On a, il fut un temps, trop vite tiré des conclusions quant au rôle d’un excès de sébum dans les maladies cutanées localisées dans les territoires riches en glandes sébacées, alors qu’il ne s’agissait que du rôle du sébum hors une hypersécrétion. Ainsi les régions médiofaciales, médiothoracique ou médio-dorsale, réputées pour contenir un nombre important de glandes sébacées, sont qualifiées de séborrhéiques.
La DS n’est en fait ni plus ni moins qu’une levurose, c’est-à-dire une mycose due à une levure du genre malassezia.
Ses aspects cliniques
La forme de l’adulte est bien différente de celle des enfants. Le visage est la localisation la plus fréquente. Elle touche le plus souvent les hommes adultes, depuis la fin de la puberté jusqu’au début de la cinquantaine. À cet âge une autre dermatose peut prendre le relais, à savoir la rosacée. La DS chez un adulte peut être ou ne pas être liée ou associée à un vécu stressant.
La DS se présente sous la forme de plaques érythémateuses recouvertes de petites squames grasses dans les zones médiofaciales telles que sillons naso-géniaux, les sourcils, la glabelle, la lisière antérieure du cuir chevelu… Dans les formes étendues, il peut y avoir une atteinte du menton et des bords ciliaires des paupières (blépharite séborrhéique).
L’atteinte du cuir chevelu doit être cherchée systématiquement par le questionnement, car sa présence apporte une aide au diagnostic des lésions de la face. Elle peut cependant être isolée. Dans les formes peu sévères, le cuir chevelu est recouvert de petites squames non adhérentes, réalisant au minimum un état pelliculaire ou pityriasis capitis. En général, les lésions sont faiblement symptomatiques (prurit, voire sensation de brûlure possible). Dans les formes sévères, il existe un aspect de casque engainant des touffes de cheveux (pityriasis amiantacé).
L’atteinte du tronc réalise un aspect plus conventionnellement observé au cours des mycoses, avec une distribution circinée des rougeurs à type de plaques annulaires avec des squames, se localisant typiquement sur la face antérieure du thorax (région présternale).
Mais aussi elle peut prendre un aspect de folliculite. Une atteinte des zones pileuses et des régions génitales est possible, tout comme l’atteinte du conduit auditif externe, à l’origine d’un prurit, voire des lésions de grattage. Le rebord ciliaire peut être affecté sous forme d’une blépharite ciliaire constituée de squames grasses, autour des cils avec une base érythémateuse.
DS du nouveau-né et du nourrisson
Elle débute très précocement, avant même la dermatite atopique, après la 2e semaine de vie des nouveau-nés. Dans les formes typiques : l'aspect est celui de croûtes jaunes du cuir chevelu (croûtes de lait) et du visage ; une dermite du siège et des squames grasses des plis axillaires sont possibles.
Dans les formes étendues et extensives : une érythrodermie (dite de Leiner-Moussous) peut survenir.
Formes cliniques selon le terrain
La DS, comme bon nombre de maladies dermatologiques, réalise un signe d’appel vers d’autres pathologies d’autres organes ou générales. Ainsi elle pourra guider vers un diagnostic de maladie de Parkinson chez un malade akinétique. Elle s’observe chez les alcooliques chroniques, probablement par des mécanismes carentiels. La DS chronique est aussi un marqueur de pathologies telles que les carcinomes des voies aéro-digestives supérieures.
La DS survient dans 40 % des cas chez les sujets VIH séropositifs, et jusqu'à 80 % des cas chez les malades au stade SIDA. Une DS grave et/ou chronique, doit conduire à réaliser un test de dépistage du VIH.
Distinction avec d’autres dermatoses du visage et du cuir chevelu
Il est bien difficile de distinguer une DS d’un psoriasis sur le cuir chevelu ou le visage. C’est en faisant un examen général que l’on trouvera les marqueurs cutanés du psoriasis.
Dermatite atopique : chez le nourrisson, une érythrodermie de Leiner-Moussous pourrait constituer un mode de début d'une dermatite atopique ou d'un psoriasis. Le rôle des facteurs étiologiques de l’une ou l’autre affection doit être soulevé (intolérance au lait…).
Traitement
Il se fonde sur deux aspects essentiels : les antifongiques, considérant que cette maladie est une mycose à levure, en d’autres termes une levurose, et les anti-inflammatoires.
La toilette se fera avec une base lavante douce. Pyrithione Zinc ou Piroctone-olamine sont des molécules intégrées dans de nombreux shampooings utilisés couramment dans le traitement de la DS du cuir chevelu.
Les antimycosiques possédant une activité anti-inflammatoire conjuguée à leur action anti-infectieuse sont de ce fait le plus souvent utilisés seuls.
Le kétoconazole a été la première molécule à faire la preuve de son efficacité dans le traitement de la DS en 1985. De plus le kétoconazole shampooing est bien toléré.
Utilisation en pratique des antimycosiques dans la DS :
Kétoconazole (Kétoderm gel moussant, Kétoderm crème). Le Kétoderm gel moussant a l’indication « traitement de la dermatite séborrhéique de l’adulte » (sans indication sur la topographie). Le Kétoderm crème n’a pas, pas plus que les autres imidazolés, l’indication DS. Cette forme galénique est cependant utilisée en pratique courante.
La ciclopiroxolamine (CPA) est utilisée aussi sous différentes formes galéniques dans cette affection (Mycoster crème, Sebiprox shampooing). Le Mycoster crème (1 %) a une indication officielle dans le traitement de la DS légère à modérée du visage. Le shampooing Sebiprox (1,5 %) a une indication dans la DS du cuir chevelu.
Ainsi les antifongiques locaux contenant un dérivé imidazolé ou de la ciclopiroxolamine représentent les thérapeutiques de base.
Dermocorticoïdes :
L’usage des dermocorticoïdes locaux de classe II ou III n’est pas contre-indiqué. Car en cas de DS invalidante, c’est la seule façon d’avoir un résultat rapide. Cependant, les utiliser seuls, sans recourir à des antifongiques peut entraîner un effet rebond.
Pour éviter le risque de corticodépendance, les dermocorticoïdes doivent être utilisés sur de courtes périodes, en début de traitement. Seule l’hydrocortisone crème a l’AMM en France dans cette indication. Selon certains auteurs, la place des DC doit donc être réservée à des formes très inflammatoires et symptomatiques.
Lithium :
Les mécanismes d’action des sels de lithium dans la DS conjuguent des effets anti-inflammatoires et antifungiques. En pratique, le Lithioderm gel 8 % est indiqué dans le traitement de la DS du visage de l’adulte immunocompétent quelle qu’en soit la sévérité (2 applications par jour). Le passage systémique est considéré comme faible.
Autres traitements topiques :
Métronidazole gel à 0,75 %. Les résultats sont contradictoires.
Peroxyde de benzoyle : cette molécule a fait la preuve dans 2 études d’une efficacité supérieure au placebo. Cette molécule n’a cependant pas l’AMM dans l’indication DS. Le rôle de malassezia n’étant pas exclu dans certaines acnés, l’effet positif de peroxyde de benzoyle permet de couvrir cette levure le cas échéant.
Inhibiteurs de la calcineurine (tacrolimus, pimecrolimus). Ils n’ont pas l’AMM dans l’indication DS. Le pimecrolimus a une action comparable à celle du ketoconazole crème à 2 % mais une tolérance moins bonne. Il est supérieur au métronidazole topique (gel à 0,75 %) et à l’acéponate de méthylprednisolone 0,1 % crème.
Le tacrolimus (Protopic) 0,1 % a montré une efficacité comparable à celle d’un topique de bêtaméthasone.
Nous verrons que dans les formes sévères, on peut, voire on doit avoir recours à un traitement systémique.
Dans la grande majorité des cas, le traitement est presque toujours local d’une durée de 15 jours minimale pour les antifongiques afin d’asseoir leurs effets en profondeur au sein des follicules pilo-sébacés.
Quant aux corticoïdes locaux, leur utilisation sera limitée au temps nécessaire de quelques jours à peine, pour faire disparaître les rougeurs.
Traitements systémiques :
Antifongiques par voie générale. Le recours à un traitement par antimycosiques par voie générale peut être proposé lors des DS profuses, parfois chez l’immunodéprimé (infection par le VIH notamment) souvent après échec des topiques.
Isotrétinoïne. Il n’y a pas d’études contrôlées évaluant l’action de l’isotrétinoïne dans la DS. L’isotrétinoïne per os n’a pas l’AMM dans la DS. Avec des posologies faibles l’isotrétinoïne est d’un grand secours chez des malades porteurs de DS chroniques, d’évolutivité fluctuante, pouvant nuire à leur activité professionnelle.
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Françoise Amouroux
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