du monde, les femmes qui déclarent avoir été enceintes pour la première fois avant l’âge de 19 ans affichent les plus mauvais résultats en termes de santé (comparées à celles qui ont mené une grossesse à un âge plus avancé).
La santé mentale des femmes, quant à elle, n'est pas assez prise en charge. La crise sanitaire a aggravé la situation. Environ quatre femmes sur dix ont déclaré avoir éprouvé de l’inquiétude (40 % /1,1 milliard de femmes) et du stress (38 % /1 milliard de femmes) pendant une grande partie de la journée. Le stress à lui seul est passé de 35 % à 40 % dans le monde, en l’espace d’un an. Et deux-tiers des femmes interrogées ont déclaré que les violences domestiques étaient un problème répandu dans leur pays. « Ces violences ont un impact majeur sur la santé physique et psychique des femmes : grossesses non désirées, risques de fausse couche, d'infertilité, de maladies chroniques… Pour que les choses évoluent, il faut non seulement s'intéresser aux femmes, mais aussi aux agresseurs. Mieux les prendre en charge pour diminuer les violences », souligne le Dr Ghada Hatem, gynécologue-obstétricienne, fondatrice et médecin-cheffe de La Maison des femmes de Saint-Denis.
Améliorer l'accès aux soins et l'information des patientes
En France, les personnes interrogées (3) ont répondu aux mêmes questions que celles posées aux femmes des 116 pays et territoires intégrés à l’enquête. Grâce au système de santé et aux progrès thérapeutiques, les Françaises vivent encore plus longtemps : 85,6 ans, en moyenne, soit 12 ans de plus qu’en 1960. Néanmoins, les Françaises sont moins nombreuses que la moyenne européenne à juger l’accès aux soins satisfaisant en France et près d’une sur dix juge que les femmes enceintes françaises ne reçoivent pas des soins de qualité.
« Nous devons travailler à assurer la sécurité psychique et émotionnelle des femmes enceintes et accouchées, des enfants à naître et nouveau-nés. Il faut absolument sortir de cette idée qu’un suivi médical qui assure la sécurité physique de la mère et de l’enfant suffit à déclarer qu’une grossesse et/ou un accouchement se sont déroulés sans problème », indique Amina Yamgnane, gynécologue à la maternité de l’hôpital Américain de Paris, fondatrice de La Clinique des Femmes. Par ailleurs, sur les 12 derniers mois, si près d'une femme sur deux a bénéficié d'un test de dépistage de la tension artérielle, 17 % seulement ont fait une prise de sang pour détecter un diabète, 6 % ont réalisé un test de dépistage contre les IST.
Enfin, 13 % ont effectué un dépistage contre le cancer (tous types confondus). Les femmes concernées par le dépistage du cancer du col de l’utérus par frottis, du cancer du sein avec la mammographie ou du cancer colorectal peuvent être issues de milieux sociologiques modestes et/ou précaires et bénéficier d’une mauvaise information. Une certaine défiance vis-à-vis des autorités et politiques de santé existe en France. Il suffit de se pencher sur le taux de vaccination en France contre les maladies infantiles, comparativement à d’autres pays européens. À titre d’exemple, le dépistage est très efficient dans les pays nordiques. « C’est contre cette résistance irrationnelle qu’il faut lutter en améliorant l'information médicale destinée aux femmes. Enfin, il ne faut pas oublier que l’épidémie de Covid-19 a considérablement ralenti le dépistage », conclut le Pr Philippe Descamps, chef du service Gynéco-Obstétrique au CHU d’Angers.
1) Menée par Gallup World, l’enquête s’est déroulée de février 2020 à mars 2021. L’Indice Mondial de la Santé des Femmes repose sur des entretiens auprès de 120 000 personnes âgées de 15 ans et plus dans 116 pays et territoires.
2) www.hologic.com
3) En France, l’Indice Mondial de la Santé des Femmes de Hologic a sondé un échantillon aléatoire de 1 000 Français âgés de 15 ans et plus, dont 518 femmes et 482 hommes, entre le 26 mars et le 13 mai 2020.
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