Le Quotidien du pharmacien.- L’arrivée de l’intelligence artificielle dans certaines fonctions officinales a-t-elle renforcé les liens avec les groupements ? A-t-elle fait émerger de nouveaux besoins ?
Denis Supplisson. - Je voudrais en préambule rappeler que l’intelligence artificielle est un vrai sujet de recherches, mené par des informaticiens et des universitaires et qui fait l’objet d’investissements lourds. L’une des réponses que nous pouvons apporter, dans ce domaine, aux pharmaciens, et de manière plus générale, au monde de la santé, est la solution de surveillance à domicile du patient âgé, que nous avons développée avec Ie Loria (Laboratoire lorrain de recherche en informatique et ses applications) et la faculté des Sciences de Nancy, aujourd’hui proposée par 168 pharmaciens.
Pour quelles raisons ce dispositif est-il l’illustration même de l’intelligence artificielle ?
Il détecte les chutes, les informations anormales : si la personne n’a pas pris son déjeuner ou ne s’est pas levée par exemple… Face à ces situations qui ne sont pas prévues et font donc appel à l’inconnu, le logiciel est capable de réagir en faisant évoluer son propre algorithme, il apprend par lui-même. Rien à voir donc avec ce que l’on appelle communément intelligence artificielle et qui n’est que de la gestion algorithmique. Dans le machine learning, ou même le deep learning, l’algorithme se nourrit des data qu’on lui a fournies mais il ne pourra en aucun cas modifier son comportement face à une situation inédite. Il devra avoir rencontré la situation plusieurs milliers de fois pour la détecter. Nous sommes donc dans un champ d’investigation tout autre qui fait appel à des compétences très différentes.
De telles solutions sont-elles duplicables pour l’officine ?
On pourrait certes imaginer qu’on applique des algorithmes de machine learning dans les fonctions du back-office, comme la gestion des rejets de règlements des CPAM. Ces systèmes seraient plus évolués avec des algorithmes plus puissants. Mais en aucun cas, il ne s’agirait d’intelligence artificielle, puisqu’on resterait dans l’environnement de l’officine, dans un univers restreint, où tout est reproductible d’une année sur l’autre. La granularité serait différente certes. On pourrait, comme nous sommes d’ores et déjà capables de le faire aujourd’hui, envisager d’ajouter des connexions avec des sites météo pour mieux prévoir les commandes. Mais encore une fois, on ne peut parler d’intelligence artificielle.
L’ensemble de ces systèmes requiert un nombre considérable de données, ce qui pose pour les groupements et leurs adhérents l’épineuse question du stockage et de la sécurité de ces data. Quelles sont les réponses que vous pouvez leur proposer ?
Il faut préciser qu’aujourd’hui la totalité des données, qu’elles concernent les achats, les ventes mais aussi en premier lieu les patients, sont toutes stockées à l’officine et elles y restent. Il n’y a aucun système de cloud. Le pharmacien peut avoir un accord avec son groupement ou un opérateur de statistiques tel que IQVIA, Cegedim, Offisanté… Mais dans tous les cas de figure, ces données seront sécurisées par une application programming interface (API), une porte d’entrée sécurisée qui permettra de communiquer en toute sécurité les informations nécessaires à son groupement (sell-in, sell-out…) et ce dans le contexte réglementaire, c’est-à-dire que toutes les données doivent être anonymisées et qu’il ne peut s’agir de données sensibles.
Certains groupements et pharmaciens redoutent une main- mise des GAFAM sur les data, comprenez-vous ces craintes ?
Je pense sincèrement que ces craintes sont infondées, actuellement, sur le sol français. En revanche, les pharmaciens ne sont pas à l’abri lorsqu’ils installent des logiciels de petites sociétés, des systèmes de lutte contre les ruptures par exemple, qui peuvent entrer dans les bases de données et extraire des data. La sécurité va devenir un enjeu majeur dans les années à venir. Rappelons que le pharmacien est un hébergeur de données et qu’il a pour devoir de garder ses portes fermées en faisant respecter le RGPD.
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