Pour Philippe Besset, président de la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF), le compte n’y est pas. Et tant s’en faut. Alors que l’officine a fait l’unanimité durant le confinement et au-delà, en restant le seul espace de santé de proximité ouvert et accessible, et en cumulant un grand nombre de missions exceptionnelles pour garantir la continuité des soins, elle est non seulement oubliée des revalorisations salariales, mais aussi sanctionnée économiquement pour l’exercice 2021.
« Le Ségur de la santé, qui est en fait un Ségur de l’hôpital, a abouti à une revalorisation – nécessaire – des métiers de l’hôpital. Il nous a alors été dit que le cas de la médecine de ville, et donc de la pharmacie d’officine, ferait l’objet d’un dialogue conventionnel lors de négociations interprofessionnelles et monoprofessionnelles ; ces discussions ont commencé fin septembre », explique Philippe Besset. Et les attentes sont fortes.
Sur l’interprofessionnalité des soins de ville, l’organisation territoriale en temps de crise fait partie des sujets forts, associée à une dimension numérique. « Il faut en priorité que le dossier médical partagé (DMP) soit enfin accessible à l’officine. Les textes le prévoient mais, en pratique, l’informatique ne le permet pas et c’est insupportable. » En second lieu, il convient de se préparer à la prescription électronique, qui devrait se déployer en 2021. Enfin, la télé-expertise devrait s’ouvrir à tous les professionnels de santé, et donc aux pharmaciens. Quant aux négociations conventionnelles concernant exclusivement l’officine, elles visent notamment à pérenniser et adapter les missions exceptionnelles mises en place pendant la crise comme la dispensation des médicaments hospitaliers, le renouvellement des prescriptions par voie dérogatoire ou le portage à domicile.
Effort de guerre sanitaire
Mais ces chantiers en cours doivent aussi prendre en compte ce que la FSPF désigne comme « des sanctions financières » pour 2021 : la baisse de l’honoraire complexe, le déremboursement de l’homéopathie, le raccourcissement du délai d’écoulement des stocks de 30 à 18 jours, ainsi que les baisses de prix sur le médicament et le dispositif médical prévues au projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2021. « Au total, l’impact de l’ensemble de ces mesures sur l’économie de l’officine s’élève à 285 millions d’euros, une perte moyenne de 1 100 euros par mois pour les 22 000 officines restantes sur le territoire, qui va peser sur les ressources des 26 500 pharmaciens libéraux et obère les perspectives d’évolution salariale des 120 000 salariés de l’officine, préparateurs et pharmaciens adjoints », s’insurge Philippe Besset.
Le président de la FSPF souligne que les pharmaciens ont pris toute leur part dans « l’effort de guerre sanitaire » sans espérer de récompense, mais ne s’attendaient pas pour autant à une sanction. « Ceci est d’autant plus incompréhensible que les pharmaciens voient leurs missions s’enrichir ou s’élargir, notamment en termes de prévention. Des missions qui demandent une disponibilité considérable et, pour certaines d’entre elles, des investissements matériels souvent conséquents. » En outre, si l’avenant 11 a permis de compenser une partie des baisses de prix en 2018, en 2019 et en 2020, ce n’est plus le cas en 2021, note Philippe Besset, qui rappelle que la FSPF n’a pas été signataire de cet avenant pour des raisons économiques.
Contestation
Décidée à « ne pas laisser faire », la Fédération annonce qu’elle va passer à la contestation. Elle réclame non seulement la restitution des 285 millions d’euros de sanctions financières sur 2021, mais également une enveloppe de 200 millions d’euros pour la revalorisation des salariés de l’officine, ce qui permettrait une augmentation de 90 à 100 euros nets pour chaque collaborateur. Soit un total de 485 millions d’euros. Elle demande également qu’une étude d’impact de la loi de financement de la Sécurité sociale (LFSS) pour 2020 et du PLFSS 2021 sur l’économie de l’officine soit fournie au Parlement « afin que soient prises les mesures correctives nécessaires ».
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