LE QUOTIDIEN DU PHARMACIEN.- Fin 2006 vous aviez remis au Ministre de la santé, avec Alain Baumelou, un rapport sur l’automédication dont l’objectif était notamment de sortir de l’ornière le marché de la médication officinale. Estimez-vous que les mesures mises en place par Roselyne Bachelot en faveur de ce marché répondent globalement aux attentes exprimées dans ce rapport ?
ALAIN COULOMB.- Globalement, oui, mais il ne s’agissait pas tant de créer un marché, que de constater que l’automédication était et reste une réalité. D’une part parce que cela correspond à une évolution du comportement de nos concitoyens vers plus d’autonomie et de responsabilité, d’autre part, les médicaments à prescription médicale facultative sont une réalité de plus en plus présente. Dès lors que l’automédication existe, se développe parce qu’elle correspond à une demande, même si elle reste relativement faible, le problème est plutôt de déterminer comment organiser, sécuriser et accompagner cette évolution plutôt que de la subir. Cela impliquait notamment de lister les produits qui paraissaient les mieux adaptés à ce type d’utilisation en fonction de leur conditionnement, de leur absence de nocivité, de leurs indications. C’est ce qui a été fait me semble-t-il. De ce point de vue-là, on peut dire que les mesures mises en place par Roselyne Bachelot répondent globalement aux attentes exprimées par le rapport.
Plus précisément, cette mesure s’inscrivant dans une politique d’amélioration du pouvoir d’achat, l’objectif de baisse de prix de l’automédication vous semble-t-il atteint ?
Bien que l’objectif principal était de sécuriser l’automédication et pas nécessairement de baisser les prix, une des conditions posées par Xavier Bertrand comme Roselyne Bachelot, était de suggérer fortement aux industriels de ne pas accompagner les politiques de délistage d’une augmentation des prix. Ceci a été globalement respecté par les industriels.
Par ailleurs, d’une manière générale, favoriser la concurrence a un impact plutôt positif sur les prix. Mais il n’y a pas que des conséquences directes, cette politique pouvait aussi contribuer à désengorger les cabinets médicaux actuellement suroccupés, en permettant à chacun de prendre en charge par lui-même les petits ennuis de santé qui ne nécessitent pas forcément l’intervention d’un médecin. Ceci s’inscrit également dans la réponse aux attentes exprimées dans le rapport.
De même, vous aviez pointé l’hétérogénéité de l’offre et le manque de cohérence de classe (entre remboursables et non remboursables). A-t-on, selon vous, avancé sur ces points ? L’information sur le médicament de médication officinale a-t-elle, par ailleurs, gagné en clarté ?
La politique menée par l’AFSSAPS en sélectionnant un certain nombre de médicaments susceptibles d’accéder à l’automédication a directement lié cette accessibilité à la pertinence du produit et à son information. Incontestablement, l’information sur les médicaments d’automédication officinale a gagné en clarté bien que les impératifs de sécurité déterminés au niveau européen entraînent des mentions obligatoires qui ne favorisent pas la lisibilité des notices.
Les conditions de la mise en place du libre accès dans les officines vous paraissent-elles de nature à favoriser la prise en charge du petit soin en pharmacie et à accroître la responsabilisation des patients usagers ? L’offre est-elle suffisante ?
Les conditions de la mise en place du libre accès dans les officines se sont fait progressivement, les pharmaciens sont à la fois, comme chacun d’entre nous, conservateurs et pragmatiques, s’ils constatent que « cela marche », ils y viennent. Mais c’est un vrai changement pour eux, ils sont en effet habitués depuis des années à un régime de prix administrés. Introduire une zone de libre concurrence dans leurs officines, c’est une petite révolution. Cela implique pour eux une modification de leurs pratiques professionnelles qui touche à la fois leur méthode d’achat, d’approvisionnement, de calcul de leur marge, et donc leurs relations avec leurs fournisseurs ainsi qu’avec le patient, qu’ils vont devoir réellement accompagner dans la gestion de la santé au quotidien. Mais plus ils s’investiront dans leur rôle de professionnels de santé, moins ils seront contestés. C’est une nouvelle responsabilité pour eux. Aujourd’hui, ceux qui ont fait ce choix sont ne sont plus minoritaires, ils s’inscrivent clairement dans l’évolution du métier « de pharmacien d’officine » tel que le projet de loi HPST est en train de le promouvoir.
Que manque-t-il encore aujourd’hui au développement du marché de la médication officinale ?
Sur les cinq propositions pour une politique d’automédication responsable, il me semble que les trois premières propositions sont clairement acquises : à savoir le libre accès accompagné par le pharmacien aux médicaments d’automédication comme un facteur clef du changement et de la modernisation, le maintien du monopole pharmaceutique comme garantie de sécurité et le maintien de la liberté des prix pour favoriser le jeu de la concurrence. La quatrième proposition, qui visait à dynamiser l’offre en incitant les industriels (protection de l’innovation, simplifications administratives) à mieux répondre aux attentes des patients (médicaments et packaging adaptés aux traitements de courte durée pour des pathologies aisément identifiables) est en cours de réalisation. Quant à la cinquième - pour une communication institutionnelle positive et à visée éducative auprès du public -, elle ne s’est pas développée compte tenu du fait que l’actualité politique a été très largement occupée par les discussions de la loi HPST.
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