LE QUOTIDIEN DU PHARMACIEN. - Avec les syndicats USPO et UNPF, le Collectif des groupements et les représentants de l’Ordre des sections A et D, vous avez signé le projet de décret sur les SEL et les holdings. Quelles ont été vos motivations ?
YVES TROUILLET. - Le constat est simple : le marché des transactions est au point mort. On est passé de 2 000 cessions par an à 1 000 aujourd’hui*. Les banquiers ne jouent plus leur rôle et préfèrent spéculer sur les marchés financiers. Dans ce contexte, on constate que 98 % des reprises d’officine s’effectuent via les SEL, essentiellement en raison de leur fiscalité avantageuse. Mais ensuite, se pose le problème de la revente et de la cession des parts. La solution : les céder à des sociétés holdings avec, cette fois, la possibilité de déduire les intérêts d’emprunt. Le projet prévoit également de réserver la prise de participation dans les SEL aux pharmaciens en exercice et, au niveau des holdings, à ouvrir le capital aux adjoints et aux retraités pendant dix ans.
Vous ne partagez donc pas les réserves émises par la FSPF sur la nécessité pour un pharmacien exploitant de détenir la majorité du capital et des droits de vente de l’officine où il exerce ?
Plusieurs réunions ont eu lieu avec les différentes organisations professionnelles afin de trouver un terrain d’entente. Chacun a fait des efforts, des compromis ont été trouvés et nous sommes tombés d’accord sur un certain nombre de points : limitation des participations d’un pharmacien titulaire dans 4 SEL en plus de sa pharmacie, possibilité pour une SPF-PL** de détenir des parts dans 4 SEL. Dans ces conditions, il nous paraît difficile d’opter pour un tel schéma et de garder en même temps l’idée qu’un titulaire restera obligatoirement majoritaire en droits de vote dès lors que le pouvoir financier sera au niveau de la holding.
Peut-on encore arriver à un consensus ?
L’enjeu d’un consensus sur ce dossier est considérable : il s’agit de l’avenir de l’officine. Car quelque 5 000 pharmaciens vont partir à la retraite dans les prochaines années. Et il faut absolument tout faire pour offrir la possibilité aux jeunes de reprendre ces officines. Nous ne pouvons pas intervenir sur les prix de cession des pharmacies. En revanche, le projet de décret que nous avons rédigé propose une solution par la création de sociétés holdings. Si l’on ne trouve pas une issue favorable dans les mois qui viennent, la pharmacie deviendra une profession sinistrée et bloquée car plus personne ne pourra envisager de racheter une officine. Le consensus auquel nous sommes arrivés nous paraît bon dans la situation économique actuelle. On n’a pas le droit de priver 6 000 entreprises qui ont aujourd’hui choisi l’exercice en SEL de pouvoir bénéficier d’une meilleure fiscalité. Si certains ont d’autres schémas à nous présenter pouvant garantir à la fois la majorité en droits de vote et en capital, nous sommes preneurs. Enfin, l’article 5-1 de la loi de 1990 concernant les SELAS ne pourrait être supprimé que si le pouvoir politique en exprimait une volonté très forte.
N’avez-vous pas le sentiment d’avoir quelque peu changé de position sur ce sujet ?
L’APR n’est jamais à la recherche d’une solution personnelle. Si notre position semble avoir évolué, c’est avant tout que la situation économique a profondément changé. Pour autant, l’esprit qui nous anime est le même. Nous souhaitons toujours la meilleure solution pour exercer correctement notre métier. Notre association a ainsi constamment veillé au respect des trois piliers de l’officine : maintien du monopole de dispensation, réservation du capital aux seuls pharmaciens et préservation du maillage territorial.
Ces « piliers » de l’officine vous semblent-ils encore aujourd’hui menacés ?
En ce qui concerne le monopole de dispensation, il n’y a, à mon sens, aucun risque tant que le pharmacien jouera son rôle, que le médicament soit devant ou derrière le comptoir. Le maillage aussi a un bel avenir, à condition de bien mesurer les conséquences de chaque transfert ou regroupement sur la bonne répartition des officines. On sait, par exemple, que les transferts spéculatifs vers les centres commerciaux ont généralement des répercussions sur les pharmacies alentours. De même, lorsque deux officines fusionnent, il y a souvent des effets sur les pharmacies déjà en difficulté du fait d’une diminution de la population ou des prescripteurs dans la zone concernée. Il faut donc être attentif et faire du respect du maillage un axe de défense prioritaire. Pour notre part, nous continuerons à être force de réflexion et de proposition sur l’ensemble de ces dossiers. Je ne peux avoir qu’un souhait au moment où je quitterai mes fonctions à l’APR dans quelques mois, c’est de faire partie d’une profession où 100 % de mes confrères seront et resteront toujours de vrais pharmaciens. Et que, enfin des mesures économiques sur le médicament remboursé soient trouvées rapidement afin de permettre aux jeunes confrères d’avoir d’autres possibilités d’acquérir une officine.
** Société de participation financière de profession libérale ou holding.
Près de 40 % du chiffre d’affaires
Médicaments chers : poids lourds de l’activité officinale
Les concentrations continuent
Hygie 31, Giropharm : grandes manœuvres au sein des groupements
Valorisation et transactions en 2023
La pharmacie, le commerce le plus dynamique de France
Gestion de l’officine
Télédéclarez votre chiffre d’affaires avant le 30 juin