« L’EXAMEN du compte de résultat et du bilan comptable ne suffit pas pour décider de l’acquisition d’une officine », prévient d’emblée Roger Remery, président de EMS (European Marketing Science), société d’étude et de conseil en marketing et géostratégie. Un tel investissement suppose en effet de pouvoir évaluer aussi les possibilités de valorisation du site, c’est-à-dire l’évolution de la démographie et des activités humaines, et le potentiel de demande par habitant.
Avant de décider de s’implanter dans une zone, il est donc indispensable d’envisager la manière dont sa population, sa structure et les types d’activités qui vont contribuer à son développement risquent d’évoluer au cours des prochaines années.
Notamment en évaluant l’incidence des flux, liés au travail et aux achats, sur le chiffre d’affaires. Sans oublier les flux complémentaires, comme les touristes, qui ne sont pas recensés par les chiffres officiels et qui ne sont pourtant pas à négliger : dans certains cas, le chiffre d’affaires provient pour un quart de la population résidente proche et pour les trois autres quarts, de la population de passage. Cela est notamment le cas pour des officines situées à proximité de gares, de grands magasins ou du littoral.
Analyse et prospective.
Par ailleurs, les structures urbaines et péri urbaines allant du quartier, voire de l’iris, à la commune et à la communauté d’agglomération sont de plus en plus diversifiées et différenciées, d’où une discordance croissante entre implantation de la demande et implantation officinale, aboutissant à la fois à des surconcentrations officinales et à des zones ou quartiers en grande déshérence. On comprend ainsi que l’évaluation d’un site nécessite une connaissance très précise de la géographie des populations et de leur profil, de même que de la mobilité liée à la résidence, au travail, au passage, à certains pôles particuliers : prescripteurs, maison de retraite, centre commercial, école… Les potentiels de chiffre d’affaires de chaque zone ou quartier, illustrés en cartographies, prendront en compte profil et comportement de chaque segment de population, ainsi que l’incidence des concurrences proches.
En outre, les besoins pharmaceutiques sont très variables selon le profil d’un individu : son âge, ses activités, son pouvoir d’achat, son environnement familial ou son niveau de formation et d’information. Chacune de ces caractéristiques, qui peuvent désormais être quantifiées, intervient dans le niveau de demande d’une personne. « Leur analyse relève de la sociologie des comportements conduisant à une hiérarchisation des besoins », note Roger Remery. Les clients sont par exemple d’autant plus préoccupés par les aspects de prévention qu’ils ont un niveau d’éducation et d’information élevé, De même, on sait que les jeunes, à faible pouvoir d’achat, peuvent avoir des cadences d’achat plus rapides, mais avec des faibles montants et une moindre fidélité. Quant au plus de soixante ans, leur consommation en médicaments est de quatre à six fois plus élevée que celle de l’ensemble des tranches d’âge.
Pour chaque quartier peut ainsi être défini un coefficient traduisant l’incidence de l’ensemble de ces facteurs sur le niveau de demande, de l’ensemble des médicaments ou de telle classe particulière. Ainsi, une zone comportant mille habitants s’avérera comme ayant les besoins équivalents à ceux de 1 500 habitants français moyens (EFM). La comparaison pour un quartier du potentiel exprimé en population équivalente et de la présence officinale donnera une première approche de la marge de chiffre d’affaires susceptibles d’être prise en compte par une nouvelle implantation.
Des données quantitatives et qualitatives.
« Pour réaliser nos études, nous utilisons trois principales sources d’informations », explique Roger Remery.
D’abord l’ensemble des bases de données économiques et sociologiques locales provenant pour partie de l’Insee et concernant les profils des populations, leur mobilité, le poids relatif des résidents et des non-résidents (secondaire, tourisme…).
La seconde source d’informations est dans l’analyse permanente des comportements observés à travers les études sur le budget des ménages, les profils de consommation de telle ou telle famille de produits.
Enfin, le fichier client de l’officine, permettant à l’occasion de chaque passage en officine de situer géographiquement grâce au GPS sa géographie, sa fréquence de visite, le montant acheté, et cela selon l’âge, la taille de la famille, l’éloignement par rapport aux différentes concurrences… Ces données sont traitées à travers les logiciels de data screening permettant de dégager les facteurs majeurs de niveau de demande. Les mêmes analyses sont désormais possibles à travers les outils développés en officine en vue de fidéliser le client. Se dégagent ainsi l’incidence sur la demande de tel produit d’une image davantage bio, de commerce équitable, ou d’innovation…
Par ailleurs, l’analyse comparative d’une année à l’autre permet à la fois de conforter les tendances d’évolution prévues, et d’orienter les actions, l’animation, le suivi de la fidélisation.
Mais l’ensemble de ces données et de ces simulations doit intégrer aussi au final l’ensemble des observations locales sur les offres concurrentes et l’image en découlant. De même doivent être appréciés les risques pouvant découler de telles ou telles modifications des infrastructures de communication ou commerciale, ou concernant les projets visant la concurrence ou des implantations commerciales importantes.
Seule cette synthèse du qualitatif et du quantitatif permettra de réduire les risques de jugements erronés.
De toutes façons, un quelconque calcul prévisionnel doit impérativement s’accompagner d’un suivi visant à contrôler l’écart entre prévisions et réalisations. « On évitera ainsi des erreurs d’estimations souvent considérables » insiste le dirigeant d’EMS.
› CHARLES DUCROUX
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