Autant le dire tout de suite, oui, les médicaments biosimilaires constituent avant tout un enjeu économique important pour l’assurance-maladie.
Cette nouvelle classe de spécialités biologiques apparaît en effet comme un levier important de maîtrise des dépenses médicamenteuses dans les années à venir. Les autorités de santé souhaiteraient ainsi renouveler les économies réalisées grâce aux différentes campagnes de promotion des médicaments génériques. Mais, après quelques années de mise sur le marché des biosimilaires, les objectifs économiques ne semblent pas encore atteints. Car, sur le terrain, ces nouvelles présentations se heurtent à l’organisation de notre système de santé. La ville et l’hôpital ont en réalité des objectifs divergents.
Les PUI habituées au biosimilaire
Pour les pharmacies à usage intérieur, la problématique autour des médicaments biosimilaires n'en n'est pas une. Dans les établissements de soins, cela fait maintenant plusieurs années que ces molécules sont largement employées sans difficulté.
Côté finance, les appels d’offres pour les marchés publics (ou les groupements d’achats pour le privé) ont un seul objectif : obtenir les meilleurs tarifs, quel que soit le laboratoire choisi. Les cahiers des charges soumis aux fabricants ne prennent pas en compte la problématique de la ville. Les industriels acceptent donc ce deal car pour eux la vraie source de rentabilité n'existe qu'une fois que le patient aura quitté les murs de l’établissement de santé.
Une autre grande question autour des biosimilaires repose sur les switchs possibles entre spécialités. Là aussi les discussions autour de cette interchangeabilité ne se posent pas en milieu hospitalier. D’une part, les médecins concernés sont bien souvent les primo prescripteurs. Ils ont donc le choix de la molécule utilisée. Et d’autre part, au sein d’un hôpital ou d’une clinique, les médecins sont contraints d’utiliser les molécules inscrites au livret thérapeutique de la structure. Le hors livret n’est pas autorisé notamment pour des molécules aussi coûteuses. Bien évidemment, ce déséquilibre d’objectif entre la ville et l’hôpital a bien été identifié par les autorités de santé.
Favoriser les biosimilaires dans les prescriptions de sortie
Depuis 2018 dans le cadre du Contrat d’Amélioration de la Qualité et de l’Efficience des Soins (le CAQES), certains établissements ont été choisis afin de favoriser la promotion des biosimilaires dans les prescriptions de sortie. Cette orientation des ordonnances après hospitalisation permet aux unités concernées de se voir dotées de moyens financiers supplémentaires pour développer leur activité. En adoptant cette stratégie, l’assurance-maladie espère augmenter la part des biosimilaires en ville en s’affranchissant de la problématique de l’interchangeabilité. Car le changement de molécule n’est possible que par un médecin, avec accord du patient. Les pharmaciens n’ont toujours pas le droit de substitution sur ces produits. La prescription reste donc bien souvent inchangée par la ville. Et c’est bien ce point qui semble expliquer aujourd’hui le faible développement de cette classe médicamenteuse.
Deux visions et deux intérêts s’opposent au détriment de l’assurance-maladie, mais au profit néanmoins des laboratoires pharmaceutiques. Car ce n’est pas la première fois que l’industrie s’adapte aux contraintes imposées par l’État. Il y a quelques années, la même chanson a été jouée au sujet des génériques. Certains industriels avaient, à l’époque, anticipé la fin de brevets en commercialisant de nouvelles versions de leurs princeps vedettes (variation sur le sel ou la galénique). En jouant le jeu du moins-disant, ces acteurs avaient remporté ensuite la plupart des appels d’offres favorisant ainsi la poursuite des traitements en ville.
Ces erreurs du passé doivent servir de leçon. Les génériques ont mis du temps à infléchir les dépenses de l’assurance-maladie. Aujourd’hui, après de multiples mesures, l’objectif semble atteint avec une implication forte de la profession. Un même scénario et un même timing seraient-ils envisageables avec les médicaments biosimilaires ?
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