Les probiotiques dits classiques (levures issues de l’environnement telles que lactobacilles, bifidobactéries) sont couramment conseillés au comptoir dans diverses situations : dans la prévention de diarrhées suite à la prise d’antibiotiques ou dans le syndrome de l’intestin irritable (dans lesquels les indications sont validées), mais aussi dans la mycose vaginale ou dans la prévention de pathologies hivernales.
Aujourd’hui, la recherche s’intéresse aux probiotiques de nouvelle génération : « Contrairement aux probiotiques classiques, ces micro-organismes viennent du microbiote intestinal. Ils sont sélectionnés pour leurs effets biologiques, et, s’ils sont plus difficiles à étudier du fait de leurs conditions de culture exigeantes, on attend d’eux des effets beaucoup plus puissants que ceux des probiotiques classiques », explique le professeur Harry Sokol*.
MICI
Des dysbioses associées aux MICI (maladie de Crohn, rectocolite hémorragique) ont été décrites (déficit en certaines bactéries anti-inflammatoires comme Faecalibacterium prausnitzii…). Ainsi, parallèlement à une stratégie éventuelle de transplantation fécale, la bactérie Faecalibacterium, représentant 5 % du microbiote et présente chez tout le monde, a pu démontrer son rôle anti-inflammatoire dans l’inflammation intestinale chez l’animal. Aujourd’hui, des essais cliniques de phase I/II sont en cours chez des patients atteints de la maladie de Crohn en vue d’élaborer un médicament.
Obésité et diabète de type 2
Les données font apparaître de plus en plus clairement le fait que le microbiote intestinal joue un rôle dans la genèse des maladies cardio métaboliques. Il a par exemple été décrit que l’implantation d’un microbiote intestinal d’un sujet diabétique vers une souris de laboratoire lui confère la maladie diabétique dans une certaine mesure.
Divers mécanismes sont invoqués : augmentation de la proportion des bactéries pro-inflammatoires dans l’intestin et notamment de celles produisant du LPS, ce qui favorise l’installation d’une inflammation chronique à bas bruit et l’apparition d’une insulinorésistance ; relation directe entre certaines bactéries intestinales et la réduction de la production d’IL7 (pro-inflammatoire) uniquement chez les personnes diabétiques de type 2 ; rôle déterminant de certains métabolites bactériens dans le développement du diabète de type 2…
La bactérie Akkermansia a déjà été identifiée pour ses effets dans l’obésité (avec à ce jour un essai clinique court sur un petit nombre de patients).
Dans le projet Prodiadiab, les chercheurs de l’équipe INSERM de Lyon ont découvert que la metformine modifie la composition du microbiote intestinal (modification nécessaire à l’action bénéfique de la molécule) et que la bactérie Bafa, commensale, améliore la tolérance au glucose et serait capable de reproduire une partie des effets de la metformine dans l’intestin. Si tel est le cas, le probiotique pourrait être un complément à la metformine pour un effet synergique et une diminution des doses de metformine.
Cancers
Ce type d’approche complémentaire est aussi étudié comme stratégie dans le cancer : ainsi, des données expérimentales ont montré que Faecalibacterium et Akkermansia améliorent l’efficacité de l’immunothérapie chez la souris et des études sont désormais en cours dans différents cancers pour confirmer qu’elles pourraient être des bactéries candidates pour aller booster la réponse à l’immunothérapie.
Et les autres maladies ?
On retrouve des études précliniques dans de nombreux domaines : maladie de Parkinson (avec par exemple des niveaux réduits de Prevotellaceae, bactérie productrice d’acides gras à chaîne courte (AGCC), notamment de butyrate qui est neuroprotecteur), sclérose latérale amyotrophique ou maladie de Charcot (une équipe de chercheurs canadiens étudie aujourd’hui Lacticaseibacillus rhamnosus HA-114 après avoir démontré qu’elle permettait de prévenir la neurodégénérescence chez le ver C. elegans (en fournissant des acides gras qui rééquilibrent le métabolisme énergétique défaillant dans la SLA), maladies psychiatriques (anxiété, dépression)…
Mais, comme le nuance le Pr Harry Sokol : « Actuellement, un foisonnement de données nous laisse penser que le microbiote intestinal est responsable de tout. On retrouve ainsi des études sur différentes pathologies. Mais attention : en dehors des études réalisées sur les MICI, les maladies métaboliques et le cancer, les données sont encore à l’état de données précliniques et sont très parcellaires et superficielles. Et il ne faut pas oublier que le microbiote intestinal n’est qu’un acteur parmi d’autres ! »
* Professeur de gastroentérologie à l’hôpital St Antoine/Sorbonne université et auteur de la bande dessinée « Les extraordinaires pouvoirs du ventre : un fabuleux voyage à la découverte de notre microbiote », 10/22, Éditions De Boeck Supérieur.
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