Ne vous méprenez pas ! Ce sirop « contre la toux » n’est pas un médicament, c’est un dispositif médical (DM).
Du fait d'un mode d’administration ou d'une destination thérapeutique évoquant à tort le médicament, les DM sont souvent montrés du doigt comme des médicaments déguisés. « Pour comprendre la différence, il faut se référer au code de la Santé publique (CSP - article L5211-1). Selon cette définition, c’est le mode d’action qui permet de différencier un médicament et un DM. Un médicament agit par des moyens pharmacologique, immunologique ou métabolique. Pour le DM, le mode d’action est principalement mécanique », détaille Luc Besançon, délégué général de NèreS. Unis par ce mode d’action unique, les DM forment un ensemble très hétérogène aux modes d’utilisation très divers, mais toujours destinés à « être utilisé chez l'homme à des fins médicales », précise le CSP. « À partir du moment où cette définition a été introduite dans le CSP, certains produits comme les gels viscoélastiques d’acide hyaluronique ou des collyres ont été logiquement reclassés ; de médicament, ils sont devenus DM, ce qui allège effectivement les contraintes réglementaires de mise sur le marché », note Marie-Paule Serre, consultante et ancien professeur à Sorbonne Université.
La réglementation dicte la stratégie, pas l'inverse.
« Ce qu’il faut bien comprendre, c’est que le fabricant ne choisit pas de définir un produit en tant que DM ou médicament ; c’est la réglementation qui impose l’un ou l’autre statut. Si un produit présente des propriétés pharmacologiques, il ne peut pas être commercialisé en tant que DM, et inversement », commente Luc Besançon, en réponse à ceux qui dénoncent une supposée stratégie des firmes de classer des médicaments en tant que DM. Pour certains produits cependant, la frontière est difficile à saisir, et peut nécessiter un arbitrage européen. « Théoriquement, le médicament et le DM répondent à des définitions distinctes, et l’un ne peut pas être l’autre. En réalité, certains produits sont commercialisés sous les deux statuts, comme le siméthicone ou le charbon », ajoute Marie-Paule Serre. De même, la frontière est parfois difficile à définir entre un DM et un complément alimentaire (vitamine C par exemple) présentant une formulation proche : « Dans ce cas, le fabricant choisit le statut à partir de la revendication qu’il choisit pour son produit : une destination médicale pour le DM, et une allégation de bien-être pour le complément alimentaire. »
Le monopole, vrai sujet de préoccupation.
En réalité, que le DM et le médicament cohabitent et soient en concurrence ne constitue pas un problème. Pour certains, la menace réside plutôt dans le fait que l'un entre dans le monopole pharmaceutique et pas l'autre. Avec le DM, la prise en charge d’une plainte, une toux ou des aphtes par exemple, peut être réalisée en dehors des officines, ce qui représente une brèche dans la mission du pharmacien en tant que professionnel de premier recours. Une inquiétude que le délégué général de NèreS dissipe en soulignant l'expertise inégalée du pharmacien : « Lorsqu’un patient vient chercher une solution à un problème de santé, le statut du produit (médicament, DM ou complément alimentaire) l’intéresse peu à partir du moment où ce patient est pris en charge correctement, par un professionnel en qui il fait confiance et que le produit est efficace. Dans le domaine du premier recours, le pharmacien reste un pilier. Outre son conseil pour orienter vers la solution la plus pertinente, le pharmacien sait évaluer la sévérité de la situation, et détecter toute interaction ou incompatibilité entre produits. Sans oublier sa contribution à la surveillance post-commercialisation, via la matériovigilance. La valeur ajoutée du pharmacien et sa différenciation s'inscrivent dans son conseil et sa capacité à prendre en charge une personne dans sa globalité. » Luc Besançon regrette d'ailleurs que le DM ne puisse pas, à ce jour, être enregistré dans le dossier pharmaceutique : « L’inscription du DM au DP serait un élément différenciant supplémentaire pour valoriser et sécuriser l’intervention de l’officinal par rapport aux autres circuits de distribution. »
Le DM, un booster du premier recours à l'officine.
Loin d’enrayer l’attractivité de l’officine comme lieu de premier recours, NèreS considère plutôt le DM comme un moteur de la démarche de santé, en prévention comme en traitement des maux du quotidien. « En l’absence d’une politique favorable aux délistages qui permettrait d’élargir l’offre de médicaments pouvant être conseillés par le pharmacien, le DM permet de compléter les champs thérapeutiques non encore ou insuffisamment couverts dans le cadre des soins du premier recours », explique Luc Besançon. Pour l’association NèreS, la promotion des produits de premier recours, quel que soit le statut, s’inscrit dans un cadre global et responsable, et s’appuie inévitablement sur le pharmacien et son équipe.
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