POUR PATRICK LE PADELLEC, pharmacien PHR à Niort (Deux-Sèvres), la mise en place du libre accès s’est faite naturellement : « D’abord pour respecter les recommandations de nos autorités de tutelle, mais aussi pour montrer que la profession est capable d’évoluer. Si nous n’avions pas répondu à cette demande, le risque aurait été de voir le libre accès se mettre en place en dehors des pharmacies », analyse le titulaire. « Nous avons vu dans le libre accès l’occasion d’être innovants, de nous démarquer », explique de son côté Claudine Giordano, pharmacienne Giropharm à Beaugency (Loiret). Quant à Thierry Rabier, gestionnaire administratif de la pharmacie PHR de Deols, près de Châteauroux, il considère que remplacer des linéaires de parapharmacie par des médicaments est une façon pour la profession de se recentrer sur le cœur de son métier : le médicament. D’autant plus qu’avec la concurrence actuelle, la rentabilité de la parapharmacie a beaucoup baissé.
Baliser le terrain.
Pour aider leurs clients à se familiariser avec le libre accès, les pharmaciens interrogés décrivent leur démarche. « Il faut que le terrain soit bien balisé. Que les produits mis en avant soient connus, avec un nom de marque, et que leur indication soit bien mise en évidence », estime Rémi John, à la pharmacie PHR des trois gares de Viroflay (Yvelines). « Il nous a fallu un temps de réflexion, reconnaît Patrick Le Padellec. Nous avons finalement réorganisé nos rayons, pour consacrer une descente de sept étagères au libre accès ».
De son côté, Claudine Giordano raconte qu’elle avait décidé de revoir l'agencement de l'officine plusieurs mois avant la possibilité de proposer des médicaments en libre accès. « Nous avons à cette occasion aménagé un espace dédié au libre accès, sous la forme d'un épi constitué de quatre étagères. Par ailleurs, nous avons veillé à la bonne cohérence entre le message délivré en vitrine et l'espace client. Et en affichant un message du type "Le libre accès, c'est parti", nous avons en quelque sorte créé l'événement ». Quant à Marianne Le Bruchec, à la Grande Pharmacie de la Poste (Pharmodel) de Châtillon (Hauts-de-Seine), elle a pris le soin de former son équipe à ce nouveau mode de délivrance, par l'intermédiaire d'un organisme de formation (Cohésia). En outre, aucun produit n'est placé en libre accès sans que l'ensemble de son équipe n’ait été formé à sa bonne dispensation.
Un prétexte au dialogue.
Ces efforts semblent porter leurs fruits. « Nous avons clairement observé une augmentation des ventes des produits mis en avant, assure Rémi John. Il faut dire que nous avons parallèlement revu à la baisse les prix des produits d’appel ». Patrick Le Padellec a constaté pour sa part que le libre accès avait amené ses clients à poser plus de questions sur les produits. Le libre accès favoriserait donc le dialogue.
« Immédiatement, les clients se sont servis eux-mêmes », raconte Claudine Giordano, chez qui l'impact sur les ventes a été spectaculaire pour certains produits : les ventes de Voltarène Altigo ont par exemple augmenté de 80 %, celles d'Arnigel de 55 %.
Pour Éric Ruspini, pharmacien Giphar à Gerbeviller, près de Nancy (Meurthe et Moselle), le libre accès ne change en fait pas grand-chose : certes, les ventes de pastilles pour la gorge ont un peu augmenté et le dialogue avec les clients est plus facilement engagé. « L’équipe officinale franchit plus facilement le comptoir pour aller au contact direct du client, et c’est une bonne chose ». Mais les clients ont gardé l’habitude de demander conseil lorsqu’ils souffrent de pathologies aigûes et le libre accès ne les pousse pas à prendre deux boîtes plutôt qu’une.
Une question de professionnalisme.
Pour l'ensemble de l'équipe de Deols, le libre accès a surtout été l'occasion de faire un effort pour mieux accompagner la délivrance, et de mieux valoriser son conseil, bref de faire preuve de plus de professionnalisme. « Ce qui va dans le même sens que la mise en place du dossier pharmaceutique », se félicite Thierry Rabier.
Alors, le libre accès constitue-t-il une étape vers la distribution du médicament en GMS, comme le craignent certains confrères ? « Certainement pas, répond Éric Ruspini, mais à une condition : que les pharmaciens continuent de faire un vrai travail de délivrance et d’accompagnement du client, et ne se contentent pas de vendre ».
Selon Marianne Le Bruchec, le libre accès ne sortira pas des officines si le pharmacien fait son travail correctement et justifie son monopole. « Ma politique de prix est restée inchangée et les ventes n'ont pas particulièrement progressé. Mais la facilitation du dialogue permet d'atteindre un des objectifs du libre accès, qui est de limiter le nombre de consultations médicales », conclut la pharmacienne francilienne.
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