Tandis que la France fête cette année deux décennies de génériques, la croissance de ce marché reste au point mort. Le GEMME, acteur de référence pour la promotion du générique, n'hésite pas à employer le terme de récession pour qualifier la situation économique observée.
« À périmètre constant, c'est-à-dire sans intégrer les tombées de brevet de 2018, le marché s'est replié de 0,7 % en volume et de 3,5 % en valeur. Ce taux est loin, très loin de ce qu'il devrait être pour assurer la progression attendue et nécessaire du marché des génériques », explique Catherine Bourrienne-Bautista, déléguée générale du Gemme. En comparaison avec nos voisins européens, la France conserve toujours ce train de retard avec un taux de pénétration des génériques sur le marché des médicaments remboursables qui peine à atteindre 37 %. « Aux Pays-Bas ou en Allemagne, ce taux de pénétration atteint 75 %. Ces pays ont des modèles économiques et organisationnels très différents ; en Allemagne par exemple, le développement du générique repose beaucoup sur le médecin qui est encadré dans sa prescription. Au Royaume-Uni, le reste à charge pousse les patients à être plus sensibles au prix des médicaments, et à qualité égale, à choisir les médicaments moins chers. » Si on intègre les tombées de brevet de 2018, les chiffres des génériques sur le marché de la ville sont légèrement meilleurs, mais sans éclat : 1,6 % en volume et 1 % en valeur.
Un hiver qui dure…
Le développement du générique en France est une course de fonds. Il faut penser ce développement sur la durée, et utiliser des moyens efficaces pour assurer une croissance constante et stable des médicaments génériques. « Au début des années 2000, la pénétration des génériques a suivi une croissance très positive. Mais il faut relativiser car il est toujours plus facile d'avoir un taux de croissance spectaculaire pour un marché émergent », commente la déléguée générale du Gemme. Après une année 2017 qualifiée par le GEMME de « Annus horribilis » - seulement 0,3 % de croissance en volume -, la tendance à la stagnation se confirme et l'hiver dans lequel est plongée la croissance des génériques persiste. « Si on veut avoir une réelle efficience pour le système de santé, il faudrait une croissance de 7 à 10 %. Nous en sommes loin, et l'écart de pénétration avec nos voisins européens ne se réduit pas. »
Le générique s'est fait une place mais reste à la marge
Des leviers pourraient être actionnés pour remédier à cette situation économique. Cela impose une politique plus franche, visant l'accentuation de la pénétration des génériques. « Pour sortir de ces taux trop bas, il faut une véritable impulsion. Cela n'a pas été le cas. Entre 2017 et 2018, il n'y a pas eu d'évolution des mesures incitatives, ce qui n'a pas permis de modifier la tendance observée dès 2017 », regrette la déléguée générale du GEMME. Pourtant, les médicaments génériques font désormais partie de la vie des Français, lesquels sont de plus en plus nombreux à les accepter parce qu'ils les connaissent mieux : « La campagne de promotion menée en 2016 devrait être reconduite prochainement. Pour que les effets positifs perdurent, il faut informer régulièrement. » Quant aux chutes de brevet, elles ne sont plus aussi spectaculaires qu'il y a quelques années. De 2000 à 2015, plusieurs brevets de médicaments « blockbusters » sont tombés dans le domaine public, avec pour conséquence logique une prise importante des parts de marché des médicaments génériques dès leur commercialisation. Le dernier en date, la rosuvastatine, a permis de sauver les meubles en 2018. « Il y a encore des chutes de brevets à venir, la source ne se tarit pas ; mais nous constatons une évolution vers des produits de niche », souligne Catherine Bourrienne-Bautista.
La prescription dans le répertoire : un levier important de croissance
Le Gemme n'a pas changé son discours et persiste à demander la mise en place de mesures incitatives auprès des médecins, pour prescrire dans le répertoire des génériques. « Les mesures prévues par la LFSS (Loi de financement de la Sécurité sociale) 2019 ne permettront pas de lever les blocages et de remédier à la stagnation du marché. Ces mesures ciblent uniquement la substitution (Lire encadré), qui par ailleurs fonctionne très bien grâce à l'implication des pharmaciens. Ce que nous demandons, ce sont des mesures pour inciter les médecins à prescrire des molécules substituables », confirme Catherine Bourrienne-Bautista. À ce jour, les pharmaciens et le droit de substitution permettent de pallier l'hémorragie économique du générique. « Le taux actuel de substitution s'élève à 80,9 % ; autrement dit, les pharmaciens substituent plus de 8 fois sur 10 quand ils le peuvent. Il faut leur donner davantage la possibilité de le faire ; plus le médecin prescrit dans le répertoire, plus le pharmacien peut substituer », ajoute Catherine Bourrienne-Bautista. Et inversement. Simple, basique, mais la France n'a pas les bases ! « A ce jour, le taux de prescription dans le répertoire des génériques n'est que de 46 %. Cela signifie que pour plus d'une prescription sur deux (54 %), la substitution est écartée d'office. »
Pourtant, le répertoire est actualisé régulièrement, avec des créations anticipées de nouveaux groupes avant la chute de brevet, et une réactivité des laboratoires génériques pour mettre dès que possible sur le marché les nouveaux génériques. Reste à définir les moyens d'incitation des prescripteurs. « Cette incitation existe déjà plus ou moins dans la ROSP (Rémunération sur objectifs de santé publique). Mais elle n'est pas très visible et s'avère insuffisante. Au Gemme, nous proposons la mise en place d'une majoration de la consultation, via un honoraire. Ce dernier viserait à compenser le temps passé à expliquer aux patients le choix de prescrire une spécialité substituable. » À ce jour, les propositions du Gemme ont été entendues par les décideurs politiques. Pour leur mise en œuvre, c'est une autre histoire. Dommage. Car selon le Gemme, en ne prenant pas les mesures nécessaires pour stimuler le marché des génériques, la France se prive de 1 milliard d'euros d'économie tous les ans.
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