Rien ne sera plus comme avant ! En pratiquant la vaccination, le pharmacien a franchi la frontière entre la dispensation et l'administration du médicament. Un virage énorme pour la profession, mais quasiment normal pour les patients. Pour cette première saison généralisée à l'ensemble du territoire français, plus de 2 millions de Français ont fait confiance à leur pharmacien pour pratiquer l'injection du vaccin antigrippal. Parmi eux, Jean-Pierre ne s'est posé aucune question : « en tant que résident de Nouvelle- Aquitaine, c'est la deuxième année que je me fais vacciner à la pharmacie. » D'ailleurs, ce préparateur retraité accueille avec beaucoup d'enthousiasme cette nouvelle compétence du pharmacien : « la vaccination permet de valoriser un atout considérable de la profession : la proximité avec les Français. »
Libre choix, facilité et sécurité.
Si certains professionnels de santé continuent à dénoncer la vaccination à l'officine, ces querelles intestines semblent peu intéresser les patients ; eux reconnaissent avant tout une simplification du parcours tout en conservant une qualité de soins. « À vrai dire, je ne me pose pas de question : mon pharmacien est un professionnel de santé et il connaît les médicaments. Pourquoi ne les administrerait-il pas, que ce soit en comprimé ou en piqûre ? », commente Maryse, une patiente vendéenne. D'autres comme Françoise sont sensibles à l'argument économique : « la vaccination par le pharmacien est facturée 6,30 euros. Si pour une qualité équivalente je peux faire économiser quelques euros à la Sécurité sociale, alors je ne me pose aucune question. Et avec le pharmacien, j'ai confiance ! On me fait même attendre un peu après l'injection pour voir si je vais bien. »
Qu'il s'agisse du questionnaire pré vaccination ou du délai recommandé avant de laisser partir le patient après l'injection, l'attention portée par le pharmacien est particulièrement appréciée. Les pharmaciens sont d'ailleurs sensibles aux retours que leur font ceux qu'ils ont vaccinés. « C'est toujours plaisant quand la personne dit qu'elle n'a rien senti, ou qu'elle vous remercie chaleureusement en vous serrant la main », note Céline, adjointe en Auvergne-Rhône-Alpes. « Personne ne s'est jamais inquiété de savoir si j'étais formée à l'injection. Ceux qui nous demandent spontanément nous font confiance », ajoute-t-elle. Sébastien, trentenaire résidant en Bretagne, est un des rares patients à évoquer « une injustice » par rapport aux infirmières : « accorder l'autorisation aux pharmaciens de vacciner contre la grippe, c'est prendre le travail des infirmières ». Sur ce point, le jeune homme peut être rassuré par l'attitude des pharmaciens, prudents et attentifs à ne pas briser le dynamisme établi avec les autres professionnels de santé d'un secteur. « À partir du moment où ils conservent leur libre choix, les patients sont satisfaits. Il n'y a aucun problème de légitimité soulevé de leur part, et de notre côté, nous les incitons à conserver leurs habitudes : s'ils se font vacciner par le médecin ou l'infirmier, qu'ils continuent. Le principal étant qu'ils se protègent contre ce virus dangereux », précise Céline.
Une remise en question du métier.
Si pour les jeunes diplômés le geste vaccinal fait partie prenante de l'apprentissage via un module de formation intégré au cursus universitaire, il n'en est pas de même pour les pharmaciens en exercice depuis plusieurs années. « Bien qu'en région expérimentatrice, je ne propose la vaccination que depuis cette année. Je n'ai pas adhéré aussitôt à cette évolution du métier parce qu'elle me semblait éloignée de ma profession, du moins de celle que j'avais choisi d'exercer il y a 20 ans maintenant. Il m'a fallu un temps de réflexion, d'appropriation et peu à peu, en parlant avec mes confrères, en constatant la demande pressante des patients, j'ai accepté ce nouveau rôle », témoigne Stéphanie, titulaire en Nouvelle-Aquitaine. Aujourd'hui, elle se sent légitime dans cet acte : « quand un patient vous dit que l'année précédente le vaccin est resté dans le réfrigérateur par négligence, on comprend l'intérêt de coupler la dispensation et la vaccination. »
Dans la Sarthe, Michel Gicquel observe que dans le cadre de la vaccination, l'acte d'injection est secondaire aux yeux des patients : « ils se sentent surtout rassurés de voir des professionnels de santé disponibles pour pallier au manque de médecins en milieu rural. Certains attendaient avec impatience que nous soyons autorisés à vacciner, souvent par souci pratique. Après avoir réalisé plus de cent vaccinations, le ressenti des patients est très bon. Ils sont très reconnaissants que le pharmacien reçoive sans rendez-vous. Et puis, dans l'espace de confidentialité, les langues de délient : au-delà de la vaccination, on se parle plus et cela nous permet parfois de détecter certaines fragilités qui nous échappent au comptoir. »
Le pharmacien soignant.
La vaccination est le premier geste invasif que peut pratiquer le pharmacien, ce qui a effectivement dérouté une partie de la profession. À l'inverse, comme l'ont démontré les périodes d'expérimentation et cette première saison de vaccination généralisée, les patients ont rapidement compris l'intérêt de ce nouveau circuit vaccinal, tant d'un point de vue pratique que d'un point de vue sanitaire. Déjà habitués à se rendre en pharmacie pour faire soigner une plaie, demander un avis sur une lésion ou essayer une orthèse, ils ont adopté pleinement le pharmacien dans son rôle de soignant. Si demain d'autres vaccinations sont autorisées à l'officine, il semble quasiment certain que les patients feront confiance à leur pharmacien comme ils l'ont fait pour la grippe saisonnière.
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