EN GÉNÉRAL, on distingue deux types de ratios économiques et financiers dans une officine. Tout d’abord ceux qui sont issus du bilan : la rotation du stock (qui est de 45 jours en moyenne), le compte clients (8 jours en moyenne), le crédit fournisseurs (38 jours en moyenne), la trésorerie (il faut avoir en trésorerie entre un mois et un mois et demi d’achats), et les capitaux propres (dont les prélèvements opérés dans l’année). Ensuite, les ratios de gestion, qui intéressent plus directement les pharmaciens dans le pilotage de l’officine : le chiffre d’affaires, la marge, les frais généraux, les frais de personnel, la rentabilité…
Tous ces indicateurs ne sont pas utilisés de la même façon. Ceux qui ont trait à la trésorerie, par exemple, sont examinés de très près par les banquiers. De même pour l’excédent brut d’exploitation (EBE) : en le comparant au chiffre d’affaires hors taxes corrigé de l’activité sur les maisons de retraite, des rétrocessions et éventuellement des ventes de produits chers, et affecté ensuite d’un coefficient multiplicateur, il sert essentiellement de base de calcul à la valeur de l’officine lors de sa cession (en général, 6,9 fois l’EBE).
Même la rentabilité de l’officine peut être appréciée de plusieurs manières. Soit, classiquement, grâce à l’EBE, soit avec un autre indicateur comme la performance commerciale et de gestion (PCG). « Cet indicateur financier est le plus pertinent pour mesurer la rentabilité de l’officine et son évolution », expliquent les experts-comptables de KPMG. L’EBE ou le PCG sont donc surtout utilisés par les experts-comptables.
Le pharmacien, lui, peut s’en tenir aux ratios de gestion pour contrôler les performances de son officine. Les plus significatifs sont les suivants.
LE CHIFFRE D’AFFAIRES
C’est « le » ratio auquel tous les titulaires s’intéressent, pour deux raisons. En premier lieu, parce que c’est le plus facile à suivre, et en second lieu parce qu’il baisse depuis au moins deux ans pour la majorité des pharmacies, et qu’il inquiète. Ainsi, pour 2013, la baisse d’activité moyenne pour l’ensemble des pharmacies varie de - 0,6 à - 1,3 %, selon les études des cabinets comptables. Le chiffre d’affaires annuel moyen varie quant à lui de 1 500 000 à 1 680 000 euros selon ces mêmes études.
Tous les spécialistes de l’officine s’accordent à le dire, la baisse moyenne de l’activité provient du recul du chiffre d’affaires sur le médicament remboursable, qui représente toujours les trois quarts, voire 80 % parfois, de l’activité. Ce recul s’explique en grande partie par l’augmentation de la part de délivrance de médicaments génériques à prix plus faible par rapport aux princeps. En revanche, certaines études disponibles montrent également que les ventes de médicaments non remboursables, de compléments alimentaires et de dispositifs médicaux sont en progression. Il en est de même pour les ventes de parapharmacie et d’autres produits à taux de TVA majoré. Au total, ces deux derniers types d’activité permettent ainsi de limiter le recul global du chiffre d’affaires des officines.
Dans ces conditions, comment le pharmacien peut-il suivre l’évolution de son activité sur les différentes catégories de produits vendus dans son officine ? Philippe Becker, directeur du département pharmacie de Fiducial, conseille de créer un tableau de bord. Cet outil permettra de suivre et d’analyser l’évolution mensuelle du chiffre d’affaires, la fréquentation hebdomadaire et mensuelle, et de calculer immédiatement le panier moyen. Le tableau de bord pourra aussi affiner les résultats en analysant le panier moyen par ventes avec ordonnances et le panier moyen par ventes sans ordonnance.
Bien entendu, un tableau de bord peut également servir à suivre et analyser d’autres indicateurs tels que la marge, la productivité du personnel ou bien encore la trésorerie de l’officine.
À noter qu’un tableau de bord peut être exploité directement à partir du logiciel de gestion officinal. Mais il existe également des outils clés en main qui facilitent la récupération et la lecture des indicateurs de gestion.
LA MARGE COMMERCIALE
Plus encore que le chiffre d’affaires, la marge commerciale est certainement l’indicateur de gestion le plus important. Du point de vue comptable, la marge commerciale est égale à la différence entre les ventes hors TVA et les achats consommés (achats de l’exercice pondérés par la variation du stock). On distingue le taux de marge - rapporté au chiffre d’affaires hors taxes - et la marge en valeur (ou en euros). « Ce dernier indicateur est le plus utile, car il représente le montant de bénéfice dégagé sur les ventes », explique Michel Watrelos, expert-comptable au cabinet Conseils et Auditeurs Associés.
Toutes activités confondues, le taux moyen de marge brute commerciale s’élève en 2013 de 28,30 à 31 % d’après les études des experts-comptables, soit une marge moyenne hors taxes, en valeur, comprise entre 419 000 et 492 900 euros. Depuis 2013, le taux de marge sur l’activité de vente de médicaments remboursables tire à la hausse l’ensemble de la marge des officines. Les pharmaciens gagnent en effet des points complémentaires de marge grâce à la vente des génériques, aux remises légales complémentaires, à la marge de gros en cas d’achats directs, aux contrats de coopération commerciale et aux primes sur les ventes de médicaments génériques.
Mais attention : il faut rappeler que les éléments de calcul de la marge sur le médicament remboursable vont être quelque peu modifiés à compter de 2015, puisqu’une nouvelle rémunération sera instaurée pour les pharmaciens. Le forfait actuel de 0,53 euro par boîte passera ainsi à 0,80 euro (et à 1 euro en 2016), avec un honoraire de 0,50 euro par ordonnance de plus de cinq lignes. Ce changement s’accompagnera d’une révision de la MDL avec un plafonnement pour les médicaments chers. D’après les simulations effectuées par la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF), 95 % des pharmacies devraient être gagnantes, en termes de marge, avec cette réforme. À condition, toutefois, que les baisses de prix déjà prévues sur le médicament ne viennent pas en réduire les effets.
Pour toutes ces raisons, la marge en valeur d’officine doit être suivie de façon régulière par le pharmacien (en distinguant par taux de TVA), avec, si possible la mise en place d’un tableau de bord.
LA PRODUCTIVITÉ DES SALARIÉS
La notion de productivité des salariés est un sujet sensible, car il touche à la structure du personnel et à l’organisation de l’officine : on s’aperçoit qu’une pharmacie peut souvent être exploitée aussi bien avec un personnel moins nombreux mais plus efficace…
Mais avant d’examiner la productivité, il faut d’abord vérifier le poids des charges de personnel par rapport au chiffre d’affaires (ratio CA HT/effectif). Selon l’étude statistique de Fiducial pour l’année 2013, il s’élève, en moyenne, à 10,40 %, dont 9,62 % pour les pharmacies en société et 11,19 % pour les pharmacies en exploitation individuelle (salaires et rémunérations des associés exclus). Ce ratio est en augmentation depuis l’an dernier, en raison surtout de la baisse de l’activité. Mais, en règle générale, plus le chiffre d’affaires de l’officine est faible, et plus ce ratio s’élève et est donc « mauvais ». Dans tous les cas, attention à comparer ce qui est comparable : une officine traditionnelle est ouverte entre 42 et 52 heures par semaine, et une officine de centre-ville ou de centre commercial entre 66 et 72 heures. Le poids des charges de personnel ne peut donc pas être le même dans les deux cas.
Le ratio des frais de personnel est à surveiller de près car il impacte directement la rentabilité des officines. « La progression des frais de personnel salarié en 2013 est plus importante que celle du chiffre d’affaires et surtout de la marge, d’où une perte de rentabilité », notent les experts-comptables de KPMG dans leurs Moyennes Professionnelles 2013. « S’ils veulent maintenir leur niveau de rentabilité, les officinaux devront réduire leur masse salariale, surtout si les tendances sur l’activité ne s’inversent pas », ajoute pour sa part Philippe Becker.
L’analyse des frais de personnel permet par ailleurs de mesurer la productivité des salariés, et en particulier de ceux qui sont au comptoir. Michel Watrelos estime que le temps de travail d’un salarié au comptoir doit représenter, à temps plein, environ 330 000 euros de chiffre d’affaires TTC. De fait, l’étude statistique 2013 de KPMG fait ressortir un chiffre moyen de 319 000 euros, en équivalent temps plein. On peut donc estimer que jusqu’à 300 000 euros, ce ratio est acceptable.
LA RENTABILITÉ
Il existe plusieurs indicateurs permettant de mesurer la rentabilité d’une officine, mais le plus connu et le plus utilisé reste l’excédent brut d’exploitation, ou EBE. « Il prend en compte toutes les charges inhérentes à l’activité, exception faite des charges financières et des dotations aux amortissements. Son montant constitue la ressource d’exploitation qui permet d’une part de rembourser les emprunts, d’autre part de subvenir aux besoins du titulaire – impôt sur le revenu compris – et d’améliorer le cas échéant le niveau de trésorerie », expliquent les experts-comptables de CGP dans leurs statistiques professionnelles de 2014.
Actuellement, l’EBE moyen ressort à environ 210 000 euros, soit entre 12 et 13 % du chiffre d’affaires hors taxes. Mais cette moyenne recouvre des disparités importantes : 13,57 % en 2013 pour les pharmacies rurales, et 11,55 % seulement pour les pharmacies de centre-ville, selon l’étude annuelle de Fiducial. Explication : en milieu urbain, le poids des charges fixes grève la rentabilité. En outre, le taux d’EBE est généralement meilleur pour les officines exploitées en association (13,51 % selon Fiducial) que pour celles qui sont exploitées en individuel (11,38 %). La différence tient essentiellement aux frais de personnel, mieux optimisés dans les officines en société.
D’autre part, si ces chiffres moyens de rentabilité restent bons malgré la baisse générale de l’activité, cela tient principalement, grâce aux prestations de services, aux mesures prises pour le médicament générique. Toutes les études montrent en effet que ces prestations ont fortement augmenté ces derniers mois et qu’elles représentent désormais près de 20 % de l’EBE. Or les bons chiffres des officines quant à leur EBE dépendent étroitement de l’existence même de ces prestations. S’il devait y avoir une baisse importante des prix des génériques et une baisse parallèle des montants des remises, la rentabilité moyenne des officines pourrait chuter…
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