IL NE S’AGIT PAS d’un budget classique. Il inclut un effort supplémentaire d’économies de quelque onze milliards ; et cette somme ne suffira pas si la croissance prévue pour 2012, 1,75 %, n’est pas au rendez-vous. Le gouvernement devra alors décider de nouvelles réductions des dépenses. Ce ne sera pas non plus une lettre à la poste : le budget sera vivement combattu au Sénat dont la majorité vient de basculer à gauche, avec des élus qui, sans pouvoir vraiment amender les dispositions du projet, le renverront obstinément vers l’Assemblée nationale ; si la droite perd les élections générales de 2012, le budget sera amendé en fonction des idées de la nouvelle majorité.
On peut certes exprimer tous ces doutes, mais il appartient au gouvernement en place de définir la politique budgtaire. De même, comme dans d’autres domaines, la critique est aisée, l’art difficile : on ne peut pas à la fois exiger du ministre de l’Économie qu’il réduise drastiquement les dépenses et suggérer ensuite que les mêmes réductions mettent la croissance en danger. On ne peut pas réclamer à cor et à cri des augmentations d’impôts, qu’il s’agisse des plus riches ou des moins riches, et rappeler un peu plus tard que la part de richesse nationale qui va à l’État est déjà de 56 %. Oui, la pression fiscale en France est l’une des plus élevées d’Europe, elle est supérieure de dix points à celle de l’Allemagne, le partenaire avec lequel nous devons « converger ».
Le projet de Loi de finances pour 2012 ramène le déficit budgétaire de 95,5 à 82 milliards d’euros . C’est un tour de force qui a contraint le gouvernement non pas seulement à geler mais à réduire les dépenses, ce qui est inédit. Le ministre, François Baroin s’est attelé à un travail minutieux car il avait pour consigne de s’orienter vers des économies qui n’auraient pas sur l’emploi une influence négative. Surtaxation des plus riches, rabotage de 10 % des niches fiscales, les ménages et les entreprises sont également atteints, mais la classe moyenne est épargnée. Il a été prévu d’augmenter de 3 % l’impôt sur le revenu des ménages gagnant 500 000 euros par année (et par part) ; il est très probable que la majorité, avec l’assentiment du gouvernement, abaissera le seuil à 250 000 euros. Peu de foyers gagnent de telles sommes, de sorte que le rendement de ce nouvel impôt sera faible. Il rattrape en partie la désastreuse réforme de l’impôt de solidarité sur la fortune, qui perd deux milliards de recettes en détaxant les grosses fortunes mais pas les fortunes intermédiaires.
En dépit de tous ses efforts, le gouvernement devra encore emprunter le montant du déficit auquel s’ajoutera celui des déficits sociaux. Le retour à un déficit de 3 %, l’un des critères de Maastricht, ne devrait avoir lieu qu’en 2013. Mais il s’agit là d’une projection toute théorique qui n’inclut pas les aléas de la croissance et de la politique.
1) Quelles que soient les critiques dont le projet fait l’objet, il reflète le désir du pouvoir de préserver le peu de croissance et de pouvoir d’achat qui demeurent. Tant bien que mal, la protection sociale à la française a été préservée et d’ailleurs, elle continue à coûter excessivement cher, même si sont dénoncés les trous du filet social.
2) Le projet peut être comparé, avantageusement ou non, aux diverses propositions des candidats socialistes et notamment les dépenses qu’ils souhaitent engager, en particulier François Hollande, favori des sondages, qui annonce des « contrats de générations » (emplois aidés pour les jeunes) et Martine Aubry qui a envisagé un peu vite de doubler le budget de la culture. Plus que jamais, peut-être, il s’agit d’un budget qui reflète la politique de la droite face aux propositions foisonnantes qu’entraîne la primaire socialiste. La réalisation pratique de ce budget est cependant virtuelle, non seulement parce que personne ne peut dire de quoi sera fait l’avenir économique immédiat, mais parce que la continuité politique ne sera pas forcément assurée en 2012.
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