Le Quotidien du Pharmacien.- Pouvez-vous résumer en quelques mots les principales missions d’AirParif ?
Frédéric Bouvier.- Nous sommes justement en train de finaliser notre programme à 5 ans, 2016-2021, qui redéfinit clairement ces missions. Ce programme s’articule autour de trois axes stratégiques : surveiller, comprendre et accompagner. Il faut rappeler qu’AirParif est une association qui regroupe, à l’échelle de l’Ile-de-France la majorité des acteurs impliqués dans la qualité de l’air.
Aujourd’hui nous comptons un peu plus de 150 membres, avec d’une part un collège des représentants de l’État, un deuxième collège constitué par les collectivités, un autre qui représente les acteurs économiques (industriels et acteurs du monde des transports), et enfin un quatrième collège qui accueille le monde associatif.
L’objectif d’AirParif, c’est à la fois d’assumer un rôle technique de surveillance et d’information sur la qualité de l’air, qui sont nos missions principales, mais aussi un rôle de concertation avec les acteurs locaux pour faire en sorte que tout le monde partage les résultats de l’observatoire et mette en place des actions visant à améliorer la qualité de l’air.
Pour nous aider dans ces missions, nous disposons des données collectées par une soixantaine de stations AirParif réparties en Ile-de-France, complétées par des campagnes de mesures. AirParif produit toutes les heures 7 millions de données qui sont spatialisées sur l’Ile-de-France avec une résolution qui varie de 12 à 50 mètres.
Ce qui guide notre action au quotidien, c’est une triple conviction : nous respirons, nous émettons, nous agissons. En effet, comme tous les Franciliens nous respirons et AirParif doit être capable de donner une information sur ce que nous respirons. En outre, nous sommes tous potentiellement des émetteurs de pollutions, et AirParif doit être en mesure de qualifier ces émissions pour que chacun réalise le niveau de sa contribution à la pollution ambiante.
Enfin, nous agissons. Comment faire pour que les actions à la fois individuelles et collectives soient bénéfiques à la qualité de l’air, là est l’enjeu ultime. Mais c’est autour de ces trois orientations que travaille aujourd’hui AirParif.
Quels sont les principaux émetteurs de CO2 en région Ile-de-France ?
Il faut d’abord préciser une chose. Le CO2 est un gaz à effet de serre qui va certes poser un problème à la planète par l’effet du réchauffement climatique mais qui n’a aucun impact direct et immédiat sur la santé. Lorsqu’on travaille sur la pollution on aborde en effet deux problématiques complémentaires mais distinctes qui sont parfois source de confusion.
Nous avons d’un côté des polluants émis localement et qui ont un impact local sur la santé, l’environnement, le bâtiment et les cultures. C’est ce que l’on appelle en général la pollution atmosphérique. Et parallèlement nous avons des émissions de gaz à effet de serre, provenant d’ailleurs souvent des mêmes sources, qui auront eux plutôt un impact à l’échelle planétaire et sur des temporalités beaucoup plus longues.
Le CO2, le méthane, etc., n’ont, à très court terme, aucun impact sur la santé, mais vont en revanche dérégler le climat et avoir une incidence sur l’évolution de la planète. AirParif travaille bien sur ces deux problèmes, mais notre enjeu principal reste la pollution locale qui a un impact sur la santé plus immédiat.
Notre bilan 2015, publié le 8 avril répertorie ainsi les nivaux de concentration des principaux polluants que sont les oxydes d’azote notamment émis par le trafic, les particules (trafic, industrie, chauffage au bois), le benzène et l’ozone (polluant secondaire).
Quelle tendance observez-vous dans la nature et les niveaux de pollution locale ?
Globalement aujourd’hui la tendance est plutôt à la baisse de concentration, exceptée pour l’ozone. Certains polluants, qui étaient un réel problème au début des années soixante, tel le dioxyde de soufre dont la concentration dans l’air atteignait les 100 microgrammes par m3, ont par exemple complètement disparu.
Malheureusement la baisse tendancielle qu’on observe aujourd’hui est totalement insuffisante pour atteindre les valeurs réglementaires. Ce qui fait que les valeurs mesurées, notamment en oxyde d’azote et particules, restent largement supérieures aux valeurs limites européennes. 1,5 million de Franciliens sont ainsi exposés quotidiennement et annuellement à des dépassements des valeurs limites.
Pouvez-vous nous expliquer pourquoi la pollution chronique est, selon vous, plus nocive que les pics en Ile-de-France ?
Ce n’est pas AirParif qui explique cela, mais plutôt les spécialistes de la santé, et plus précisément l’Institut de veille sanitaire (InVS). Lorsque vous faîtes une étude des impacts de la pollution sur la santé vous allez chercher à corréler les taux de pollutions qui varient au jour le jour avec des effets directs sur la santé qui sont respiratoires ou cardiovasculaires.
Effets généralement différés de quelques jours par rapport au pic de pollution. Lors des pics de pollution, on constate un impact aigu sur la santé, soit seulement quelques jours dans l’année. Lorsqu’on considère ces 10 à 15 % de jours de pollution aiguë dans l’année, on observe que l’impact sanitaire représente en revanche de 15 à 20 % du total des effets nuisibles.
La situation aiguë mérite donc d’être prise en compte et justifie les mesures d’atténuation prises alors par les préfets pour réduire l’exposition. Toutefois, si on ne gérait que ces situations on ne traiterait que 15 à 20 % des impacts sanitaires de la pollution atmosphérique. Il y a donc nécessité à travailler au quotidien pour réduire l’exposition même lorsqu’elle n’est pas très élevée. En pratique, cela signifie qu’il faut agir sur cette pollution au quotidien en priorité.
Pour AirParif, il s’agit là d’un véritable enjeu, à savoir appuyer l’État, les collectivités et les acteurs économiques en évaluant l’ampleur des actions à mettre en œuvre pour revenir à de meilleurs niveaux de qualité de l’air et en suivre l’efficacité au cours du temps. Pour exemple, nous travaillons actuellement avec la ville de Paris pour évaluer l’efficacité du plan anti-pollution annoncée par Anne Hidalgo qui vise notamment la réduction de circulation des véhicules les plus anciens.
Lorsque vous avez pris la direction d’AirParif début 2015 vous vous étiez déclaré favorable au renforcement de la transversalité air-climat-santé. Comment cet engagement peut-il se traduire concrètement ?
Notre ambition, c’est que le plan stratégique 2016-2021 d’AirParif atteigne pleinement cette transversalité. Avec notamment l’idée d’être en capacité de produire les indicateurs climat-air pour l’ensemble des actions qui vont se mettre en œuvre sur l’ensemble du territoire francilien.
Nous avons également la volonté de renforcer notre collaboration avec les acteurs de la santé pour leur fournir les informations dont ils ont besoin et même d’anticiper les exigences créées par les réglementations à venir. Nous rendrons très bientôt des résultats de mesure de pesticides, et nous travaillons de plus en plus loin dans la composition chimique des particules.
L’idée est vraiment d’être en lien avec les acteurs de la santé pour que les informations qu’on leur transmet soient utiles et qu’ils puissent identifier les polluants les plus problématiques en terme de santé et en hiérarchiser l’impact. Aujourd’hui, AirParif se positionne clairement comme l’observatoire de la qualité de l’air en Ile-de-France au service de la santé et de l’action.
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