Le Quotidien du pharmacien.- En matière de génériques, la France a-t-elle désormais rattrapé son retard sur ses voisins européens ?
Alexandre Soufer.- Le retard du marché français n'est, malheureusement, toujours pas comblé. Même si on observe une légère progression - le générique représente aujourd'hui environ 40 % du marché pharmaceutique total en volume -, la moyenne européenne est à 55 %. Et si on s'intéresse aux pays qui sont comparables à l'Hexagone en termes de taille, tels que l'Allemagne et le Royaume-Uni, leur taux de pénétration est quasiment le double du nôtre, aux alentours des 80 %. Le point positif de ce constat, c'est qu'il reste encore de l'espace pour que le générique se développe en France. Notamment, comme le rappelle souvent le GEMME, en insistant sur l'importance des mesures incitatrices, telle la prescription au sein du répertoire.
Où se situe la France dans le palmarès européen du générique ?
Les premiers marchés sont ceux du Royaume-Uni - si tant est qu'on le considère encore dans le benchmark européen -, de l'Allemagne et du Danemark. Avec 40 %, la France est encore loin derrière…
Les mécanismes de régulation des prix du générique diffèrent sensiblement d’un pays à l’autre. Y a-t-il un modèle que nous devrions suivre pour favoriser l’essor du marché français ?
En Europe, chaque marché est marqué par ses propres spécificités, ses leviers et ses modes de fonctionnement. Il est ainsi difficile de comparer des modèles économiques qui portent sur des marchés si différents et dont les niveaux de développement sont si hétérogènes. Quant à la France, elle présente, elle aussi, des spécificités très marquées. Avant tout, il faut stopper la pression sur les prix qui fragilise notre industrie et aussi l’officine et assurer les économies en développant les volumes. Si nous ne prenons pas un pays particulier en modèle, notre objectif reste toujours d'atteindre des niveaux de pénétration du générique tels que ceux de l'Allemagne ou du Royaume-Uni. Mais encore une fois, leur marché est tellement différent du nôtre qu'il est difficile de réaliser une comparaison économique. Le modèle économique Allemand, notamment, valable pour un marché mature à 80 %, ne peut être transposé à un marché affichant seulement 40 % de pénétration. Plus globalement, je pense que le marché français peut se développer et atteindre des niveaux élevés, en préservant l’écosystème du générique, mais à condition d'engager rapidement des réformes dynamiques, telles que celles proposées par le GEMME. L'incitation à prescrire davantage dans le répertoire en est une. Notre marché peut faire mieux, tout en conservant son style, mais en allant plus fort et plus vite.
Aller plus fort et plus vite, soit. Mais comment, en faisant jouer quels leviers ?
C'est essentiellement par la prescription dans le répertoire que nous pourrons progresser. Sans oublier l'impact de la prescription en DCI qui facilite l’adhésion au générique. Même si celle-ci est théoriquement obligatoire, elle n’est pas encore très appliquée, c'est bien ces modèles qu'il faut développer. Il faut souligner ici que la substitution grâce à l’implication du pharmacien a beau être très majoritaire - plus de 8 fois sur 10 -, elle ne peut s'appliquer que dans le champ du substituable. Or la prescription dans le répertoire n'est que d'environ 50 %, d'où notre taux très moyen de 40 % de pénétration. Le calcul est donc simple, si nous étions, ne serait-ce qu'à 80 % de prescription dans le répertoire, notre pénétration générique serait à 65 %. L'autre paramètre à pousser est le champ du répertoire qui est globalement plus restreint que chez nos voisins européens.
Comment se portent les marchés européens des biosimilaires ? Existe-t-il un modèle à imiter ?
Ce qu'il faut avant tout préciser, c'est qu'il s'agit d'un marché assez jeune, dynamique et qui est en croissance dans tous les pays européens. Au sein du marché européen, le marché des médicaments biosimilaires représente désormais 8,4 milliards d’euros soit 9 % du marché des médicaments biologiques total en 2020 (source IQVIA). Sur le segment des biosimilaires et leur médicament biologique de référence, la France affiche un marché de près de 2,2 milliards d'euros dont 950 M d’€ pour les biosimilaires.
Si on s'intéresse aux 8 plus grands pays européens, ils parviennent à générer une économie de 33,4 milliards d'euros depuis 2007. Donc, même s'il s'agit d'un marché en plein développement, il est encore limité en France. Les objectifs de la stratégie nationale de santé visent 80 % de biosimilaires en 2022. Nous en sommes très loin… Pour quelques rares spécialités, l'objectif est atteint. Mais pour la majorité, on est très loin de l'objectif de 80 % notamment en ville.
Au GEMME nous sommes à la fois favorables à l'interchangeabilité par le médecin et à la substitution par le pharmacien dont il faut définir les conditions… C’est pour cela que nous appelons à reprendre rapidement les discussions avec les autorités, et les professionnels de santé et les patients, pour redéfinir les conditions de cette substitution biosimilaire et faire en sorte que celle-ci soit dès l’an prochain réintégrée à la loi - puisqu’elle en avait été retirée l’an dernier avec l’idée de repartir d’une « page blanche ». Avec cet objectif, nous observons de très près ce qui se passe actuellement en Allemagne où la substitution biosimilaire a été votée pour une mise en application à l'été 2022. Pour l'heure, les parties prenantes travaillent à la définition des conditions de cette substitution. Nous suivrons l'avancée de ces travaux durant toute l'année 2021. Nous ne pouvons pas préjuger des résultats de ce chantier dont la prochaine échéance prévue à l’été sera la détermination des lignes directrices de la substitution en officine.
Quelles conséquences le Brexit a-t-il sur le marché générique européen ?
À vrai dire, le GEMME surveille et anticipe depuis déjà plusieurs années les conséquences du Brexit sur le marché générique. Nous avions informé nos membres sur les risques potentiels, notamment en cas de « no deal ». Pour autant, depuis que le Brexit est effectif, aucun effet négatif ne nous a été rapporté. Nous avons l'impression que les laboratoires se sont plutôt bien adaptés à cette nouvelle donne et qu'ils avaient bien anticipé l'échéance politique.
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