Une responsabilité disciplinaire…
La responsabilité disciplinaire sanctionne un manquement, par le pharmacien, à ses obligations professionnelles et déontologiques prévues par le code de la santé publique. Les articles R.4235-1 et suivants constituent le code de déontologie qui s’impose à tous les pharmaciens. Lorsque sa responsabilité disciplinaire est engagée, l'adjoint est jugé par ses pairs : la chambre de discipline du conseil central de la section D en première instance et la chambre de discipline du conseil national, en appel.
En pratique, diverses personnes peuvent adresser une plainte devant le président de conseil de l'Ordre à l'encontre du pharmacien adjoint : un patient, un autre pharmacien, les directeurs de l’agence régionale de santé (ARS) et de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM), ou encore, le procureur de la République. « Le pharmacien adjoint dispose d'une responsabilité disciplinaire qui lui est propre. Cette responsabilité l'engage pour des faits qu'il a personnellement commis. Ainsi, en cas de faute disciplinaire, la responsabilité de l'adjoint sera recherchée, et ce quel que soit le rôle du pharmacien titulaire dans la commission de la faute. En d’autres termes, l'adjoint ne pourra se cacher derrière le titulaire pour exonérer sa responsabilité », souligne Me Guillaume Fallourd, avocat spécialisé dans le droit de la pharmacie.
De multiples faits peuvent entrer dans le champ de la faute disciplinaire : la violation du secret professionnel, un comportement inadéquat vis-à-vis de la clientèle ou d'un confrère… Selon sa gravité, la faute disciplinaire peut donner lieu à plusieurs types de sanctions : avertissement, blâme, suspension et interdiction d’exercer la profession de pharmacien de façon temporaire (ferme ou avec sursis) ou définitive. « Comme l'infraction pénale, la faute disciplinaire comporte trois éléments que le juge ordinal doit caractériser : un élément légal, un élément matériel et un élément moral (intentionnel). Ce dernier point est important : pour qu'il y ait faute disciplinaire, les plaignants doivent prouver que l'adjoint a manqué de façon intentionnelle à ses obligations », précise Me Fallourd.
...pénale…
La responsabilité pénale sanctionne un fait (volontaire ou non) ayant troublé l’ordre public, qu’il ait ou non entraîné un préjudice pour un tiers. Selon le type d'infraction commis, l'adjoint peut encourir une peine d’amende ou/et d’emprisonnement. Deux grandes catégories d’infractions peuvent être commises : celles générales prévues par le Code pénal (mise en danger délibérée de la vie d’autrui, non-assistance à personne en danger…) et celles spécifiques relevant du code de la santé publique : vente d’un médicament sans AMM, importation de médicaments falsifiés, non-signalement d’un effet indésirable grave…
Exemple : le 11 janvier 2001, une affaire concernant un adjoint ayant délivré des cigarettes Legras (à base de datura, une plante hallucinogène) sans ordonnance, à deux mineurs, a fait jurisprudence. Après avoir utilisé les cigarettes en infusion, les jeunes s'étaient noyés dans la fontaine du jardin du Luxembourg. « L'adjoint a été condamné à une peine d’emprisonnement pour violation manifeste et délibérée d'une obligation de prudence et de sécurité », relate Me Fallourd.
Rappelons que le pharmacien titulaire a une obligation de surveillance sur ses adjoints. « Ainsi, nous avons tendance à penser, à tort, qu'une faute commise par l'adjoint est « couverte » par le titulaire. Il n'en est rien : la responsabilité pénale, tout comme la responsabilité disciplinaire, est personnelle. En cas d'infraction de la part de l'adjoint, sa responsabilité sera recherchée. Car il bénéficie de compétences scientifiques équivalentes au titulaire. Néanmoins, la responsabilité du titulaire pourra également être engagée si le plaignant arrive à prouver que celui-ci n'a pas assuré son devoir de surveillance sur son adjoint. En pratique, cela vient alors atténuer la responsabilité de l'adjoint. Le juge pourra, en effet, affirmer que la faute de l'adjoint aurait pu être évitée si le devoir de surveillance du titulaire avait été effectif », souligne Me Fallourd.
En l'absence du titulaire (pause déjeuner, vacances…), c'est l'adjoint qui est chargé du contrôle de l'officine : sa responsabilité peut être donc engagée en cas d'infraction commise par un membre de l'équipe officinale. « Un jugement du tribunal correctionnel de Nice avait condamné exclusivement le pharmacien adjoint qui, en l'absence du titulaire, avait laissé un employé de l’officine délivrer un médicament alors que ce dernier n’avait pas la qualification pour le faire. Les responsabilités pénale et civile de l'adjoint avaient alors été engagées », indique Me Fallourd.
...et civile
Comme tout professionnel de santé, le pharmacien adjoint a l'obligation de réparer un dommage causé à un patient. La faute porte atteinte à un intérêt privé, celui de la victime à qui un dommage a été causé. Par exemple, dans le cas d’une erreur de délivrance, si le patient rapporte la preuve que le médicament dispensé par l'adjoint n’est pas celui prescrit et que cette erreur est à l’origine d’un dommage, il pourra demander à être indemnisé de ses préjudices patrimoniaux (pertes de salaire…) et extrapatrimoniaux (séquelles, souffrances physiques et morales…). La victime ou ses proches (s’ils subissent eux aussi un dommage) peuvent obtenir une réparation financière (dommages et intérêts) de la part du pharmacien par le biais de son assureur. L’assurance du pharmacien est donc obligatoire. Le titulaire d’une officine est tenu de souscrire une assurance responsabilité civile professionnelle qui couvre les installations et l’ensemble du personnel (voir l'encadré). Néanmoins, un pharmacien adjoint qui aurait causé un dommage au patient en ayant suivi une consigne du titulaire engage sa propre responsabilité civile. « En effet, l'adjoint a les mêmes diplômes et compétences que le titulaire. Il n'a donc pas à suivre d'éventuelles injonctions de la part du titulaire, s'il estime que ces dernières risquent de causer un dommage au patient. Il a l'obligation de vigilance et de sécurité vis-à-vis de la patientèle », rappelle Me Fallourd.
En principe, la responsabilité civile d’un adjoint ne peut être engagée que si le demandeur établit qu’il a subi un dommage, que l'adjoint a commis une faute et que le dommage est bien imputable à cette faute. Précisons que la victime cherchera systématiquement la responsabilité du titulaire - en plus de celle de l’adjoint - afin d'obtenir l’indemnisation intégrale de ses différents préjudices.
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