LES MÉDICAMENTS ne fonctionnent pas si on ne les prend pas. Élémentaire, et pourtant, la non-observance et la mauvaise observance sont des réalités. Dans un rapport publié en 2003, l’OMS (Organisation mondiale de la santé) indique que seulement 50 % des patients souffrant de pathologies chroniques suivent leur traitement correctement, dans les pays développés. La France ne semble pas se démarquer, comme le montrent plusieurs études. Celle d’IMS Health/CRIP (cercle de réflexion de l’industrie pharmaceutique) intitulée « Améliorer l’observance : traiter mieux et moins cher » a analysé le suivi des traitements au cours six pathologies chroniques (diabète de type 2, hypertension artérielle, asthme, hypercholestérolémie, ostéoporose et insuffisance cardiaque). Selon les résultats, le taux moyen de patients observants serait de l’ordre de 40 %. Les auteurs ont considéré qu’un patient observant présentait un MPR (ratio moyen dispensation/prescription) supérieur ou égal à 80 % (le patient respecte son traitement plus de 24 jours par mois sur en moyenne 30 jours).
Une autre étude, réalisée par OpinionWay/Welcoop en partenariat avec la FNIM (Fédération Nationale de l’Information Médicale), arrive à un constat similaire. Menée auprès de 1 014 sujets adultes, cette enquête conclut que seulement 42 % des patients ont respecté intégralement le traitement qui leur était prescrit. Le traitement a été pris entièrement, la posologie a été respectée et aucune prise n’a été oubliée. Pour 55 % des patients interrogés, qualifiés d’observants partiels, un de ces critères n’a pas été respecté.
De fortes disparités selon les pathologies.
Publié en 2014, le livre blanc de la Fondation Concorde livre des données d’observance, pathologie par pathologie. Il en ressort de fortes disparités et des constats surprenants. Ainsi, seulement 48 % des patients ayant reçu une transplantation rénale respecteraient leur traitement immunosuppresseur, à un an. Dans les troubles psychiatriques, 50 % des patients seraient observants à 1 an de traitement. Ce taux tend à diminuer avec le temps, puisqu’à 18 mois, 74 % des patients auraient cessé la prise de leur médicament antipsychotique. Le constat est identique pour des pathologies telles que le cancer (taux d’observance de 52 à 57 %). Deux situations, la transplantation cardiaque et l’épilepsie, semblent se démarquer avec un taux d’observance respectivement de 75 % à 80 %, et de 72 %.
L’asthme présente un taux d’observance relativement faible, de l’ordre de 30 à 40 % chez l’adulte. Ces données constituent un argument supplémentaire pour renforcer l’accompagnement des patients asthmatiques par les entretiens pharmaceutiques.
L’âge influence l’observance.
L’observance serait plus difficile chez les plus jeunes et s’améliorerait avec l’âge. L’enquête OpinionWay/Welcoop montre en effet que dans les tranches d’âge 18-24 ans, 25-34 ans et 35-49 ans, l’observance est souvent partielle alors que les plus de 50 ans semblent plus assidus. Dans cette dernière catégorie, environ un patient sur deux respecterait la prescription intégralement. En revanche, il ne semble pas apparaître de différences entre la population globale et les patients sous ALD (affection de longue durée), dont le taux d’observance se situe à 42 % selon cette même étude.
Des motifs évitables.
Selon l’étude Opinionway/Wellcoop, 16 % des patients indiquent oublier fréquemment de prendre leur traitement, et ce taux s’accroît chez les moins de 35 ans. L’oubli apparaît comme la cause la plus fréquente de mauvaise observance, suivie de la crainte des effets secondaires et d’un arrêt précoce du traitement en raison de la guérison. L’enquête révèle aussi que la mauvaise connaissance de la maladie et la complexité du traitement peuvent compromettre l’observance (en favorisant notamment l’oubli ou la lassitude), d’où l’intérêt des entretiens pharmaceutiques.
Le coût de la mauvaise observance.
Selon l’étude IMS Health/CRIP, le coût de la non-observance s’élèverait à plus de 9 milliards d’euros par an, pour les six pathologies documentées. Cette estimation tient compte notamment des dépenses de prise en charge des complications (l’infarctus du myocarde pour l’hypercholestérolémie par exemple). Une autre étude, l’étude Observia, estime que le surcoût de la non-observance s’élèverait à environ 2 milliards d’euros pour l’Assurance-maladie (lire aussi l’encadré en page 20).
Pour les organismes payeurs, le défi est donc de favoriser l’observance pour limiter ce surcoût. Les auteurs de l’étude IMS Health/CRIP estiment qu’« un point seulement d’amélioration de l’observance permettrait de dégager des économies ». La Fondation Concorde préconise de renforcer l’information sur l’intérêt des traitements prescrits, auprès des personnes souffrant de maladies chroniques.
Des solutions existent.
Il existe différentes pistes permettant d’améliorer l’observance, dont l’éducation thérapeutique du patient ou les entretiens pharmaceutiques. Pour accompagner les médecins à renforcer l’observance, l’Assurance-maladie met à disposition un outil d’évaluation de l’observance afin d’identifier les causes du non-respect de l’ordonnance et d’agir en conséquence. Des programmes motivationnels sont également proposés. Dans le cadre du programme Giroprevent par exemple, des pharmaciens du groupement Giropharm sont amenés à réaliser un entretien dans le cadre du suivi du diabète. En complément, des solutions matérielles peuvent être proposées pour simplifier la prise du traitement. Il s’agit des piluliers, des SMS de rappel ou des PDA. Ces solutions sont à adapter selon l’âge et les caractéristiques du patient.
L’amélioration de l’observance dépend surtout d’une motivation générale, comme le souligne l’OMS, en commençant par les décideurs politiques. Par sa connaissance du médicament et sa proximité, le pharmacien tient une place incontournable pour relever ce défi.
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