Une écrasante majorité de pharmaciens est désormais organisée en groupements, plus de 90 % selon certains prestataires informatiques.
D’abord pour faciliter et optimiser les achats, mais aussi pour bénéficier de services que seules des économies d’échelle peuvent permettre d’obtenir. Parmi eux, le digital a pris une importance singulière. Face à la pléthore d’outils proposés par les désormais très nombreux acteurs actifs sur le marché de la pharmacie d’officine, face aussi à l’impact du digital sur l’évolution de leur métier, les pharmaciens bottent en touche et confient souvent tout ou partie de leur orientation technologique aux groupements. « Souvent, quand on essaie de mettre quelque chose en place avec une pharmacie, celle-ci nous renvoie à son groupement en nous disant " voyez ce qu’ils proposent " », témoigne Paul Rohmer, responsable grands comptes de Valwin. « C’est le groupement qui prend alors la décision. »
Les acteurs de l’informatique officinale et du digital le prennent désormais en compte et les offres à destination des groupements se multiplient depuis deux ou trois ans. Un phénomène relativement récent donc, qui se fait aussi sous l’impulsion d’une conjoncture plus difficile, selon Stéphane Romany, directeur commercial groupements chez Smart Rx. « Les relations avec les laboratoires se sont durcies, cela oblige les groupements à s’équiper en systèmes informatiques pour disposer de données précises aussi bien à leur niveau de groupement qu’au niveau du marché national , explique-t-il.Souvent les laboratoires apportent les données quand ils abordent la négociation, en les présentant à leur avantage ou au détriment des groupements, d’où la nécessité pour ces derniers de disposer aussi de données afin de rétablir l’équilibre. »
Stratégie d’enseigne et politique digitale
Les solutions proposées s’adaptent, ou doivent s’adapter, au profil et à la stratégie des groupements, que l’on peut résumer très schématiquement entre ceux qui ont une véritable stratégie d’enseigne et de ce fait ont besoin d’une politique digitale unifiée et ceux qui, plus « élastiques » se contentent de centraliser les achats, voire quelques autres fonctions de l’officine, mais laissent le reste aux mains des pharmaciens, en tenant le rôle le cas échéant de facilitateur en matière digitale. Faut-il dans les différents cas un dénominateur commun informatique afin de dépasser l’hétérogénéité des systèmes informatiques adoptés par les différents adhérents d’un groupement ? On pense forcément aux LGO qui structurent l’informatique des pharmaciens, « là où les principales informations se trouvent, c’est la clé de voûte », rappelle Jérôme Escojido, cofondateur de Médiprix. De fait, rares sont ceux qui demandent à leurs adhérents de s’aligner sur un seul LGO, Médiprix en fait partie, Giphar également, quelques autres peut-être, mais la plupart laisse le choix à leurs adhérents – un choix qui reste emblématique pour les pharmaciens lesquels veulent garder la main sur cette décision stratégique. Tout dépend de la centralisation voulue par le groupement et des missions qu’il se donne, ou qu’on lui donne.
Pour Olivier Verdure, directeur de Pharmonweb, s’interfacer avec le LGO est indispensable pour tout ce qui est ventes en ligne et cartes de fidélité. Hors ces tâches, l’interopérabilité avec les LGO n’est pas nécessaire, selon lui. Mais il est des cas autres où néanmoins l’hétérogénéité des équipements peut poser problème. David Derisbourg, responsable marketing de Léo, évoque l’exemple des tests antigéniques. « La mise en place de ces tests nécessite la mise à disposition d’un document expliquant comment les facturer, si le groupement travaille avec 4 LGO différents, il va falloir 4 documents différents. » S’il est vrai que les pharmaciens sont attachés à la liberté de déterminer quel sera leur LGO, une certaine tendance va vers un choix plus restreint au sein des groupements, « entre deux ou trois éditeurs, en général les plus gros », ajoute-t-il.
L’éternelle question de l’exploitation des données
L’interopérabilité avec les LGO bute sur l’éternelle question de la gestion et de l’exploitation des données au sein des pharmacies, et donc des groupements. Question délicate, stratégique pour certains, relativement mineure pour d’autres, sans doute liée au positionnement de chaque prestataire. Pour Smart Rx, c’est un sujet essentiel. « Pour une vraie stratégie d’enseigne, il est important de collecter des informations afin de piloter des opérations de trade marketing par exemple , explique Stéphane Romany. Comprendre pourquoi telle opération marche mieux dans une pharmacie que dans une autre… L’analyse des données peut aussi conduire à rationaliser une stratégie, sélectionner des laboratoires pour créer une compétition sur des marchés ainsi massifiés. »
Mais l’éditeur insiste aussi sur l’importance de la sécurité des données, notamment celles du patient, très protégées légalement. La clé est l’usage d’un extracteur de données, ce que Smart Rx peut faire avec Santéstat, également filiale du groupe Cégédim. Laquelle se charge de collecter et centraliser les données… Avec le consentement des pharmaciens, par le biais de la signature électronique. Autre point de vue, très différent, celui de Christophe Perget, directeur de Digitec Pharma : « le travail avec les LGO ne permet pas d’identifier la patientèle, il le faut pourtant pour mieux la connaître. » La start-up a créé une plateforme de CRM (gestion de la relation clientèle) afin de mieux évaluer la consommation des patients et des clients. « Nous donnons la possibilité aux groupements d’avoir des statistiques dans une logique de pilotage, sans toucher aux données confidentielles abritées par les pharmacies », ajoute Christophe Perget.
Sur-mesure ou offres modulaires ?
Un autre curseur important pour les prestataires qui adressent directement leurs offres aux groupements est de déterminer la proportion de sur-mesure dont leurs clients ont besoin. Les grands groupements ont souvent leurs propres services à qui ils demandent des développements idoines (lire l’interview de Jérôme Escojido ci-contre), mais ils ont besoin aussi de solutions plus standardisées, c’est encore plus vrai pour les groupements de taille moyenne ou petite. Pour certains éditeurs, on est majoritairement dans le sur-mesure, c’est le cas de Léo : « c’est un travail de cocréation avec le groupement sur les sujets majeurs qui le préoccupent, favoriser les achats de ses adhérents auprès de lui, faire en sorte que tout passe par ses flux, de l’animation jusqu’aux canaux de communication sans oublier des points également importants, comment celui de mettre en avant le catalogue du génériqueur auquel il est souvent rattaché », explique David Derisbourg.
D’autres évoquent une sorte de mix, à l’image de Valwin, dont la démarche consiste d’abord à comprendre quels sont les enjeux auxquels font face les groupements, puis y répondre en mettant en place différentes briques, « c’est un mélange entre modularité et sur-mesure », confie Virginie Roche, responsable du pôle marketing et communication de l’entreprise. La modularité des offres va volontiers concerner un des services majeurs attendus par les groupements, la gestion des plans trade, des opérations commerciales. « Installer trois têtes de gondoles par exemple, pour telle campagne, avec envoi de photos et reporting pour générer un bilan par groupes et sous-groupes de pharmacies », évoque Paul Rohmer (Valwin).
Au-delà de ces campagnes, l’accent est mis aussi sur la gestion de la communication des groupements vis-à-vis des adhérents et de celle-ci vis-à-vis des pharmacies, via les réseaux sociaux par exemple. Parmi les sujets mis en avant par les prestataires informatiques, citons également la problématique des cartes de fidélité, « très courantes désormais dans les pharmacies, lesquelles refusent la double saisie, nous faisons en sorte de leur mettre des outils à disposition pour les gérer, mais la difficulté réside dans la multiplicité des intervenants puisque sont intégrés dans la démarche des spécialistes des cartes de fidélité », explique David Derisbourg. Ajoutons à cela le grand sujet du moment, la prise de rendez-vous en ligne pour la gestion des tests antigéniques et de la vaccination, certes, liée à une situation particulière qu’on espère exceptionnelle, mais qui a pourtant quelque chose de vraiment structurant selon Olivier Verdure (Pharmonweb) : « c’est un outil qui deviendra vite indispensable puisqu’il servira aussi pour d’autres nouvelles missions du pharmacien, les BPM, les entretiens pharmaceutiques, etc. »
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