L’idée avait à peine été émise, en septembre 2018, par la ministre de la Santé de l’époque, Agnès Buzyn, que la profession s’y était fermement opposée. Le principe : rembourser le princeps sur la base du générique lorsque le patient refuse la substitution sans justification médicale. L'objectif était de ne pas faire supporter à la collectivité, sans raison médicale, l’écart de prix entre médicament d’origine et générique.
D’une part, l’idée de faire peser un reste à charge sur les patients n’a pas été accueillie à bras ouverts par les pharmaciens qui voyaient déjà les mentions non substituable (NS) proliférer sur les ordonnances. D’autre part, le risque était d’inciter les laboratoires de princeps aligner leurs prix sur ceux des génériques (TFR généralisé), tuant ainsi toute justification de l’utilisation du générique et menant à terme à la mort du générique. Les multiples alertes répétées alors par les syndicats de pharmaciens et l’association des laboratoires de génériques (GEMME) n’ont pas eu l’effet escompté. L’article 66 a été validé dans la LFSS pour 2019, avec une entrée en vigueur au 1er janvier 2020, assorti de nouvelles règles d’utilisation de la mention NS.
Effets pervers
« L’USPO a pris l’initiative de contacter tous les acteurs pour modifier l’article 66 qui ne convient à personne. Le GEMME n’a pas répondu à cette sollicitation et n’a donc pas ratifié le document signé par France Assos Santé, le LEEM, l’USPO et la FSPF », regrette Gilles Bonnefond, président de l’Union des syndicats de pharmaciens d’officine (USPO). Dans un courrier commun adressé fin septembre au ministre de la Santé, Olivier Véran, les quatre signataires insistent sur l’effet des nouvelles règles : une augmentation des ordonnances utilisant la mention NS pour contre-indication formelle (CIF) sans raison valable et une incitation des médecins à prescrire en nom de marque, allant à l’encontre de leur obligation de prescription en DCI. Dans ce cadre, ils demandent « l’abrogation du principe de remboursement du princeps sur le générique en cas de refus de substitution », ainsi qu’un contrôle actif par l’assurance-maladie des mentions NS utilisées.
Pour l’heure, cet article 66 signe la fin administrative du droit de substitution du pharmacien. Et l’impact économique à terme ne sera pas neutre pour l’officine, relève Philippe Besset, président de la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF). « On a été piégé dans cet article 66, il faut qu’on arrive à en sortir. »
Fin de la ROSP générique ?
Bien que les nouvelles règles aient mécaniquement entraîné une baisse globale de l’utilisation de la mention NS depuis janvier dernier et des effets économiques positifs pour l’officine, ce n’est qu’une « façade », explique Jean Loaec, directeur stratégie et développement chez Mylan. D’une part, à chaque fois qu’un médicament passe en tarif forfaitaire de responsabilité (TFR), « ce n’est pas le génériqueur qui perd puisque le prix fabricant hors taxe ne bouge pas, c’est le prix public hors taxe qui trinque, donc la marge du pharmacien ». À ce jour, 450 des 1 100 médicaments au répertoire sont sous TFR. D’autre part, si la substitution devient mécanique et sans l’intervention du pharmacien, la rémunération sur objectifs de santé publique (ROSP) dédiée, déjà réduite en quelques années de 160 millions d’euros à 65 millions d’euros, pourrait bien disparaître.
Le courrier commun des laboratoires, syndicats et patients n’a, pour le moment, pas suscité de réponse de la part du ministre de la Santé. De même, le PLFSS 2021 ne comporte actuellement aucun article visant les modifications espérées. L’USPO prévient que la profession n’a pas dit son dernier mot et espère bien voir apparaître un amendement lors des examens parlementaires.
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