La parenthèse Covid refermée, la tentation est grande de prendre les bilans de 2019 comme base pour analyser les résultats obtenus par le réseau officinal en 2023. Les ratios semblent en effet renouer avec la « normalité ». Mais la jauge est faussée. Dans la mesure de l’activité par le chiffre d’affaires, mais aussi dans celle de la rentabilité par l’EBE. Le chiffre d’affaires, tout d’abord. Il a définitivement franchi le cap des deux millions d’euros
Que ce soit pour le réseau Fiducial (2,1 millions d’euros), KPMG (2,253 millions d’euros) ou encore CGP (2,367 millions d’euros). Pour la deuxième année consécutive, l’activité de l’officine moyenne se maintient au-delà des deux millions et enregistre même une légère progression en 2023. On pourrait se réjouir qu’en dépit de la quasi-disparition des activités Covid (distribution de masques et tests de dépistage*), le volume d’activité augmente. « On est passé de 1,9 million d’euros en 2019 à 2,4 millions d’euros. Le chiffre d’affaires a quand même pris 500 000 euros en cinq ans », ne manque pas de souligner Joël Lecoeur, président du réseau CGP.
Une croissance artificielle
Ce paramètre est-il pour autant fiable dans l’analyse de la santé économique de l’officine ? Comme le signalent les experts-comptables, alors que le chiffre d’affaires lié aux activités Covid a été divisé par cinq en un an, la compensation s’est effectuée exclusivement au profit du médicament remboursable. Les ventes de produits de TVA à 2,1 % ont ainsi représenté 72,30 %, voire 75,08 % de l’activité officinale en 2023. Un effet report mécanique, comme l’analyse Bastien Legrand, vice-président de CGP. Cette progression résulte quasiment de la vente des médicaments chers. Des médicaments dont le prix supérieur à 150 PFHT (soit les deux dernières tranches de MDL) gonfle artificiellement le chiffre d’affaires du segment du 2,1%. « On a substitué du chiffre d’affaires Covid à 95 % de marge par des médicaments chers à moins de 5 % de marge. L’impact n’est donc pas sur le chiffre d’affaires mais sur la marge brute globale. C’est là que ça devient compliqué car l’assurance-maladie regarde ce qu’elle rembourse. C’est là le drame de l’officine aujourd’hui », poursuit le président de CGP.
Un indicateur de moins en moins pertinent
La poussée des médicaments chers est un phénomène connu et même redouté car peu contributeur de marge officinale (voir pages 22 et 24) mais auquel se joint, en 2023, un autre levier de croissance du chiffre d’affaires, l’inflation. En dépit de ces deux facteurs, l’évolution du chiffre d’affaires en 2023-entre 1,68 et 3,90 % selon les experts-comptables- reste donc minime. Ceci d’autant plus que vient se greffer un autre paramètre, aussi douloureux soit-il. La fermeture de quelque 276 officines en 2023 a mécaniquement reporté l’activité sur le reste du réseau officinal, contribuant ainsi à une croissance organique.
Autant de critères qui font dire aux experts-comptables que le chiffre d’affaires est de moins en moins un indicateur pertinent « en lecture directe ». En un mot, son appréhension nécessite plusieurs clés. C’est sans compter la masse des pharmacies qui n’ont pas vu leur activité progresser en 2023. Environ 20 à 25 % des clients de Fiducial, jusqu’à 40 % chez KPMG. Un phénomène inconnu en 2022 mais qui, aujourd’hui, révèle la polarisation croissante du réseau officinal. Une taille critique serait-elle aujourd’hui le gage de survie d’une officine ? Pas seulement, si l’on en croit l’analyse des experts-comptables (voir page 26).
*De 5,78 % , voire 6, 10 % du chiffre d’affaires en 2022, la part des activités de TVA à 0% atteint désormais entre 1,10 et 1, 90 % du chiffre d’affaires en 2023.
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