Les jours précédant et suivant le 17 mars, date du début du confinement, la doctrine était claire concernant le rôle que joueraient les masques chirurgicaux et FFP2 dans le cadre de la lutte contre le Covid-19.
Après avoir saisi le Haut Conseil de la Santé Publique (HCSP), Olivier Véran met en place une stratégie de gestion et d’utilisation maîtrisée des masques à l’échelle nationale. Des masques qui doivent bénéficier en priorité aux professionnels de santé amenés à prendre en charge des patients Covid-19 en ville, à l’hôpital ou encore dans les structures médico-sociales accueillant des personnes fragiles. S'appuyant notamment sur des études de l'Organisation mondiale de la Santé (OMS) et reprenant les arguments de sa prédécesseure, Agnès Buzyn, le ministre de la Santé fraîchement nommé déclare fin février : « Aujourd’hui comme demain, une personne asymptomatique qui se rend dans des lieux publics, qui se déplace dans les transports en commun, n’a pas à porter de masque, ce n’est pas nécessaire. » Une position qui amène le gouvernement à publier un décret autorisant la réquisition des masques de protection détenus par toute personne morale de droit public ou de droit privé. Laborieusement, les pharmaciens se voient livrer des stocks de masques issus des réserves de l'État avec des consignes très strictes quant à leur délivrance aux autres professionnels de santé. Dans les zones dites « d’exposition à risque », les pharmaciens ne pouvaient ainsi conserver que 18 masques chirurgicaux par semaine. Les quantités reçues, bien souvent insuffisantes, et ce rationnement suscitent rapidement l'exaspération de la profession. « Il est temps de dire la vérité aux Français nous n’avons pas assez de masques ! », déplore dans un tweet rageur Philippe Besset, président de la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF). « Cette situation ne permet pas d’assurer la sécurité des soignants », alerte fin mars le Centre national des professions libérales de santé qui demande alors aux « professionnels de santé libéraux de comprendre que les pharmaciens d’officine sont tenus de respecter strictement les consignes de l’État et de l’assurance-maladie concernant les modalités de distribution des masques ».
Une gestion parcimonieuse
Alors que les témoignages d'officinaux désemparés par leur difficulté à recevoir et délivrer des masques se multiplient, le gouvernement est contraint de reconnaître l'existence d'importantes lacunes au niveau logistique. « Nous avons mis sous tension notre appareil de production qui n'a pas des capacités extensives, c'est pour cela que nous avons une gestion parcimonieuse de ces masques avec priorité absolue aux soignants », avoue la porte-parole du gouvernement Sibeth N'Diaye. Les difficultés d'approvisionnement sont telles que la Direction générale de la santé (DGS) en arrive à demander à tous ceux qui disposent d'un stock de masques et qui ne les utilisent pas à les donner aux établissements de santé, aux hôpitaux ou à la pharmacie la plus proche.
La volte-face des autorités
Déjà bien en peine de répondre aux besoins en masques des professionnels de santé, les officinaux doivent de plus composer avec la déception des patients qui ont parfois bien du mal à comprendre pourquoi il est impossible pour eux d’acheter des masques de protection. Une incompréhension encore accentuée, lorsque les autorités finissent par faire volte-face au sujet de l’utilisation du masque par le grand public. L’OMS va alors préconiser l’usage de masques alternatifs, « même artisanaux » par le reste de la population pour limiter la propagation du virus par aérosol. Un revirement, début avril, qui plonge les pharmaciens dans l’embarras, alors que la délivrance de masques sanitaires est toujours censée être réservée au personnel soignant et que les modèles grand public ne sont pas encore autorisés en officine. L’Ordre des pharmaciens rappelle alors que le pharmacien doit « refuser de délivrer des masques aux patients, même sur présentation d’une ordonnance, car un ordre de réquisition pour les professionnels de santé les y oblige, sous peine de sanctions ». Mais le doute commence à s’immiscer, la vente de masques en officine est-elle réellement interdite ?
Les masques alternatifs débarquent en officine
Dénonçant des messages contradictoires, la profession demande des réponses claires au gouvernement. Réponses qu'elle n'obtiendra jamais vraiment. « Selon le décret du 23 mars 2020, rien ne s’oppose à ce qu’un pharmacien d’officine qui achèterait, dans des quantités raisonnables, des masques chirurgicaux ou des masques FFP2 importés puisse les vendre ou les remettre gratuitement aux patients de son officine », relève Philippe Besset. Dans le doute, la FSPF incite les officinaux à se montrer prudents et à s'approvisionner pour être prêt au moment du déconfinement. Le 26 avril, la vente de masques grand public en officine est, elle, autorisée, suscitant des réactions mitigées chez les pharmaciens dubitatifs quant à leur réel intérêt du point de vue sanitaire et circonspect de voir les buralistes en proposer au même titre qu'eux. La colère des pharmaciens sur le sujet des masques atteint son paroxysme lorsque les géants de la grande distribution annoncent la commercialisation de masques chirurgicaux dans leurs enseignes à compter du 11 mai et de la fin du confinement. La GSM qui n'a visiblement pas eu les mêmes difficultés que les officinaux pour s'en procurer. « 100 millions par ici, 50 millions par là. Qui dit mieux ? C’est la surenchère de l’indécence », s'insurgent des représentants ordinaux ulcérés alors qu'Olivier Véran tente de son côté de calmer le jeu conscient du niveau d'agacement du monde médical après les annonces de Leclerc, Carrefour ou encore Intermarché.
Dans le cadre du déconfinement, le masque est désormais plébiscité par une importante de la population et son port est même obligatoire dans les transports en commun notamment. Les pharmaciens sont désormais indemnisés pour la distribution des masques issus des stocks de l'État, il est possible de vendre des modèles chirurgicaux à tous les patients à condition de respecter l'encadrement des prix (au moins jusqu'au 10 juillet), la distribution est plus performante et les masques grand public, dont les commandes sont parfois périlleuses, ont été rajoutés à la liste des produits autorisés à la vente en officine. Si la situation s'est heureusement améliorée, le temps ne masquera pas toutes les difficultés qu'auront rencontrées les officinaux sur le sujet.
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