« Digitaliser l'officine, mais qu'est ce que ça veut dire ? », pourraient se demander nombre de pharmaciens pour qui la dématérialisation des opérations courantes et la numérisation des données font déjà partie du fonctionnement quotidien de l'officine.
E-prescription ou ordonnance dématérialisée, DMP (dossier médical partagé), gestion automatisée des stocks, marketplace (espace de commande en ligne de produits à prix remisés) ou encore Click & Collect, vente en ligne des médicaments sans ordonnance, site Internet de l'officine, page Facebook, service de livraison des médicaments via une application, cabine de télémédecine, vente d'objets connectés (... ) s'imposent petit à petit en pharmacie, transformant peu ou prou sa façon de travailler. Pour la faciliter ? C'est en tout cas ce qu'en attendent les « pro digital » en citant les avantages du passage au mode 3.0 qui peut s'appliquer à toute entreprise : élargir ses frontières en abolissant la distance, transmettre, partager, modifier instantanément l'information, gagner du temps, réduire le risque d'erreurs, améliorer la gestion et l'exploitation des données et, peut être avant tout, fluidifier la relation avec la clientèle et augmenter les échanges.
Selon Hélène Decourteix, fondatrice de la société de conseil La Pharmacie Digitale, il ne s'agit pas pour l'officine de faire du digital mais d'être digitale. Ainsi existe-t-il une différence fondamentale entre la pharmacie qui utilise le numérique uniquement pour communiquer (sur des écrans dans son espace de vente ou sur les réseaux sociaux en lançant une page Facebook) et celle qui va exploiter toutes les possibilités qu'offrent les nouvelles technologies pour remettre en question sa façon de fonctionner, en détectant les points de friction pour l'équipe et les patients, et passer à un autre niveau d'exercice.
Au centre, le patient
Tous les domaines de l'officine sont susceptibles d'être concernés par la digitalisation, à commencer par son organisation, le management de l'équipe, la trésorerie, le pilotage des stocks, la gestion des plannings… « Le titulaire doit s'interroger sur les objectifs qu'il vise pour son entreprise, poursuit Hélène Decourteix. Voudrait-il étendre ses activités de service, avoir une plus grande visibilité, élargir sa clientèle, améliorer le fonctionnement de son back-office… ? » Toutes ces questions trouveront réponses dans les solutions digitales. Pour une pharmacie rurale, il peut s'agir de mettre en place un service de téléconsultation, quand une autre améliorera le suivi de ses patients chroniques, simplifiera la prise des rendez-vous, chacun faisant selon ses caractéristiques en termes d'implantation, de clientèle, de capacités d'investissement. « Pour l'officine, la digitalisation est semblable au passage à la gestion des stocks il y a 20 ans. C'est une étape difficile mais nécessaire à franchir et qui paraîtra évidente par la suite. »
Mais elle ne pourra s'effectuer pleinement qu'à deux conditions. « À l'avenir, l'officine ne pourra se passer des fonctionnalités CRM (customer relationship management), soit la gestion de la base de données clientèle. Le flux de patients est une source d'informations très importante qu'il faut exploiter. » À l'heure de la personnalisation des services, il est impensable de l'ignorer, selon Hélène Decourteix. Ces données peuvent également servir de repère, par exemple pour définir un seuil de rentabilité dans le cadre des nouvelles missions rémunérées comme le bilan partagé de médication, en fonction du nombre de rendez-vous et du temps passé.
Le patient-client, comme le nomme Didier Bujaud, consultant marketing et développement chez Itekpharma, est bien au centre du processus. Source de données, il est aussi le destinataire des solutions et produits de santé développées par l'officine. Et ce destinataire demande à être connecté. « Plus de 4 millions de personnes franchissent quotidiennement les portes des officines, explique-t-il. Avec un taux d’équipement en Smartphone de près de 80 %, cela représente 3,2 millions de clients/patients avec lesquels la pharmacie peut interagir en dehors de ses murs. » Ceux-ci ne la voient plus comme une officine où l’on reçoit le contenu de sa prescription. Elle est devenue une phase de leur parcours d’achat. Ils en attendent des services, envoyer leurs ordonnances par voie électronique, faire leurs achats en ligne et se faire livrer (Click & Collect, Click & Delivery), recevoir des conseils via le support digital de la pharmacie, recevoir des promotions, s'informer via des sites de santé validés… « En un mot, ils souhaitent enrichir leur relation avec la pharmacie. » Cette population est également source de données qui, si l'officine les analyse, vont lui permettre de mieux connaître ses patients, d’adapter son affluence géographique sur son territoire, de fidéliser et de conquérir des clients.
Se faire accompagner
Sur la base d'une série de 38 questions, Didier Bujaud établit un état des lieux de la pharmacie en fonction de ses objectifs de croissance et définit la stratégie digitale la mieux adaptée. Cette démarche peut concerner toutes les officines, qu'elles soient rurales, de centre-ville, de périphérie urbaine ou bien de centre commerciaux. « La totalité des pharmacies françaises doit mettre en place dans les meilleurs délais une stratégie digitale adaptée à ses objectifs, trouver le partenaire qui correspond le mieux à ses attentes, mais surtout se former, ainsi que l’équipe officinale aux évolutions technologiques et à leur usage. » L'enjeu pour le pharmacien est toujours le même : renforcer sa place dans le parcours de soins en tant qu’acteur-clé de la santé de demain.
Imaginer des services adaptés et innovants est également un pré requis pour tirer son épingle du jeu dans un univers en prise avec la libéralisation de la législation. Au final, l'intérêt du digital est d'offrir à l'officine de nouvelles perspectives qui peuvent garantir sa croissance et lui permettre de se différencier face aux nouveaux entrants du monde numérique (Google, Amazon…).
Mais réussir son passage au digital pourrait dépendre d'un autre impératif. Pour Hélène Decourteix, la conversion paraît en effet difficile sans l'aide des groupements. « L'officine doit s'appuyer sur les capacités d'investissement humaines et financières des groupements. Ils portent en eux une nouvelle vision de la pharmacie et pourront l'accompagner dans sa transition, l'aider à intégrer les outils technologiques et à s'organiser. » Si la démarche n'en est, pour la plupart, qu'au stade de la mise en œuvre, la prise de conscience quant à la nécessité pour l'officine d'être digitale, est quant à elle bien réelle, et ce pour de nombreux groupements. Aprium a ainsi intégré dès sa création un pôle digital. Celui-ci est chargé de convertir les officines adhérentes à la digitalisation, qui ne sont pas sans présenter quelques réticences face à la démarche. « L'appropriation de ces solutions technologiques n'est pas évidente, rappelle Arnaud Imerglik, directeur du département digital chez Aprium. Il faut former l'équipe et assurer un suivi pour l'accompagner, le temps qu'elle s'adapte aux nouveaux outils. » Certains sont plus faciles à implanter que d'autres. « La carte de fidélité, qui permet aux clients de recevoir des bons d'achat et des offres exclusives, a été rapidement adoptée car elle repose sur un système couramment utilisé dans la vie quotidienne. » La plateforme automatisée qui abrite un service Click & Collect intégré, une fonction pour scanner les ordonnances et permet de gérer la livraison des prescriptions à domicile, a, quant à elle, investi un tiers des officines adhérentes. Elles sont de plus en plus nombreuses à l'installer, souvent sous l'effet d'une demande de la clientèle. « Les patients sont habitués aux facilités et aux fonctionnalités qu'offrent les outils digitaux. Il y a une attente vis-à-vis de l'officine qui doit, de toute façon, investir ces services sous peine de voir des géants comme Amazon s'en emparer définitivement. »
Chez Pharmavie, l'objectif est d'utiliser le digital comme caisse de résonance pour garder l'officine au centre du parcours client. Leviers de croissance permettant aux pharmaciens de gagner du temps pour se recentrer sur leur cœur de métier, les outils digitaux ont intégré les officines du réseau : services Click & Collect, scan ordonnance, livraison à domicile proposés aux clients, dématérialisation de la pharmacie via une application smartphone, un site Web et un programme de fidélisation incluant une fonctionnalité CRM pour renforcer le lien avec la clientèle. Pour permettre d'adopter ces solutions numériques, Pharmavie forme et accompagne ses adhérents étape par étape, « l'important étant de maîtriser l'outil digital proposé et de l'intégrer pleinement dans l'organisation de l'officine ».
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