Ils en redemandent. Les patients réclament toujours plus de services à l’officine. La vaccination arrive à la première place des revendications de plus de 50 000 patients interrogés par Pharma Système Qualité. Ils plébiscitent également les tests de dépistage, les TROD étant cités par plus de la moitié des personnes consultées. Le pharmacien est également pressenti pour offrir des rendez-vous personnalisés de prévention. Exigeants ces patients ? Pas vraiment. Car, conscients des compétences de leur pharmacien, ils sont plus d’un tiers à être prêts à payer pour ces services.
Entrer dans la médecine 4P
Finalement, les patients ne disent rien d’autre que ce que les économistes de la santé s’évertuent à conseiller aux pharmaciens : « abandonnez » la boîte de médicament et tournez-vous vers les services.
Une récente étude* de la fondation Concorde et de Pharma Système Qualité confirme cette évolution. Cette enquête analyse les transformations auxquelles devront adhérer les pharmaciens de 2030. Ses auteurs, à l’instar des patients, incitent l’officinal à être un intermédiaire de santé polyvalent. Ce qu’Hélène Marvillet, présidente de Pharma Système Qualité, décrit comme « l’ancien pharmacien de famille, devenu le pharmacien de premier recours ». Paradoxalement, renouer avec leur vocation première suppose des pharmaciens qu’ils s’inscrivent dans l’innovation. « Les pharmaciens ont en commun avec les GAFA (Google, Apple, Facebook, Amazon, NDLR) la diversité de leur audience. À eux de la « monétiser » à leur échelle », enjoint Olivier Babeau, économiste et professeur à l’université de Bordeaux. Le rapporteur de la commission santé de la fondation Concorde incite les pharmaciens à mettre à profit la « cybercondrie » qui sévit sur la Toile, les internautes inquiets de leur santé demandant à être accompagnés. De même, Olivier Babeau invite la profession à s’inspirer de la médecine 4 P : préventive, prédictive, personnalisée et participative.
Casser le comptoir
Ces principes ne font que reprendre les souhaits, bien concrets, des patients. Le pharmacien a un rôle à jouer dans la prévention par le biais d’entretiens orientés (nutrition, hygiène de vie, surpoids, tabac…). Il doit également être présent dans le domaine prédictif grâce à la vente ou à la location d’outils de mesure de constantes physiologiques. Les observateurs estiment même que le pharmacien trouvera sa place dans la médecine personnalisée, notamment dans la préparation du médicament par impression 3D, ou encore dans le versant personnalisé du traitement par le suivi formalisé de l’observance. Ce changement de paradigme ne pourra s’opérer qu’à la condition de casser l’image du comptoir, estime Hadrien Philippe, vice-président de l’Association nationale des étudiants en pharmacie de France (ANEPF). Plus proche de ses patients, le pharmacien devra également sortir de l’officine. Ne serait-ce que virtuellement, pour s’inscrire dans la pluridisciplinarité des maisons de santé. Ou encore pour s’insérer dans la continuité des soins à la sortie de l’hôpital, grâce à la conciliation médicamenteuse.
Suivre les traitements
« La sortie hospitalière est le premier point de rencontre avec le pharmacien d’officine. Or il y a une urgence absolue à ce que l’ordonnance face l’objet d’une mise en cohérence avec le traitement antérieur », rappelle Jean-François Thébaut, membre du collège de la Haute Autorité de santé (HAS). Un vœu qui est cependant loin de se réaliser, comme le remarque Alain Astier, professeur de pharmacologie et de pharmacie clinique et membre de l’Académie de pharmacie : « Il y a jusqu’à présent une rupture totale entre l’hospitalisation, moment où le patient est materné, et son retour à domicile où il se retrouve seul, dans un vide sidéral. » Selon Alain Astier, cette absence de « lien organique » entre la ville et l’hôpital est tout particulièrement inquiétante dans l’utilisation de certains médicaments innovants. « La plupart du temps, les pharmaciens d’officine, comme les médecins généralistes, n’en connaissent pas les effets indésirables. Or leur toxicité nécessite un suivi dans la vie réelle », décrit-il, suggérant que le recueil de ces données puisse faire partie des nouvelles missions du pharmacien. Tout comme la prévention de l’interruption du traitement. Par exemple avec la chronicisation du cancer, nombre de patients finissent par se lasser de leur traitement. Ainsi, « 30 % des femmes traitées au Tamoxifène ne prennent plus leur médicament au bout d’un an », déplore Alain Astier. Un rôle dans la prévention des ruptures de traitement auquel est également attaché Patrick Ohana, pharmacien membre du réseau de santé en oncologie en Essonne « Essononco », qui a élaboré une procédure de délivrance qui garantit la bonne observance des chimiothérapies.
Si les pharmaciens sont prêts à s’engager dans ces évolutions, celle-ci restent soumises à des accords conventionnels avec l’assurance-maladie. La rémunération des pharmaciens pour ces nouvelles missions est un autre moteur essentiel de ces changements.
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