Les thérapies ciblées
La grande saga des anticorps monoclonaux est loin d’être terminée. Parmi les progrès plus récents, citons les anticorps bispécifiques visant deux cibles simultanément. Si l’oncologie est souvent concernée, d’autres pathologies en tirent aussi parti, comme l’hémophilie A, notamment, avec la commercialisation d’Hemlibra (émicizumab) qui mime l’activité du facteur VIII (en agissant à deux étages de la cascade de la coagulation) et s’administre en une seule injection sous-cutanée hebdomadaire. Au-delà, des anticorps trispécifiques, voire multispécifiques sont déjà en essais cliniques. Dans un autre ordre d’idée, on a découvert que les anticorps naturels des chameaux (et des camélidés en général) possèdent une partie fixe qui ressemble à un anticorps humain mais sans pièce intermédiaire, ce qui offre plus de souplesse pour élaborer des nano-anticorps qui présentent des propriétés intéressantes : meilleure perméabilité dans les tissus, courte demi-vie plasmatique (élimination par voie rénale) absence de cytotoxicité déclenchée par le système du complément, liaison à des antigènes masqués qui ne sont pas accessibles à des anticorps entiers (ex : sites actifs des enzymes).
Sans épuiser le sujet, citons encore les associations d’anticorps monoclonaux à de petites molécules pour cibler ces dernières sur des épitopes particuliers (oncologie, inflammation), comme HER2 dans le cancer du sein, les anticorps conjugués à des radio-éléments (prometteurs dans les cancers du sein et de la prostate) ainsi que la « sélectivité augmentée » (anticorps stéréotypiques) dont il est espéré – à l’image des anticorps naturels – une reconnaissance de structures bidimensionnelles ce qui ouvre la perspective de viser de nouvelles cibles complexes, « cachées » (concernant des virus par exemple) que l’on ne sait pas atteindre aujourd’hui.
Diabète : la boucle semi-fermée entre en scène
Les systèmes de boucle semi-fermée ou hybrides sont composés de trois parties, communicant habituellement par Bluetooth Low Energy :
- Une pompe à perfusion sous-cutanée continue d’insuline (PSCI) d’action rapide qui fonctionne – en principe - en permanence ;
- Un lecteur de glucose en continu (CGM) – associé à un transmetteur dédié - qui est soit inséré en sous-cutané au niveau de l’abdomen, soit collé sur la peau, et détermine la glycémie 24 heures sur 24 et dont les données sont captées et enregistrées par un terminal mobile.
- Un algorithme de contrôle, communiquant avec le CGM et la PSCI, intégré à la pompe en charge de modifier le débit d’administration d’insuline en fonction des besoins et prioritairement d’adapter ce dernier lorsque la tendance glycémique est à la baisse avec une menace d’hypoglycémie dans la demi-heure qui suit.
En pratique, ce dispositif ne dispense pas de gérer son diabète : bolus en fonction des apports glucidiques des repas et collations, programmation des paramètres d’alarmes, traitement des hypo et hyperglycémies.
Pour qui ?
Les patients diabétiques de type 1 adultes dont l’équilibre glycémique préalable est insuffisant (hémoglobine glyquée supérieure ou égale à 8 %) en dépit d’une insulinothérapie intensive bien conduite par pompe externe pendant plus de 6 mois et d’une surveillance glycémique pluri-quotidienne.
Les avantages
Ils sont nombreux : meilleure prise en charge de l’équilibre glycémique (augmentation de la durée des périodes dans la plage cible de glycémie), diminution du risque d’hypoglycémie dangereuse, majoration de temps libre et réduction du stress, amélioration de la qualité de vie (vie plus flexible, facilitation de l’activité physique).
Les inconvénients
Ils se résument essentiellement à la nécessité d’une formation, qui inclut aussi la manière de gérer au mieux les sorties du mode automatique, les problèmes de connexion et les mises à jour logicielles.
Systèmes de mesure du glucose
Le diabète encore... Signalons l’arrivée prochaine du FreeStyle Libre 3, actuellement le plus petit et le plus fin du monde des systèmes de mesure en continu du glucose. De fait, sa taille n’excède pas deux pièces de 5 centimes empilées.
De plus, la transmission des données se fait automatiquement sur le smartphone du patient (portée Bluetooth de 10 mètres).
Autre innovation, la mise sur le marché en mars de cette année des deux premiers stylos à insuline connectés : NovoPen 6 et NovoPen Echo Plus. Réutilisables et capables d’enregistrer les doses d’insuline injectées sur les 3 derniers mois (800 dernières injections). Avec affichage sur un écran digital du nombre d’unités administrées lors de la dernière injection ainsi que du temps écoulé (heures, minutes, secondes) depuis celle-ci.
Le transfert des données se réalise via une technologie sans fil à courte portée en posant l’extrémité du stylo sur la zone de réception ad hoc dont sont équipés tous les smartphones.
Cette mémoire électronique peut être très utile à la fois pour l’éducation du patient, son auto-contrôle, ainsi que pour travailler sur les oublis et les retards d’injection.
ARN antisens, ARN interférents, micro ARN
L’arrivée inédite et brillante en 2020 des vaccins à ARN messager contre le Covid-19 ne doit pas occulter les autres applications thérapeutiques de diverses sortes d’ARN. Un ARN interférent (ARNi) est un ARN dont l’interférence avec un ARN spécifique conduit à une diminution de sa traduction en protéine.
Trois sont actuellement disponibles : le patisiran – Onpattro (amylose à transthyrétine chez les patients adultes atteints de polyneuropathie), le givosiran – Givlaari (porphyrie hépatique aiguë et le lumasiran – Oxlumo (hyperoxalurie primitive de type 1). Un quatrième, l’inclisiran – Leqvio, ne dispose pour l’instant que d’une AMM dans l’hypercholestérolémie primaire. Un oligonucléotide antisens est un fragment d’ARN pouvant se lier à un ARN messager naturel (le terme antisens fait référence à une séquence de paires de bases complémentaire de l’ARN messager du gène dénommée séquence sens).
En voici trois exemples : le nusinergen – Spinraza (amyotrophie spinale 5q), l’inotersen – Tegsedi (polyneuropathie liée à l’amylose à transthyrétine) et le volanesorsen – Waylivra (hyperchylomicronémie familiale à risque de pancréatite aiguë. Parmi les développements envisagés des antisens, citons des maladies inflammatoires (en inhibant l’expression du récepteur de l’interleukine 1), des affections cardiovasculaires (par exemple l’inhibition de la resténose après angioplastie par blocage de le prolifération des cellules musculaires lisses sub-intimales), certains cancers, voire même certaines parasitoses (paludisme, leishmanioses, trypanosomiase).
Sans épuiser le sujet, évoquons aussi les micro-ARN (miARN) qui ne comportent qu’une vingtaine de nucléotides. Ce sont des régulateurs post-transcriptionnels pouvant éteindre l’expression d’un gène. Leur appariement à un ARN messager peut conduire à l’inhibition de sa traduction ou à sa dégradation. Les miARN (il en existerait environ 2 000 qui cibleraient près de 60 % de nos gènes) interviennent dans la plupart des processus biologiques, allant du développement à la formation des tumeurs ; leur expression aberrante est associée à de nombreuses pathologies. Des inhibiteurs de miARN sont en cours de développement.
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