C’EST PRESQUE fini. L’expérimentation sur l’intégration des médicaments dans le budget de soins des EHPAD doit se terminer en juillet 2013, et logiquement, la fonction de pharmacien référent devrait disparaître. Mais référent ou pas, de nombreux pharmaciens intervenant en EHPAD continueront à s’investir afin que les initiatives qu’ils ont entreprises au cours de ces dernières années ne soient pas vaines. En marge des discours syndicalistes et politiques, ces acteurs de terrain livrent leur témoignage où se mêlent satisfaction et frustration.
Un bilan globalement positif...
La lutte contre l’iatrogénie médicamenteuse chez le sujet âgé, le respect du bon usage du médicament, et la régulation de la consommation des médicaments étaient les principales missions confiées au pharmacien référent. Pour Claude Guesdon, titulaire à Chaumont en Vexin (Oise), « les résultats sont positifs, même s’ils sont encore perfectibles. Nous avons réussi à optimiser le rapport coût/efficacité et à générer une économie de 15 000 euros par an ». Le pharmacien souligne le travail réalisé avec le médecin coordonnateur pour diminuer la prescription de benzodiazépines, ou pour éviter les chevauchements de prescriptions. Même chose pour Nathalie Venard, pharmacien à Grand-Quevilly (Seine maritime), qui a mis en place avec le médecin coordonnateur (un gériatre, précise-t-elle) un livret thérapeutique. Thomas Bien, adjoint à la pharmacie Martin Pinel (groupement Rhône vallée Pharmacie - Isère) souligne quant à lui l’important travail réalisé pour garantir l’observance et le bon usage des médicaments.
...avec quelques ombres au tableau.
Sur le papier, les missions étaient relativement claires, mais la mise en œuvre sur le terrain a rencontré quelques obstacles parfois insurmontables. Des problématiques propres à chaque établissement, d’ordre logistique ou relationnel, sont rapidement apparues, et certains confrères ont préféré se retirer carrément de l’expérimentation. Ceux qui ont poursuivi l’aventure expriment une certaine frustration, celle de n’avoir pas pu aller au bout des choses. « Le médecin coordinateur est parti et n’a pas été remplacé. Cette situation a freiné l’établissement d’un livret thérapeutique », explique Thomas Bien. Séverine Vezzoso, pharmacien à Brioux-sur-Boutonne (Deux-Sèvres), regrette les relations « entre deux portes » avec le médecin coordonnateur et le manque de communication avec l’infirmier coordonnateur « nous devons constamment aller à la pêche aux informations ».
Les relations tendues avec les établissements ont également fait capoter certaines expérimentations. Des pharmaciens dénoncent une collaboration en sens unique, dans laquelle le pharmacien référent n’a d’autre choix que d’accepter les contraintes imposées par la direction de l’établissement sous peine de perdre les lits qui lui sont attribués. Du chantage à la concurrence, faisant fi de la déontologie, comme l’illustre le cas de Patricia Bayard, titulaire à Desvres (Pas-de-Calais) : « Je suis encore référente mais pour combien de temps ? La direction nous demande (aux trois pharmacies qui interviennent) de réaliser les PDA à partir du 1er décembre, et menace de mettre fin à notre collaboration si nous refusons ».
Un succès sous conditions.
Ces témoignages montrent les limites du pharmacien référent ; ce dernier ne peut réussir sa mission que si tout le monde joue le jeu. D’une manière générale, les pharmaciens référents sont d’accord sur un point. L’expérience qu’ils vivent depuis près de quatre ans leur a offert la possibilité de mieux s’impliquer au sein de l’établissement et de créer des relations avec les équipes soignantes, même si cela a été difficile et long. La casquette de référent leur a donné cette légitimité pour intervenir et pour imposer leur compétence au sein de l’équipe soignante. À la question, « continuerez-vous à vous investir même si vous n’êtes plus référents ? », tous répondent par l’affirmative.
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