Les biomédicaments coûtent cher : la découverte d'un nouveau traitement provenant d'organismes vivants nécessite une dizaine d'années de recherche. Mais aussi, un investissement de plus d'1,5 milliard d'euros, en moyenne, pour parvenir à le développer.
Les biosimilaires, quant à eux, impliquent un investissement plus modéré : moins de 10 ans de R & D en moyenne, et environ 150 à 200 millions d'euros pour leur développement. Ces médicaments biologiques présentant une forte ressemblance avec leur médicament biologique de référence sont, néanmoins, aussi efficaces et bien tolérés que ce dernier. Comme les génériques, les biosimilaires sont commercialisés après expiration de la période de protection commerciale du princeps. Mais à la différence des génériques, ils présentent une variabilité naturelle – et une fabrication, plus complexe — ne permettant pas une réplication exacte de la micro-hétérogénéité moléculaire. Pour autoriser un biosimilaire, un plus grand nombre d'études sont, ainsi, nécessaires : elles garantissent que ces petites variabilités n’influencent ni sur la sécurité, ni sur l’efficacité du biosimilaire. Produits en masse, les biosimilaires peuvent être indiqués pour des patients spécifiques, répondeurs à un traitement donné (exemple : trastuzumab dans le cancer du sein HER2 positif). Ou, indiqués chez tous les patients (l'insuline glargine pour les diabétiques, par exemple).
Une production coûteuse
La production d'un biosimilaire – comme celle de tout médicament biologique — est, souvent, plus complexe que celle des médicaments dérivés de la chimie. « Pour ce qui concerne les anticorps monoclonaux, le processus de fabrication est, néanmoins, bien connu : il s'agit de faire croître des cellules dans un milieu de culture. Ce processus de fermentation est comparable à celui réalisé dans d'autres domaines : fermentation de la levure pour la fabrication de la bière ou encore, celle des cellules utilisées pour produire certains antibiotiques », indique Pascal Brière, vice-président affaires économiques et hôpital de l'association GÉnérique Même MÉdicament (GEMME), qui réunit 25 industriels du générique et des biosimilaires. La production des biosimilaires est très coûteuse, notamment en raison des frais liés à la R & D et d'un long cycle de production. « À l’issue de ce cycle, il faut stériliser et démonter l'intégralité des cuves ayant servi à la production du bioimilaire. Pendant ce temps, le matériel ne peut être réutilisé. La production du principe actif reste donc très onéreuse », précise Pascal Brière. D'un point de vue réglementaire, les biosimilaires bénéficient de leur statut propre : ce ne sont ni des génériques, ni des hybrides, ni des princeps. Ils sont donc inscrits sur la liste de références des médicaments biologiques – servant de base — d'un point de vue légal, à l'interchangeabilité.
Rendre possible la substitution officinale
Les biosimilaires sont interchangeables : ils peuvent être remplacés par un autre médicament biologique ayant le même effet clinique. Il peut s’agir de remplacer un produit de référence par un médicament biosimilaire (ou inversement) ou de remplacer un biosimilaire par un autre biosimilaire. « Comme l'indique l'ANSM, l’interchangeabilité est un acte médical qui consiste, à l’initiative du prescripteur, à remplacer un médicament biologique par un autre, similaire », rappelle Christophe Delenta, vice-président chargé de la commission biosimilaires du GEMME. La France a été l'un des premiers pays à autoriser la substitution des biosimilaires par les pharmaciens dans le cadre de la loi de financement de la Sécurité sociale (LFSS) pour 2014. Cette substitution n'est autorisée qu'en initiation de traitement et avec l'obligation d'en informer le prescripteur. Toutefois, en pratique, en l'absence du décret d'application, la substitution d'un biomédicament par le pharmacien nécessite d'être clarifiée. « La substitution officinale des biosimilaires – qui fait actuellement l'objet d'un débat — est légale. En tant que Biogaran, nous la soutenons et espérons que le débat sera rapidement tranché », affirme de son côté Pascal Brière (lire l'entretien paru le 14 février 2019). Pour leur part, les officinaux réclament une substitution pleine et entière pour les biosimilaires. Dans un communiqué cosigné par les représentants des syndicats officinaux, des groupements de pharmaciens et des étudiants en pharmacie (UDGPO, Federgy, Collectif des groupements d'officines, FSPF, USPO, ANEPF et APR), ils demandent à être reçus par la ministre de la Santé pour « envisager rapidement le décret d'application de la loi permettant au pharmacien de substituer les biosimilaires ». Et pour « modifier la loi sur la substitution des biosimilaires, en ne la réduisant pas à l'initiation du traitement ».
Même progression en volume, en ville et à l'hôpital
En France, le chiffre d'affaires total des biomédicaments atteint 8 milliards d'euros*, dont environ 2 milliards* sont éligibles, à court ou moyen terme, à la concurrence biosimilaire. Quant au chiffre d'affaires des biosimilaires, il s'établit à 512 millions d'euros* : 330 millions d'euros* pour l'hôpital, et 181 millions d'euros*, pour la ville. « À l'hôpital, la plupart des spécialistes utilisent les biosimilaires, ce qui leur permet notamment de dégager des moyens pour favoriser l'accès des patients aux spécialités innovantes et onéreuses. La prescription initiale des biosimilaires est souvent d'origine hospitalière. Des incitations financières sont proposées pour intéresser le prescripteur hospitalier (ou son service) à la nature de sa prescription, qui sera exécutée en ville. Malgré ces incitations, le marché des biosimilaires en ville tarde à décoller », déplore Pascal Brière. Pour sa part, Christophe Delenta salue la percée des biosimilaires en 2018. « Le marché des biosimilaires en ville et à l'hôpital progresse à la même vitesse en volume : 81 % en ville contre 77 % à l'hôpital. »
Des incitations financières pour le pharmacien ?
La stratégie nationale de santé a fixé comme objectif 80 % de pénétration des biosimilaires d'ici 2022. « Aujourd'hui, nous en sommes loin, notamment pour certains produits – tels que l'insuline glargine (12 %) ou l'étanercept (14 %) », note Pascal Brière. Pour atteindre, au plus vite, les objectifs de la stratégie nationale de santé, le GEMME est favorable à la fixation d'honoraires de dispensation pour le pharmacien et d'honoraires d'interchangeabilité pour le médecin. « Le GEMME imagine des solutions pour développer les biosimilaires, de façon pérenne, en France. Cela passera notamment par l’interchangeabilité et la prescription des médecins, mais aussi, par la délivrance officinale. Comme le médecin, le pharmacien devra être rémunéré pour son rôle d'éducation et d'information sur les biosimilaires, auprès des patients », affirme Christophe Delenta. Les biosimilaires existent et sont prescrits depuis plus de 10 ans avec une qualité et une efficacité reconnues. « Mais il y a encore un besoin d’éducation sur ces produits. En effet, nous arrivons sur de nouvelles aires thérapeutiques, passant des soins de supports aux traitements curatifs dans des pathologies chroniques. Aujourd'hui, davantage de patients sont traités et leurs questions arrivent au niveau de l'officine. Le pharmacien est un acteur clé pour répondre à ce besoin d’éducation et d’accompagnement des patients. Le GEMME est donc favorable à la mise en place d'un honoraire de dispensation qui puisse rémunérer le pharmacien lors de la délivrance de biosimilaires, notamment pour le service d’éducation qu’il apporte », conclut Christophe Delenta.
* Source : GERS, décembre 2018.
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