LES FINANCES publiques sont un système de vases communicants. En contrepartie de l’allégement de l’impôt sur la fortune, la première loi de finances rectificative pour 2011* a très sensiblement relevé les droits de succession et de donation, avec effet immédiat, puisque ce relèvement est entré en vigueur à partir du 31 juillet 2011. Il a impact direct sur la stratégie de transmission anticipée des pharmaciens qui souhaitent passer la main à un enfant.
Tout d’abord, le barème des droits a été revu à la hausse : les deux dernières tranches du barème progressif qui s’applique aux donations et successions en ligne directe voient ainsi leur taux majoré relevé de cinq points. Ce relèvement concerne les mutations importantes, c’est-à-dire celles qui portent sur un actif taxable compris entre 902 838 euros et 1 805 677 euros (dont le nouveau taux d’imposition est de 40 %) et celles qui portent sur un actif supérieur à 1 805 677 euros (dont le taux d’imposition est désormais de 45 %). Par exemple, pour une donation d’officine consentie par un père à son fils de deux millions d’euros, la note fiscale s’élève aujourd’hui à 590 698 euros, au lieu de 543 806 euros précédemment.
Seconde mesure défavorable : la suppression des réductions de droits en fonction de l’âge. Elle concerne les réductions de droits de donation qui étaient auparavant accordées lorsque le donateur ne dépassait pas un certain âge : réduction de 50 % s’il avait moins de 70 ans, ou de 30 % s’il avait entre 70 et 80 ans. Seule demeure la réduction de 50 % des droits qui peut profiter aux transmissions en pleine propriété de fonds individuels d’officine ou de parts sociales, dans le cadre d’un pacte Dutreil, lorsque le donateur a moins de 70 ans.
Exonération des trois quarts.
La conclusion et la signature d’un pacte Dutreil permettent en effet d’obtenir une exonération de 75 % des droits de donation ou de succession. Plusieurs conditions doivent toutefois être réunies. Lorsqu’elle a été achetée par le donateur ou le défunt, l’officine doit être détenue depuis au moins deux ans. Ensuite, le bénéficiaire doit prendre l’engagement, dans l’acte de donation ou dans la déclaration de succession, de conserver l’ensemble des biens reçus pendant une durée de quatre ans. Enfin, le donataire ou l’héritier doit poursuivre l’exploitation pendant les trois années qui suivent la transmission. L’exonération des trois quarts des droits vaut alors pour tous les biens de l’officine qui sont transmis, y compris le stock.
L’avantage du pacte fiscal s’applique aussi à la transmission de parts de société : les parts ou actions de société transmises par donation ou succession et comprises dans un pacte peuvent bénéficier de la même exonération partielle de droits de mutation à titre gratuit, à hauteur de 75 % de la valeur des titres. Les conditions sont ici les suivantes.
Premièrement, les parts transmises doivent faire l’objet d’un engagement collectif de conservation, pris par le défunt ou le donateur avec au moins un autre associé, de deux ans au moins. Cet engagement doit porter sur au moins 34 % des droits financiers et des droits de vote. Deuxièmement, chaque héritier ou donataire doit s’engager à conserver les titres transmis pendant une durée de quatre ans à compter de la fin de l’engagement collectif de conservation (les parts transmises doivent donc être conservées en tout au moins six ans). Enfin, l’un des associés signataire du pacte ou l’un des héritiers ou donataires ayant pris l’engagement individuel de conservation doit exercer une fonction de direction pendant toute la durée de l’engagement collectif et pendant les trois ans qui suivent la transmission.
Bien que très avantageux, le pacte Dutreil est également assez complexe. Il nécessite donc le recours à un notaire spécialisé. Du reste, l’engagement de conservation des titres peut être constaté par un acte sous seing privé, mais il est conseillé de le faire rédiger devant notaire. Il doit également être enregistré au service des impôts.
D’autre part, l’avantage fiscal du pacte Dutreil peut être cumulé avec un abattement de 300 000 euros sur la valeur des biens transmis, qui s’applique aux transmissions d’officines individuelles ou de parts de société. Pour en bénéficier, il suffit que le fonds ou les parts de société aient été être détenus depuis plus de deux ans par le donateur, et que l’enfant bénéficiaire poursuive l’exploitation du fonds ou l’activité de la société pendant les cinq années suivantes.
Des droits à crédit.
Autre piste encore à explorer pour atténuer le coût de la transmission de l’officine : le paiement différé et fractionné des droits de donation ou de succession. Cette facilité concerne non seulement les transmissions des biens affectés à l’exploitation d’une officine individuelle (y compris dans le cadre d’une donation-partage), mais aussi les transmissions de parts ou actions de société, à condition que le bénéficiaire reçoive au moins 5 % du capital social. Lorsque les holdings de sociétés libérales seront mises en place, elles pourront également en bénéficier.
En pratique, le paiement des droits dus au fisc est d’abord différé pendant cinq ans, seuls les intérêts étant dus. À l’expiration de ce délai, le paiement est ensuite fractionné sur une période de dix ans, à raison d’un vingtième à payer tous les six mois.
Ce système est extrêmement avantageux puisque le taux du crédit n’est que de 0,3 % en 2011, et qu’il est même ramené à 0,1 % si la valeur de l’officine ou la valeur nominale des titres comprise dans la part de l’héritier ou du donataire est supérieure à 10 %, ou si, globalement, plus du tiers du capital est transmis lorsqu’il s’agit d’une société. Il s’agit donc presque d’un « crédit gratuit » accordé par le fisc.
Pour y avoir droit, il faut toutefois présenter des garanties. Il peut s’agir de la consignation d’une somme d’argent ou de valeurs mobilières, voire d’une hypothèque ou d’un nantissement si le montant des droits de succession ou de donation est important. Le fisc admet également les engagements solidaires à titre de caution souscrits par une ou plusieurs personnes physiques ou morales. Bien entendu, en cas de succession ou de donation portant sur des parts de sociétés, le nantissement de ces titres eux-mêmes peut constituer la garantie offerte à l’administration. Dans tous les cas, le montant et la nature de ces garanties peuvent être négociés avec le fisc, comme pour une demande de sursis de paiement d’un impôt.
Attention quand même : pendant toute la période d’étalement des droits, il n’est pas possible de revendre les biens reçus de la succession ou de la donation. Si l’enfant qui a hérité de l’officine ou qui l’a reçue revend plus d’un tiers des actifs avant la fin de cette période, le fisc peut lui faire payer immédiatement tous les droits qui restent encore à verser.
À noter enfin : le système du paiement différé et fractionné peut être cumulé avec les abattements sur les droits de succession (deux parents peuvent ainsi donner un peu plus de 300 000 euros à un enfant ou à un petit-enfant, sans droits à payer).
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