L’attente est longue pour toutes celles et tous ceux qui espèrent un assouplissement des règles de communication et de publicité imposées aux pharmaciens.
L’interdiction de communiquer en dehors de la pharmacie est un frein au développement des outils de communication digitale dont les pharmaciens pourraient se servir afin de faire connaître leurs compétences. Il y a bien des initiatives prises, mais elles se sont faites sans cadre précis puisque ces règles ne s’adaptent pas au format digital et l’on se contente bien souvent d’extrapolations qui en effraient beaucoup, inquiets de cette zone de non droit. Mais la situation évolue, le Conseil national de l’Ordre des pharmaciens (CNOP) a émis il y a deux ans précisément, un projet de nouvelles règles, révisant ainsi sa position en la matière et plus ouvertes à la communication des compétences et des pratiques professionnelles.
Une étude récente du Conseil d’État conforte les propositions du CNOP et va dans le même sens (voir « Le Quotidien » du 28 juin). La refonte du code de déontologie est donc très attendue, y compris par ceux qui espèrent un développement de la communication digitale en officine. Elle pourrait enfin mettre fin à ce paradoxe qui consiste à demander aux pharmaciens de s’investir toujours plus dans leur rôle de professionnels de santé sans leur en donner les moyens. « Quelle situation ubuesque que cette interdiction de communiquer sur ses compétences, il faut attendre que les patients demandent le service sans facturation ! s’insurge Sophie Gillardeau, consultante indépendante en transformation de la pharmacie. Ils communiquent donc sur les prix et les produits. »
Facebook d’abord
Il reste à savoir si l’État ira dans le sens du CNOP et du Conseil d’État. « C’est vrai, nous ne sommes que sur des hypothèses, et c’est par conséquent un peu difficile d’en parler », admet Olivier Verdure, dirigeant de Pharmonweb. Mais pour lui, la modernisation entreprise par le CNOP est une façon d’anticiper l’évolution prochaine de la réglementation. Et s’il est vrai que le flou juridique qui entoure la communication digitale dans les officines est un véritable handicap pour beaucoup, cela n’empêche pas certains pharmaciens d’y plonger. Car certains prestataires sont formels, ça bouge enfin, après des années durant lesquelles ils ont prêché à tout va, des pharmaciens et surtout des groupements sautent le pas. « Aujourd’hui, les pharmaciens nous appellent, alors que nous les sollicitions jusque-là », témoigne Camille Freisz, présidente de Valwin. Peut-être déjà rassurés par le filet de sécurité que les gestionnaires de contenus sont susceptibles d’apporter : « nous surveillons le contenu des sites Internet et des pages Facebook, nous corrigeons dès lors qu’il y a un contenu problématique », précise Olivier Verdure. Mais au-delà de ça, des pharmaciens saisissent plus volontiers le sujet de la communication digitale, laquelle s’exprime d’abord et beaucoup par l’ouverture de pages Facebook. « Il y a encore deux ans, nos clients nous laissaient prendre la main sur le contenu de leurs pages, mais aujourd’hui, de plus en plus interagissent avec leurs interlocuteurs sur les réseaux sociaux et publient de façon de plus en plus intelligente », témoigne Olivier Verdure. Mieux, de grands groupements se sont emparés des réseaux sociaux et ont créé de véritables communautés. « PharmaVie, Lafayette et Wellpharma ont réussi à attirer des milliers de fans autour de leurs pages Facebook, ajoute Sophie Gillardeau, et ont, à travers ces pages, mené des initiatives intéressantes. »
Certains groupements sont ainsi parvenus à créer une dynamique au sein de leurs communautés en faisant participer les « followers », évoque-t-elle. « Tout en proposant des solutions autour d’un sujet, ces groupements leur ont posé la question, " et vous, quelles sont vos astuces ? " ajoute Sophie Gillardeau, par exemple autour des puces chez les animaux de compagnie ». Autre variante de ce procédé, l’exemple du groupe Lafayette qui a posé des questions à sa communauté Facebook sur le sujet de tétanos, sur leur perception de cette maladie, sur la question de la vaccination. Ces différentes initiatives apportent une image forte à ces groupements.
Maîtriser les jeux-concours
De même, les pharmaciens indépendants ont aussi recours parfois à des opérations de communication efficaces comme les jeux-concours, bien entendu dans le strict respect des règles qui entourent ces pratiques dans la pharmacie, se hâte de préciser Camille Freisz : « la mise en place d’un tel jeu sur une page Facebook ne doit pas pousser à la consommation, ni à utiliser certaines fonctionnalités proposées par le réseau social comme le partage de la page, ni de proposer de lot au-delà d’une certaine valeur, mais une fois ces règles respectées, il est tout à fait possible d’utiliser de tels jeux concours pour informer de nouveaux services proposés sur la pharmacie sur le site Internet, comme la réservation d’ordonnance ou le click & collect », explique-t-elle. Car pour la dirigeante comme pour d’autres prestataires, la nature de la communication digitale est « cross-canale », elle utilise différents supports pour créer une résonance entre eux, supports digitaux ou non d’ailleurs. Une page Facebook ne suffit pas, il faut savoir utiliser le meilleur de chacun des supports dans un esprit de complémentarité. Ce qui conduit l’offre à faciliter l’usage de ces supports, à l’image de Valwin qui permet au pharmacien de rédiger un seul contenu décliné automatiquement sous différentes formes visuelles, sur grand écran pour une communication à l’intérieur de la pharmacie, sur tablette, sur smartphone… Parmi certains usages émergents, citons également celui d’Instagram, très anecdotique pour le moment certes, mais quelques pharmaciens l’utilisent (voir témoignage ci contre). « Il peut être utilisé pour faire rêver par le biais de belles images dans un cadre promotionnel, mais c’est rare, ce n’est pas dans les codes », affirme Sophie Gillardeau.
Donner du rêve
Ce dynamisme de certains groupements et pharmaciens ne doit pas cacher qu’il y a encore beaucoup à faire. Pour ce qui concerne Facebook particulièrement, la consultante souligne les techniques de communication susceptibles d’être plus et mieux utilisées par les pharmaciens, « notamment fournir des informations sur la santé et des conseils, voire des astuces au quotidien pour améliorer sa santé et son alimentation, ou encore donner du rêve à des patients atteints par de lourdes pathologies, aux enfants surtout. La communication des pharmaciens ne porte pas encore assez sur ce qui fait leur principale valeur ajoutée, le médicament et la proximité avec la vie quotidienne. » La santé et Internet font pourtant bon ménage, en témoignent certains sites spécialisés qui rassemblent jusqu’à 100 000 patients. Néanmoins, il ne suffit pas de bien gérer le contenu d’une page Facebook, il faut le faire savoir. Des pharmaciens font de belles formations, prennent en main la gestion d’une telle page mais se retrouvent avec peu de followers tout simplement parce qu’ils ne font pas de communication dans l’officine. « C’est efficace si toute l’équipe en parle et en comprend la finalité, et il s’agit d’en parler, non de façon générale, mais ciblée, concrète, par exemple un suivi diététique pour tel ou tel patient », explique Sophie Gillardeau.
Dépasser la notion de ROI immédiat
Autre usage encore balbutiant, celui des tablettes digitales exposées parfois dans les espaces de ventes. Mais peut-être est-on là dans un des maillons faibles de l’offre, c’est en tout cas l’avis d’Olivier Verdure pour qui les applications proposées sont encore trop rares pour créer une véritable dynamique autour de ces bornes digitales. Certes, on les utilise pour les promotions ou pour l’affichage obligatoire des prix, mais on est très en deçà de ce qu’il est possible d’en faire, de l’interactivité que ces technologies apportent. Des applications arrivent néanmoins, Pharmonweb entend par exemple lancer d’ici la fin de l’année, au plus tard au début de l’année prochaine, un outil basé sur de l’intelligence artificielle pour proposer aux patients des bilans de santé. « Ce sera un moyen de détecter des facteurs de risque en fonction des habitudes de vie des patients et permettra aux pharmaciens d’être des lanceurs d’alerte en quelque sorte, envoyer un patient chez un médecin, lui proposer un entretien pharmaceutique pour améliorer son hygiène de vie », commente Olivier Verdure.
D’une manière plus générale, il faut encore motiver, expliquer, beaucoup de pharmaciens se montrent timorés. L’une des inquiétudes le plus souvent exprimées est liée au ROI (retour sur investissement), comment mesurer un retour sur investissement palpable ? « Une page Facebook ne va pas générer un ROI spécifique, avertit Olivier Verdure, mais génère une image dont les bénéfices sont indirects et difficiles à mesurer. » « Il faut dépasser cette notion de ROI immédiat », ajoute Camille Freisz, qui s’étonne de voir des pharmaciens dépenser jusqu’à 10 000 € pour une croix et tergiverser sur un investissement bien moindre pour la communication digitale. Autre argument fréquemment avancé, le manque de temps. Un argument aussitôt balayé par la dirigeante de Valwin. « Se mettre au numérique n’est évident pour personne, aussi bien pour les pharmaciens que pour les autres professions, ce n’est pas plus dur pour eux que pour autrui et par ailleurs, tout chef d’entreprise doit savoir faire face aux flux auxquels il est confronté. »
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