La complexité de la SEP et ses manifestations cliniques explique que cette maladie relève bien sûr d’une prise en charge multidisciplinaire (médecine, kinésithérapie, ergothérapie, orthophonie, psychologie, assistance sociale, etc.) et personnalisée. Pour nous en tenir ici à l’aspect pharmacologique du traitement (lequel peut également impliquer des gestes chirurgicaux type neurectomie ou radicotomie, ou une stimulation électrique), il n’existe pas de traitement curatif de cette affection, mais diverses alternatives thérapeutiques sont désormais proposées en traitement de fond : ralentissant le processus de démyélinisation, elles agissent sur les deux composantes intriquées de la maladie (démyélinisation, inflammation). Par ailleurs, les patients peuvent bénéficier de traitements symptomatiques contribuant à réduire le handicap lié à l’évolution de la maladie.
Traitement des poussées aiguës.
Le traitement des poussées aiguës de SEP, réalisé le plus souvent en hospitalisant le patient, impose une corticothérapie parentérale à forte dose (méthylprednisolone IV à la dose de 0,5 g à 1 g/j pendant 5 jours, sans nécessité d’un relais par voie orale). Ce type d’intervention ne modifie pas l’évolution de la maladie et n’a pas d’intérêt dans les formes paucisymptomatiques ou rapidement régressives.
Traitement symptomatique.
Le traitement symptomatique des signes cliniques de la SEP, qui limite temporairement les conséquences des phases processuelles de l’affection, justifie le recours à un ou plusieurs médicaments dont l’action reste partielle.
- La spasticité musculaire, handicapante et douloureuse, est réduite par l’administration de baclofène (Liorésal par voie orale ou intrathécale si besoin), de clonazépam (Rivotril, prescription de neurologue, hors AMM, limitée à 12 semaines sur ordonnance sécurisée) ou de diazépam (Valium). Ces médicaments exposent notamment à un risque de somnolence diurne, d’accoutumance et de dépendance. La toxine botulinique (Botox, réservé à l’usage hospitalier) peut être utilisée en dernière ligne face à une spasticité détrusorienne (vésicale) avec retentissement fonctionnel.
- La fampridine (Fampyra 10 mg cp. LP, 10 mgx2/j, prescription réservée au neurologue) favorise la transmission des signaux nerveux et augmente temporairement la vitesse de la marche et la force des jambes chez certains patients atteints de SEP. Le médicament est bien toléré, à l’exception de rares signes neurologiques (convulsions à fortes doses).
- Les tremblements, difficiles à corriger, répondent au clonazépam ou au propranolol.
- Les névralgies faciales, sciatiques ou autres bénéficient de l’administration d’antalgiques actifs sur les douleurs neuropathiques (anticonvulsivants type carbamazépine, oxcarbazépine, gabapentine ou prégabaline, antidépresseurs tricycliques, etc.).
- Les douleurs importantes (notamment chez les patients grabataires ayant des escarres) relèvent d’antalgiques de paliers 2 ou 3.
- Les troubles ano-rectaux et du transit peuvent répondre à des mesures hygiéno-diététiques et thérapeutiques simples.
- Les troubles urinaires répondent aux antispasmodiques (voir plus haut) ou à de faibles doses d’antidépresseurs tricycliques.
- Les dysérections répondent aux inhibiteurs des phosphodiestérases.
Traitement de fond.
Longtemps, seuls les immunosuppresseurs constituèrent la base du traitement des formes sévères et évolutives de SEP, mais leur usage est moins actuel en raison d’un index thérapeutique insuffisant : mitoxantrone (Elsep), cyclophosphamide (Endoxan, utilisé hors AMM dans les formes rapidement évolutives de la maladie à une posologie comprise entre 500 et 750 mg/m²), méthotrexate (modeste effet dans les formes progressives et un emploi devenu exceptionnel dans cette indication), ciclosporine (Sandimmun, Néoral) et mycophénolate (Cellcept, Myfortic, hors AMM).
- Interférons bêta. L’interféron bêta (IFN-bêta : Avonex, Betaferon, Extavia, Rebif) inhibe la voie Th1 pro-inflammatoire et favorise la voie Th2. Il est actif sur les SEP évoluant par poussées (qu’il réduit de 30 % environ) et sur l’évolutivité des lésions observées sur l’imagerie par IRM, réduite de 50 % à 70 %. Son intérêt sur la sévérité du handicap à long terme est moins évident et il n’empêche pas le passage d’une SEP-RR à une SEP-SP (au cours de laquelle son administration n’a pas d’intérêt car elle expose, sans bénéfice, à une iatrogénie non négligeable). L’IFN n’a pas d’intérêt non plus pour traiter une SEP-PP. Sa tolérance reste médiocre : réactions au site d’injection, syndrome pseudo-grippal fréquent en début de traitement (traité par paracétamol), troubles de l’humeur (dépression), alopécie, anomalies hématologiques, hypertension artérielle, troubles thyroïdiens, pneumopathies interstitielles, etc.
- Glatiramère. L’acétate de glatiramère (Copaxone) associe des peptides de synthèse composés de quatre acides aminés (L-alanine, acide L-glutamique, L-lysine, L-tyrosine). Il favorise la différenciation de lymphocytes T selon la voie Th2 anti-inflammatoire au détriment de la voie Th1 pro-inflammatoire.
Le traitement par le glatiramère s’impose chez les patients intolérants à l’IFN-bêta ou chez lesquels il est contre-indiqué (épilepsie non contrôlée, hypersensibilité). Il a une activité thérapeutique analogue à celle de l’IFN sur le risque et le délai de survenue d’une nouvelle poussée.
Prescrit par un neurologue et imposant une surveillance étroite, ce médicament bénéficie d’une tolérance satisfaisante. Des effets indésirables systémiques transitoires suivent souvent l’injection (bouffée vasomotrice, sensation d’oppression et de douleur thoraciques, dyspnée, palpitations, tachycardie) et des effets locaux sont rapportés : érythème, douleur, induration, prurit, œdème, inflammation et hypersensitivité. À plus long terme, sont observés des arthralgies, des rashs, une lymphadénopathie, des œdèmes périphériques, des tremblements, de l’asthénie, des nausées.
- Fingolimod. Le fingolimod (Gilenya gélule 0,5 mg, médicament d’exception, prescription réservée aux neurologues hospitaliers) exerce une action agoniste sur le récepteur 1 de la sphingosine-1-phosphate (S1P). Inhibant la migration des lymphocytes T hors des ganglions lymphatiques et du thymus, il diminue l’infiltrat de lymphocytes potentiellement auto-agressifs dans le SNC mais, en empêchant ces cellules de passer dans le sang du compartiment périphérique, le fingolimod provoque une lymphopénie. Son efficacité s’explique en partie par le fait qu’il agit non seulement sur les lymphocytes T et B mais aussi sur les macrophages, également responsables de lésions neuronales.
La fingolimod est indiqué (1 gélule/jour en monothérapie) comme traitement de fond des formes très actives de SEP rémittente-récurrente, chez le patient présentant une forme très active de la maladie malgré un traitement par IFN-bêta ou chez le patient présentant une SEP rémittente-récurrente sévère et d’évolution rapide. Il est depuis peu indiqué également dans la SEP rémittente en rechute chez le patient porteur d’une maladie hautement active en dépit d’un traitement par au moins un médicament ayant permis de réduire les symptômes de la maladie.
Toutefois, son efficacité est à mettre en balance avec les effets indésirables pouvant lui être associés, nécessitant une surveillance particulière et la première administration doit être réalisée sous surveillance stricte du patient pendant les 6 premières heures.
Le fingolimod peut provoquer une toux, des céphalées, des dorsalgies, une bradyarythmie (début de traitement), une bronchoconstriction bénigne, une discrète hypertension artérielle (notamment à doses élevées), une élévation des enzymes hépatiques et une immunosuppression avec activation d’infections virales latentes (herpès, varicelle) et infections des voies aériennes supérieures. Un cas d’œdème de la macula a été observé chez un patient. De plus, même si des observations suggèrent que le fingolimod n’empêche pas les cellules immunocompétentes de gagner le cerveau, seul un suivi prolongé des patients traités permet d’évaluer le risque de réactivation de virus dormants. Le fingolimod peut être à l’origine d’une leucoencéphalopathie réversible postérieure : ce syndrome, observé chez l’hypertendu ou lors d’un traitement immunosuppresseur, se caractérise par un œdème de la partie postérieure du cerveau, de la confusion mentale, des troubles visuels et des céphalées. Compte tenu de sa toxicité fœtale, toute grossesse doit être évitée pendant le traitement.
- Natalizumab. Anticorps monoclonal recombinant humanisé dirigé contre deux intégrines exprimées à la surface des leucocytes dont il bloque l’interaction avec le récepteur VCAM-1 (Vascular Cell Adhesion Molecule-1), le natalizumab (Tysabri, solution pour perfusion 300 mg, réservé à l’usage hospitalier, prescription réservée aux neurologues) inhibe notamment le passage des lymphocytes T activés à travers la barrière hémato-encéphalique, à l’origine des poussées inflammatoires. Il est indiqué, sous forme de perfusions intraveineuses mensuelles de 300 mg, en monothérapie comme traitement de fond d’une SEP-RR très active malgré un traitement par INF-bêta, ou chez un patient présentant une SEP-RR sévère d’évolution rapide.
Son profil de sécurité explique que son indication reste limitée à des populations particulières. Plus de 99 % des sujets traités présentent au moins un effet indésirable : céphalées, vertiges, nausées et vomissements, infections urinaires et nasopharyngées, arthralgies, urticaire, frissons, fièvre, asthénie.
Des réactions d’hypersensibilité graves et précoces s’observent chez environ 4 % des patients, ainsi que la survenue d’infections opportunistes. Il est également possible que se développent des anticorps anti-natalizumab persistants, compromettant l’efficacité du traitement (6 % des patients). Enfin, l’usage du natalizumab est associé à une toxicité hépatique et à la survenue, exceptionnelle, d’une leucoencéphalopathie multifocale progressive (LEMP).
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