Avec la diminution des effectifs d'étudiants en pharmacie (un tiers des places vacantes en deuxième année de pharmacie en 2022), conserver ces derniers est plus crucial que jamais, en particulier dans un contexte où, selon les syndicats, 15 000 pharmaciens manquent à l'appel. Une situation compliquée pour les titulaires des 20 318 pharmacies existantes, qui peinent à renouveler leur personnel.
Or, comme le rappelle Marie-Hélène Gauthey, directrice générale d'Atoopharm, « aujourd'hui, 4 générations de pharmaciens vivent sous le même toit ». Et les Baby-Boomers (1946-1964), la Génération X (1965-1979), les Millenials (1980-1997) ainsi que la Génération Z (1998-2020) ne sont pas interchangeables, bien au contraire. « Toutes ont vécu dans des contextes très distincts, et leurs habitudes technologiques sont radicalement différentes. Le rapport au travail n'est pas le même. C'est au titulaire, ou au manager, de favoriser la collaboration entre les générations », affirme Marie-Hélène Gauthey.
Une génération plus transgressive, mais aussi plus engagée
Attirer et conserver les étudiants en pharmacie est un enjeu très important, puisque c'est seulement par un renouvellement des générations que la profession peut garantir son existence future. Pour ce faire, il faut d'abord comprendre que les comportements sociaux ont évolué. « La nouvelle génération respecte moins la distance hiérarchique que ses prédécesseuses, et a plus tendance à transgresser les règles établies, constate Marie-Hélène Gauthey. Leurs aspirations sont différentes. L'équilibre entre travail et vie personnelle est primordial pour eux, et la notion de loyauté envers l'employeur n'existe plus. » Car s'il était auparavant courant de rester plusieurs décennies au sein de la même entreprise, les jeunes n'hésitent pas un instant à changer de boîte, voire de carrière, et ce à répétition. Ils sont aussi bien plus engagés, en particulier sur les questions de développement durable et de RSE (Responsabilité sociétale des entreprises).
Transmettre l'amour du métier
Pour autant, cet aspect volage n'est pas une fatalité. « La nouvelle génération n'est pas moins motivée, ni moins compétente que les précédentes. Plus que promettre monts et merveilles, c'est transmettre l'amour du métier qui permet de garder les jeunes en pharmacie », déclare Marie-Hélène Gauthey. Comment faire ? En leur en montrant toute la variété du métier. Car la nouvelle génération a tendance à chercher des perspectives de carrière attractives, avec de nombreuses possibilités d'évolution et de développement personnel : « Les jeunes n'aiment pas du tout les tâches répétitives, et n'arriveront jamais à se projeter dans le futur s'ils font toujours la même chose. » Heureusement, avec l'arrivée des nouvelles missions (vaccination, dépistage, entretiens cancers…), le métier de pharmacien n'a jamais été aussi multiforme.
Former, mais aussi expliquer
Intégrer une jeune recrue n'est pas quelque chose que l'on peut improviser. Pour les pharmacies qui peuvent se le permettre, il peut être pertinent de mettre en place un plan d'intégration avec un tuteur dédié. Ce plan peut par exemple comprendre des formations (les jeunes sont d'ailleurs très friands d'e-learning) sur les processus de la pharmacie, les produits vendus, l'interaction avec la patientèle, l'exécution des nouvelles missions… Les nouveaux salariés sont ainsi intégrés plus rapidement et plus à même de comprendre leur rôle. À l’inverse, un jeune pharmacien laissé à lui-même et affecté à des tâches simples et monotones aura vite fait de se lasser et d'aller voir ailleurs.
Un autre point important, selon Marie-Hélène Gauthey, est d'insister sur le « pourquoi » des règles, y compris celles qui peuvent sembler les plus évidentes, comme la ponctualité ou la politesse avec les patients : « On ne peut pas leur reprocher de ne pas respecter des règles si on ne leur en justifie pas l'importance. L'obéissance aveugle est très rejetée par cette génération. »
C'est donc à un petit choc des cultures que doivent se préparer les pharmaciens, en particulier les plus âgés. S'il faudra faire preuve de pédagogie et de patience, le jeu en vaut la chandelle. Il en va de l'avenir de la profession.
D'après une conférence d'Atoopharm, dans le cadre de PharmagoraPlus 2023.
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