« Les pharmacies indépendantes ont encore un avenir »
« Nous sommes des professionnels de santé du premier recours compétents et au service des patients. Mais nous peinons à le faire savoir ! Il est pourtant urgent que la profession développe des services annexes au travers d’entretiens et de nouvelles missions. Dans cette optique, il est indispensable que chacun se donne les moyens nécessaires pour franchir cette étape. En clair, s’investisse dans les programmes de formation idoines. Cette évolution ne signifie pas que la profession s’affranchira totalement de l’emprise de la prescription car c’est le cœur de métier de la pharmacie. Et de la pharmacie rurale en particulier, où le médicament, prescrit et remboursé par l’assurance-maladie obligatoire, occupe et continuera d’occuper une place prépondérante. Il n’en faut pas moins que nous nous donnions les moyens de développer l’honoraire afin de compenser la chute des prix. À charge pour les officinaux d’en démontrer la pertinence à l’Assurance-maladie. Et le plus vite possible, sinon la casse risque fort d’être catastrophique. C’est à ce prix que survivront les pharmacies indépendantes, au sein desquelles l’initiative personnelle peut encore s’exprimer. Car il existe un avenir hors des groupements. »
BRUNO MÉTAIRIE, président de Cofisanté
« Arrêter de bricoler »
« La crise de la pharmacie n’est pas terminée. Bien au contraire ! Les données présentées par les différents intervenants à la journée de l’économie de l’officine ont clairement montré que l’année 2015 ne sera pas synonyme d’embellie pour notre secteur et que la tempête devrait se prolonger, voire s’aggraver l’année prochaine. C’est regrettable, car il aurait été possible d’anticiper cette situation. En particulier pour les petites pharmacies qui souffrent d’une baisse dramatique de leur chiffre d’affaires et de leur marge. Face à cette incapacité à anticiper, il est urgent pour les officinaux d’arrêter de bricoler en essayant de faire de la rétrocession. Leur survie passe par une réelle discipline et donc par le suivi des politiques d’achat et de référencement que proposent les groupements. Sans oublier les stratégies de gestion, de merchandising, les aides à la vente et les formations. Il y a donc urgence, pour les derniers réticents, à adhérer à un groupement ; d’autant qu’une stratégie de vente en ligne ne peut être efficace si elle est développée individuellement. D’où la nécessité aussi pour les groupements d’atteindre une taille critique avec au moins trois cents à quatre cents adhérents. »
CHRISTIAN GRENIER, président de Federgy
« Un projet global pour la pharmacie »
« Tout le monde sait où va la profession et est convaincu que le pharmacien devra faire preuve de plus en plus de professionnalisme. Les syndicats ont donc tracé la voie. Reste encore à mettre en musique cette partition pour que la pharmacie de 2020 soit la plus performante possible. Malheureusement, les représentants de la profession ne semblent pas tous d’accord sur le chemin à emprunter. C’est d’autant plus regrettable que, à défaut d’un projet commun, d’une même vision et de convictions partagées, la pharmacie risque fort de rater ce rendez-vous avec l’histoire. J’espère juste qu’après les échéances électorales les dissensions seront atténuées… Il n’en demeure pas moins vrai que les uns et l’autre vont devoir apprendre à s’écouter pour harmoniser leurs positions sur ce qui constitue environ 48 % de la marge. C’est en tout cas ce que s’emploiera à faire la chambre syndicale des groupements et enseignes de pharmacies, que j’ai le plaisir de présider. Et j’ai bon espoir d’y arriver car Federgy a un projet global pour la pharmacie ! À charge pour les centrales syndicales de nous rejoindre. Et dans cette perspective, la journée de l’économie devrait avoir contribué à les convaincre… »
DOMINIQUE DELOISON, directeur général de Forum Santé
« Une plateforme commune pour assurer l’avenir »
« La pharmacie est dans une crise de modèle. Mais ce n’est pas nouveau. La différence, c’est qu’aujourd’hui la crise économique a rattrapé l’ensemble de la profession. Les problématiques s’en sont donc trouvées accentuées. Et face à ces difficultés, les positions des uns et des autres se sont durcies, en particulier vis-à-vis des stratégies d’achats. Pourtant les solutions existent… Il suffirait juste que les uns et les autres se parlent, en particulier pour savoir comment assurer tous les jours et le mieux possible le dernier kilomètre logistique. De la même manière, il est urgent de s’interroger sur les moyens à mettre en œuvre pour garantir le meilleur service possible aux patients tout en pérennisant nos entreprises. Dans cette optique, il me semble urgent de réfléchir aux moyens à mettre en œuvre pour inciter des petites structures à se réunir afin d’atteindre une taille critique. Or les représentants de la profession semblent pêcher par l’absence de projet commun. Et c’est choquant : Il faut donc instaurer dans les plus brefs délais une plateforme réunissant l’ensemble des acteurs représentatifs - Ordre, syndicats, groupements… - à même de porter cette vision d’avenir pour la profession. C’est à cette condition seulement que nous pourrons convaincre le gouvernement de la nécessité de défendre le réseau officinal. L’Ordre doit donc descendre de sa tour d’ivoire et accepter de participer au débat économique. »
PASCAL GEFFRAY
, président d’Évolupharm
« Parler d’une même voix »
« Il est urgent que la profession parle d’une même voix. Or la campagne électorale pour les Unions régionales des professions de santé (URPS) n’est pas propice à cette union. Au contraire ! Les syndicats n’ont jamais été aussi désunis… J’espère donc qu’au-delà de ces dissensions conjoncturelles, les représentants de la profession vont être capables de se réunir autour d’un projet commun pour préserver le réseau officinal. Et je suis convaincu que la création de Federgy va y contribuer. Il faut toutefois être réaliste et avoir à l’esprit qu’un certain nombre de pharmacies vont disparaître. Mais il ne faut pas croire que seules les petites sont condamnées car le chiffre d’affaires n’est pas l’indicateur à prendre en considération. La qualité d’une officine dépend avant tout de sa zone de chalandise et de sa capacité à distribuer un produit. Sans oublier sa spécialisation. Et dans ce cadre, les groupements sont des alliés incontournables. À condition, bien évidemment, qu’ils aient une certaine taille. Car il n’y a plus de place pour les boys scouts ! D’où l’urgence également de légiférer sur la légalité des factures de rétrocessions. Le pharmacien pourra ainsi se concentrer sur le management de son équipe et sur son cœur de métier : la vente de produits pharmaceutiques. »
JEAN-LUC TOMASINI, président d’Europharmacie
« Les succursales sont l’avenir du réseau »
« La mésentente syndicale est criante. Et cette désunion montre que ces institutions dites représentatives sont sans doute plus préoccupées par la politique que par la défense de la profession. Or la situation économique et le risque de voir disparaître une quantité non négligeable de confrères devrait poser question. Il y a donc urgence à apporter des réponses aux inquiétudes des pharmaciens. Je me réjouis en revanche que certaines idées défendues par le Collectif national des groupements de pharmaciens d’officine (CNGPO), telle que la succursale, soit aujourd’hui reprises par des financiers et des cabinets comptables. Le regroupement de plusieurs fonds sous une seule entité morale me semble en effet être la voie de l’avenir car elle permettrait une extension plus importante à la fois sur les plans géographique et financier. Sans oublier la possibilité de s’attacher de véritables collaborateurs grâce à ces structures pyramidales ou horizontales. Et c’est essentiel car la fiabilité et la motivation des collaborateurs sont clairement des enjeux fondamentaux pour les officines. J’ajouterai que ce système de succursales contribuerait à préserver le maillage qui fait la force de l’Hexagone en garantissant un accès aux soins. Plutôt que se focaliser sur la seule rémunération, les syndicats devraient donc se préoccuper aussi des solutions structurelles à mettre en place. »
LAÉTITIA HIBLE, présidente de Giphar
« Favoriser les regroupements »
« Malgré la campagne électorale, les syndicats ont su aborder avec sérénité les points sensibles qui affectent aujourd’hui la pharmacie d’officine. Malheureusement, au-delà du constat, peu de solutions semblent émerger aujourd’hui. Il y a pourtant urgence car le cataclysme annoncé depuis plusieurs années se profile désormais clairement. Les chiffres annoncés semblent ainsi augurer de difficultés croissantes, et donc de la disparition d’un nombre conséquent de pharmacies. À l’instar de ce que préconise Giphar, de longue date, il serait donc bienvenu d’anticiper et d’organiser intelligemment la recomposition du réseau en favorisant les regroupements. Les pharmacies qui réalisent moins d’un million d’euros de chiffre d’affaires pourraient, par exemple, trouver une forme de pérennité en acquérant une taille critique, puisque, à partir de deux millions d’euros de chiffre d’affaires, l’impact économique des baisses de prix se fait moins ressentir. Les regroupements ne sauraient toutefois être l’unique réponse et d’autres solutions devront bien évidemment être envisagées, en particulier pour les petites officines de campagne. Et dans cette optique, les groupements structurés sous enseignes peuvent apporter une aide précieuse aux pharmaciens qui souhaiteraient se recentrer sur leur cœur de métier en se détachant du back-office. Les officinaux adhérents auront ainsi tout le loisir de développer l’accompagnement et l’éducation thérapeutique du patient. »
LUCIEN BENNATAN, président du groupe PHR
« Oser dans tous les domaines »
« Avec la disparition possible d’environ 6 000 officines, le réseau va être confronté à un véritable cataclysme. Et il est difficile de comprendre quelles solutions les syndicats ont imaginé pour surmonter cette épreuve. D’autant que les éléments correcteurs qui auraient dû être mis en place depuis cinq à six ans ne sont toujours pas présents. Pire, aucune solution ne semble avoir été envisagée pour amortir le choc de la crise qui frappe la pharmacie française et pourrait affecter 6 000 autres pharmacies. Il serait donc temps que les organisations représentatives cessent de tourner en rond et passent à la vitesse supérieure pour proposer des solutions pragmatiques. En clair, l’heure d’oser dans tous les domaines est venue ! Et dans ce cadre, les groupements vont continuer de jouer leur rôle de picaillon, en imaginant et en proposant des solutions novatrices telles que la consultation pharmaceutique mise en place dans les pharmacies PHR et qui est l’avenir de l’officine. C’est un terme proscrit dans la profession et qui devrait pourtant être prescrit… Les syndicats devraient donc s’appuyer sur les laboratoires d’idées que sont les groupements pour bâtir l’avenir de la pharmacie française. Mais il est évident que tous les groupements ne sauraient jouer ce rôle et que seuls ceux pouvant revendiquer plus de 1 000 adhérents seront capables d’être influents sur les achats, les services, l’organisation de l’officine en proposant des solutions marketing. »
MICHEL QUATRESOUS, président d’Optipharm
« Pour une super-centrale d’achats »
« La discorde des syndicats n’a jamais été aussi forte. Et cela est très dommageable. Heureusement, l’arrivé d’un nouvel acteur, avec Federgy, permet d’éclairer le débat et contribue à envisager des solutions. Cela contribue également à asseoir la place des groupements et à officialiser leur importance dans l’univers officinal ; en apportant des réponses positives. Car l’avenir peut être rose, à l’instar de ce qu’Optipharm a pu expliquer lors de son dernier congrès. À charge pour chaque pharmacien de se donner les moyens de ses ambitions en s’emparant des nouveaux outils qui sont mis à sa disposition ; voire en se regroupant. Il est évident que la disparition programmée de quelque 3 000 officines n’est pas propice à la sérénité, mais cette période transitoire, qui a débuté voilà une dizaine d’années, devrait bientôt s’achever. La sortie du tunnel est proche. Et c’est le rôle des groupements que d’aider leurs membres à surmonter cette épreuve. À condition toutefois qu’ils disposent d’une taille critique pour être capable de proposer des solutions déclinables sur l’ensemble de l’Hexagone et auprès de tous types d’officines. Des regroupements de groupements ou des mises en commun de moyens, telle qu’une super-centrale d’achats, devraient donc faire prochainement leur apparition. »
SERGE CARRIER, directeur général de Pharmactiv
« Vers un réseau dual »
« L’heure est au concret. Les syndicats ont enfin décidé de parler vrai et de poser les questions qui concernent l’avenir de la profession d’officinal. Au-delà des querelles politiques, la nécessité pour le pharmacien de changer de modèle a ainsi été posée. Ce n’est certes pas nouveau, puisque cette évolution a démarré avec la reconnaissance du droit de substitution, mais le mouvement s’est accéléré. Et en particulier depuis trois ou quatre ans, lorsque s’est accrue la pression gouvernementale sur le prix des médicaments. Mais au-delà de la disparition quasi inéluctable d’un certain nombre d’officines, je retiendrais l’émergence d’un réseau dual avec deux types de pharmacies : celles qui sont groupées et les indépendantes. Or force m’est de constater que seules les premières progressent réellement grâce, entre autres, à des outils mis à disposition. Il faut donc s’interroger sur les regroupements possibles et les moyens à mettre en œuvre, telles que les centrales d’achats, pour être économiquement performants. Mais encore faudrait-il pouvoir communiquer sur les services proposés dans chaque officine. À défaut, la grande distribution, et en particulier Michel-Edouard Leclerc, auront tout loisir de continuer à décrier la profession avec, à la clé, le risque de le tuer. »
PASCAL LOUIS, président du CNGPO
« Préciser la place de l’honoraire »
« Restructuration du réseau, communication, rémunération… Je suis ravi de voir que les représentants de la profession se posent enfin les bonnes questions. Il restera bien évidemment à traduire ces intentions dans les faits et à proposer à l’ensemble de la profession un projet commun, mais je suis convaincu que nous sommes sur la bonne voie. D’autant que le contexte électoral semble propice au parler vrai. Il faut donc profiter de cette absence de langue de bois et de la situation économique difficile de bon nombre d’officines pour imaginer concrètement ce que sera la pharmacie de demain. Dans cette perspective, il me semblerait d’ailleurs urgent de préciser la place que pourra prendre demain l’honoraire dans la marge de la pharmacie, car la première expérimentation a peu convaincu et a laissé de nombreux confrères sur leur faim. Les syndicats ont donc tout intérêt à être à la fois plus transparents et didactiques pour être compris des officinaux. Mais encore une fois, je suis confiant ; d’autant que l’apparition de Federgy, que le Collectif national des groupements de pharmaciens d’officine (CNGPO) a créé, devrait contribuer à faire avancer le débat. Mais cela ne signifie pas pour autant que toutes les pharmacies doivent être groupées, car certains officinaux ont une âme de chef d’entreprise et sont donc capables de se débrouiller seuls. »
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